Interview Mike Horn: «Ma vie n'avait pas de sens sans elle, je l'aimais tellement»

Caroline Libbrecht/ AllTheContent

25.7.2018

Mike Horn enchaîne les expéditions extrêmes depuis 25 ans. La dernière en date, l'Antarctique, dont il raconte l'épopée fantastique dans un livre. Il présente aussi «The Island» sur M6 et, à la rentrée, il lancera une nouvelle émission de survie, «Cap Horn». Mike Horn se livre sur ses projets télévisuels, mais aussi sur un pan plus personnel de sa vie, sa douleur après le décès de sa femme et le soutien précieux de ses filles.

Bluewin: Votre livre «L’Antarctique, le rêve d’une vie» (XO Editions) retrace votre expédition dans l’Antarctique en 2017. Vous avez parcouru 5100 kilomètres en 57 jours, en solo. Comment s’est déroulée cette aventure extrême?

Mike Horn: Dès le début, ma façon d’arriver dans l’Antarctique a déjà compliqué les choses. Normalement, quand on a le budget, on arrive en avion. Moi, je voulais arriver comme les aventuriers qui m’ont toujours inspiré et je voulais traverser l’Antarctique sur sa partie la plus large, en solitaire. A deux ou à trois, on est ralentis. Sur ces longues distances, c’est mieux d’être seul. En approchant l’Antarctique, quand la glace ferme la route, on peut se retrouver bloqué: il faut se frayer un passage et attendre que la glace nous laisse entrer. Il y a 1000 kilomètres de glace avant d’accéder au continent austral. Et le temps est précieux car il faut arriver avant l’hiver!

«L’hiver, c’est quand les températures chutent à -80°C, -90°C. C’est une course contre la montre.»

Qu’appelez-vous l’hiver, alors que vous avez cotoyé des températures autour de -50°C?

L’hiver, c’est quand les températures chutent à -80°C, -90°C. C’est une course contre la montre. Je devais avancer, mais je réalisais que 24 heures ne suffisaient pas. C’est pour cela qu’il fallait prolonger la journée, étirer le temps, changer l’horloge biologique. Chaque journée devait durer 30 heures: je dormais 5 heures, je marchais 20 heures, et j’avais 5 heures de répit consacré aux repas.

Vous êtes le premier à avoir emprunté cet itinéraire dans de telles conditions. Quelle fierté en tirez-vous?

J’essaie toujours de faire des choses qui n’ont jamais été faites auparavant. Tout devient possible aujourd’hui grâce à l’amélioration des technologies et des matériaux utilisés. Mais deux choses ne changent pas: l’Antarctique et l’homme. Après 25 ans d’explorations, mes étoiles étaient alignées pour réaliser ce rêve d’enfant. L’Antarctique, c’était un aboutissement! La préparation m’a pris une dizaine d’années: développer la tente, le matériel, les skis, les chaussures, les panneaux solaires, les moyens de communication…

«Les gens ont peur de l’inconnu et de la solitude, mais la peur va devenir ma maison...»

Le 13 décembre 2016, l’équipage du bateau vous dépose, puis s’éloigne, vous laissant seul, au milieu d’une immensité blanche, avec votre traîneau, votre cerf-volant et vos skis. Que ressentez-vous à ce moment-là?

Je ne me posais plus de questions, car toutes les décisions avaient été prises en amont. C’était à moi de jouer, je n’avais pas droit à l’erreur. Je devais arriver à mon but: il n’y avait pas d’autre option possible, pas de sauvetage possible. Cet inconnu m’excite et me motive. Je ne dépends alors que de moi, je vais découvrir qui je suis. Les gens ont peur de l’inconnu et de la solitude, mais la peur va devenir ma maison, là où je suis confortable. C’est là où ma vie prend une certaine valeur.

D’ailleurs, votre père vous disait: «Si tes rêves ne te font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands»…

Exactement! La peur me protège, elle me garde vivant, en m’empêchant de prendre des risques inutiles. Je m’entoure de gens qui croient en moi et que j’aime profondément. La décision de partir se prend ensemble. Si mes filles ne me soutiennent pas, c’est plus facile de mourir que de rester vivant.

«Elle m’a dit: «Cela ne sert à rien que tu meures pour moi, mais tu peux vivre pour moi»»

Vous avez perdu votre épouse Cathy, en 2015. Elle était votre plus grand soutien. Comment surmonte-t-on un tel drame?

