InterviewDenis Balbir: «Heureusement qu’on ne m’a pas demandé de m’assagir!»
Anaïs Deban / AllTheContent
24.9.2018
Denis Balbir est la voix des Bleus victorieux. Depuis la rentrée il est le maître de cérémonie de l’émission de radio «On refait le match» sur RTL et il commentera tout au long de la saison les matchs de l’équipe de France sur M6. Il revient sur trente années de carrière et se confie sur sa vision du football et sa relation fusionnelle avec ce sport.
Bluewin: Qu’est-ce que ça fait d’être LA voix des Bleus pour leur grand retour avec la Coupe?
Denis Balbir: C’était la suite logique. J’avais fait l’Euro 2012 et l’Euro 2016 mais c’est vrai que là c’est plus officiel parce que ce n’est pas sur une compétition ou un évènement ponctuel, c’est sur la durée. C’est une bonne nouvelle, c’est même une fierté. Les oiseaux chantent!
«Je suis né en Inde et mon père achetait tous les journaux internationaux...»
Vous avez commencé sur la radio NRJ à 24 ans et ce n’est que bien plus tard que vous intégrez Canal+ et devenez commentateur sportif. Vous rêviez déjà de ça pendant tout ce temps?
Oui… J’étais dans une famille qui n’était pas sportive mais qui s’intéressait beaucoup au football, de par mon père. Et notamment au football international. Je suis né en Inde et mon père achetait tous les journaux internationaux donc j’ai d’abord vite été nourri de football anglais. Et puis je fais partie de la génération qui a eu la télévision très tard. La première fois que j’allume la télévision c’est pour regarder les Jeux olympiques de 1968. Mes premiers souvenirs sont les matchs de Pelé et le premier commentateur que j’ai vu c’était Michel Drucker. Forcément ça donnait envie. Mais bon c’était déjà un milieu très difficile, des commentateurs de renom démissionnaient et puis on ne s’improvise pas commentateur sportif… La présentation des informations générales sur NRJ était un passage obligé et puis j’ai toujours été intéressé par les faits de société et l’actualité internationale. Le sport n’était pas chez moi une obsession mais c’était un vrai désir, un rêve de gamin.
«Mes premiers souvenirs sont les matchs de Pelé.»
Et maintenant que le gamin a quelques années de plus, quel regard portez-vous sur votre carrière?
Quand on fait de sa passion un métier, quel que soit le domaine, c’est une chance énorme. Je me remercie moi-même du chemin parcouru mais je remercie aussi la chance, les gens qu’on rencontre au bon moment, les opportunités qui se sont présentées et qu’on a su saisir… Je vois ma carrière comme un puzzle, des concours de circonstances qui s’imbriquent les uns dans les autres. Par exemple quand je suis rentré d’Afrique après mon service militaire, j’ai su que la radio NRJ cherchait un journaliste. Alors je suis allé déposer une maquette au domicile du directeur. Il m’a appelé le soir-même pour m’engager! Si je l’avais envoyée par La Poste, je n’aurais peut-être pas eu le poste et ma carrière aurait été différente. Pareil pour Canal+, je voulais être sur une autre chaîne mais il fallait envoyer un vidéocassette. Je n’en avais pas alors j’ai passé par défaut le casting de Canal+. Du coup j’y suis allé sans aucune pression et j’ai été pris! Encore un concours de circonstances grâce auquel j’ai la carrière que j’ai (rires)…
Entre la radio et la télévision vous allez avoir une saison bien remplie… Comment se prépare-t-on à un tel challenge?
Heureusement je n’ai pas été parachuté… J’ai une longue expérience. J’ai été deux ans chroniqueur dans l’émission que je vais animer à la radio et ça fait 28 ans que je commente des matchs. Même si je me remets en question à chaque match, je suis assez serein.
28 ans, ça en fait des matchs… Quel est votre plus beau souvenir?
Les JO de Barcelone en 1992, c’était un beau moment. C’était la première fois qu’une chaîne de télévision traitait des Jeux olympiques 24 heures sur 24. C’était inédit. Et après il y a tous les grands matchs et les beaux moments qui font que le foot est comme il est aujourd’hui. Je me rappelle notamment de la victoire de Calais (CFA) en Coupe de France contre Bordeaux en l’an 2000. Grand moment.
«Quand on aime les joueurs, les stades, l’odeur du terrain, on n’a pas envie de s’arrêter!»
Qu’est-ce qui vous anime et vous donne encore envie de continuer à commenter des matchs?
La passion! Quand on est passionné comme je le suis, on comprend ceux qui ont du mal à raccrocher. Heureusement je n’en suis pas encore là légalement. Quand on aime les joueurs, les stades, l’odeur du terrain, on n’a pas envie de s’arrêter!
C’est la passion la clé de la réussite dans votre domaine?
Il faut aimer le sport pour lequel on vit, c’est certain. Sinon on n’est pas dans le rythme. Il faut du travail et du sérieux. Mais surtout il faut aimer les joueurs et il faut aimer les gens. Il faut aimer la préparation, le moment présent et la suite sinon on n’y arrive pas.
Thierry Roland, commentateur légendaire décède en juin juste avant l’Euro 2012. Qu’est-ce que ça vous a fait de le remplacer au côté de son binôme de toujours Jean-Michel Larqué?
J’écoutais Thierry Roland quand j’étais gamin à la radio alors vous vous imaginez… Quand vous êtes avec son co-équipier qui est très endolori par ce qui est arrivé à son ami de toujours, vous êtes là pour être le plus pro, le plus sympa et avenant possible. C’était curieux comme situation, pas ordinaire… Mais on en a fait quelque chose de positif je crois. On a passé des moments forts, l’émotion était incroyable. Je me rappelle d’un soir où il y avait un orage terrible en Ukraine, on a dû tenir l’antenne une heure et demi sous la pluie en attendant que le match reprenne. C’est un grand souvenir commun. Il y a eu de bons moments, malgré le drame et malgré sa peine immense.
«En 2012, quand M6 m’a recruté pour l’Euro, ils savaient déjà comme j’étais.»
Et comme Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, vous êtes connu pour avoir un franc-parler. Ça nous promet une saison haute en couleur sur M6 ou bien est-ce qu’on vous a demandé de vous assagir?
En 2012, quand M6 m’a recruté pour l’Euro, ils savaient déjà comme j’étais. J’ai un franc-parler parce que je suis passionné, j’aime le foot. Moi les journalistes sportifs qui disent qu’il faut être objectif, qu’il faut être neutre, je pense que c’est du blabla. Alors heureusement qu’on ne m’a pas demandé de m’assagir! De toute façon, j’aurais été incapable d’obéir. Et puis, vous savez, je suis passé par de nombreuses chaînes de télévision, ça fait trente ans que je suis dans le métier. Si j’étais vraiment discuté et discutable, ça ferait longtemps que je n’y serais plus!
Vous avez commenté les matchs de la Coupe du monde féminine de football en 2015. Qu’est-ce que ça a de spécial un Mondial féminin?
C’est génial! Vous allez aux entraînements de l’équipe, vous discutez avec les joueuses, tout le monde est très abordable. À cette époque, l’équipe garçons était déjà moins accessible, c’était plus tendu. Chaque match a sa vérité, que ce soit dans le résultat ou dans le spectacle, chez les filles ou les garçons. Le football féminin a bien évolué. Une de mes filles a 11 ans et je sens bien l’engouement. Avec ses copines elles s’identifient aux joueuses… Et ce sera encore plus fort si l’équipe de France féminine va loin dans le Mondial 2019.
«Je l’écoute et quand il y a quelque chose qui ne va pas, je lui dis en y mettant les formes.»
D’ailleurs vous avez une de vos quatre filles qui est journaliste chez RMC, on dirait presque qu’elle marche sur vos pas. Vous êtes un papa comblé?
Oui… On s’est appelé pas mal ces dernières années. Je l’ai beaucoup rassurée. Quand on a un nom parfois facile à porter et parfois difficile à porter, on ne sait pas trop comment on va être accueilli. Mais elle trace sa voie. Je suis fier parce que je trouve en toute objectivité qu’elle se débrouille bien! Je l’écoute et quand il y a quelque chose qui ne va pas, je lui dis en y mettant les formes. Mais je n’épie pas tous ses flashs infos. J’ai toute confiance en elle.
Quel est l’objectif que vous vous êtes fixé pour cette saison?
D’être le meilleur possible, d’apporter le plus de joie possible aux gens. Il y a de moins en moins de football accessible pour les gens alors je veux qu’ils aient plaisir à nous suivre, que ce soit pour les femmes ou pour les hommes. J’ai envie de faire connaître les joueuses et les joueurs. Je suis sur une chaîne française grand public et gratuite. C’est une responsabilité immense.
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