Elle était toujours là pour moi: elle me donnait la liberté, elle trouvait les sponsors, elle s’occupait de toute la logistique. Elle jouait un rôle clé. Je n’aurais jamais imaginé vivre plus longtemps que ma femme, car je prenais des risques. Quand elle a déclaré un cancer du sein, j’ai eu envie de mourir à sa place. Ma vie n’avait pas de sens sans elle, je l’aimais tellement. Elle m’a dit: «Cela ne sert à rien que tu meures pour moi, mais tu peux vivre pour moi». On a vécu 25 années incroyables ensemble, on a vécu plusieurs vies. J’ai réalisé qu’on a une seule vie: on a seulement 30’000 jours. On a vécu les choses à fond. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas peur de mourir, qu’elle n’a pas perdu son temps sur Terre. Elle m’a dit «Vis pour moi, vis pour nous deux». Aujourd’hui, ce sont mes filles qui me soutiennent, qui gèrent la logistique et qui me permettent d’aller au bout de l’aventure.

Comment devient-on un aventurier de l’extrême? Vous avez grandi en Afrique du Sud. A l’âge de 24 ans, vous avez décidé de vous débarrasser de tout ce que vous aviez et de partir en Suisse (un des trois pays autorisés à accueillir les Sud-Africains sans visa, à l’époque, NDLR). Quel a été le déclic?

Je suis né pendant l’Apartheid et on n’avait pas le droit de voyager. Mais, quand j’étais enfant, mes parents me donnaient beaucoup de liberté. Tout devenait alors possible. Jeune adulte, j’avais tout, mais j’étais malheureux. Il fallait que je parte et que je découvre d’autres horizons. Je suis né aventurier, j’ai ça dans la peau!

«J’ai fait trois tours du monde à pied, et je vois de plus en plus de plastique dans les océans, je vois les glaciers fondre.»

Avez-vous aussi le souci de témoigner sur l’état de notre planète?

Quand j’ai débuté les expéditions dans les années 1990, on parlait peu d’écologie. La nature était méconnue. Au fil du temps, j’ai vu mon terrain de jeu changer. La nature est plus forte que nous et on a besoin d’elle pour rester vivant. J’ai fait 15 tours du monde sur un voilier, j’ai fait trois tours du monde à pied, et je vois de plus en plus de plastique dans les océans, je vois les glaciers fondre. J’ai pu observer une évolution rapide de l’environnement. Naturellement, je suis concerné.

«Adriana Karembeu aussi est très forte: elle ne pleure pas au milieu de l’épreuve...»

En 2015, M6 vous a proposé de présenter «The Island», une émission de survie, puis «A l’état sauvage». Qu’est-ce que la télévision a changé dans votre vie?

Pour moi, cela a représenté l’opportunité de financer mes expéditions, car les sponsors sont plus rares qu’avant. «The Island» et «A l’état sauvage» me permettent de partager ma passion avec les autres et, en retour, j’apprends beaucoup. Je vois les forces et les faiblesses des participants. Par exemple, Laure Manaudou, ce n’est pas pour rien qu’elle a gagné des médailles! Shy’m a du talent, mais il y a beaucoup de travail derrière… C’est une petite gonzesse avec une grande détermination. Elle ne lâche rien, elle donne tout. Adriana Karembeu aussi est très forte: elle ne pleure pas au milieu de l’épreuve, alors que tous les cameramen étaient épuisés.

«Ce format ne me convient pas, parce que je suis limité, c’est un exercice imposé»

Pourquoi arrêtez-vous «A l’état sauvage», après six numéros?

«A l’état sauvage», c’est un format adapté de «Running Wild», l’émission de Bear Grylls. Il fait super bien son boulot, mais ce n’est pas un explorateur, c’est un présentateur. Ce format ne me convient pas, parce que je suis limité, c’est un exercice imposé. Aujourd’hui, je lance mon propre format, «Cap Horn». C’est une nouvelle émission d’aventure qui sera diffusée en prime-time, à la rentrée sur M6. Les premiers participants sont le journaliste Bernard de la Villardière et le comédien Arnaud Ducret. J’invite une personnalité à m’accompagner sur une expédition, à devenir mon co-équipier sur une aventure inédite.

Les onze célébrités qui ont participé à «The Island» vous ont-elles impressionné?

L’ex-rugbyman Christian Califano a déjà prouvé beaucoup de choses en tant qu’athlète. Idem pour les autres: ils ont tous un passé et là, ils sont curieux de voir s’ils peuvent survivre sur une île déserte et hostile. Je les félicite!

«Entre-temps, je me ressource en Suisse...»

Quelle est votre prochaine expédition?

Dans quelques semaines, je pars au Pôle Nord. Je voudrais aussi grimper un peu, retourner sur le K2 (un sommet situé sur la frontière sino-pakistanaise qui culmine à 8611 mètres, NDLR). Entre-temps, je me ressource en Suisse, à Château-d’Œx, là où je suis basé depuis de nombreuses années.

Retrouvez Mike Horn en librairie: «L’Antarctique, le rêve d’une vie» (XO Editions)
Et à la télévision: «Cap Horn», à la rentrée, en prime-time, sur M6. Avec Swisscom TV Replay, vous pouvez voir et revoir toutes les émissions jusqu'à sept jours après leur diffusion.

Le passé sombre des stars

«Wild», une émission de survie

Retour à la page d'accueil