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Interview «Pour la rencontre à France 5, on s’est présentés en pagne»
Samuel Bartholin / AllTheContent
19.6.2018
«Nus et culottés», c’est d’abord le défi lancé à eux-mêmes par Nans et Mouts, deux jeunes aventuriers dans chaque émission: partir sans vêtements, sans rien, d’un coin isolé, puis s’équiper du nécessaire au fil d’une quête poétique et décalée (faire griller des marshmallows sur les pentes d’un volcan en Italie, prendre le thé avec un lord en Angleterre). Le résultat est un hymne à l’aventure au coin de la rue ainsi qu’à la solidarité tissée au fil des rencontres. Une invitation à changer le regard posé sur le monde et sur les autres: Nans (Nans Thomassey) et Mouts (Guillaume Mouton) nous donnent ici les clés pour saisir ce qui s’apparente chez eux à une rafraîchissante philosophie de l’existence.
Bluewin: La nouvelle saison de «Nus et culottés» sera diffusée sur France 5 à compter de ce 19 juin, vous revenez avec trois épisodes 100% canadiens, 100% québécois, pourquoi ce choix?
Mouts: D’abord, l’envie de retrouver un pays, le Canada, qu’on avait connu chacun individuellement! Puis le désir d’être en lien avec une culture francophone, le côté nouveau continent…
Nans: Au début, on devait n’en faire que deux épisodes, mais quand on s’est lancés dans le voyage, les rencontres étaient d’une telle densité qu’on s’est rendus compte qu’on ne pouvait pas garder ça dans un film de 52 minutes, qu’on devait faire ce qu’on n’avait jamais fait jusqu’à maintenant, c’est-à-dire faire un véritable film de voyage!
On célébrait le mois dernier les 50 ans de Mai 1968… N’y a-t-il pas dans votre émission un petit côté «soixante-huitard»- prendre la route, rendre des services en se passant d’argent…?
Nans: On n’a pas connu Mai 1968, bien sûr, mais s’il y a une valeur chez nous en lien avec cette période historique, c’est peut-être l’envie d’inventer quelque chose de radicalement nouveau, également sans doute l’idée de se réapproprier une certaine forme de liberté!
Mouts: Ce que j’aime vivre dans nos voyages, et qui peut-être s’est vécu à l’époque, c’est de prendre et d’assumer la responsabilité de mes propres choix. Une liberté, une autonomie personnelle, mais qui implique aussi du coup une part de vulnérabilité… Peut-être qu’il y avait en 1968 une volonté de quitter la société et sa hiérarchie, mais aussi du coup, d’en assumer la précarité.
«Au lycée, j’ai vécu une expérience assez forte, la rencontre avec un homme qui s’appelle Pierre Rabhi...»
Le concept de l’émission ressemble au départ à un «délire» entre amis - démarrer nus, se fixer un défi qui sort de l’ordinaire. D’où ça vous est venu?
Nans: Il y a eu plusieurs influences… Je vais en citer une: au lycée, j’ai vécu une expérience assez forte, la rencontre avec un homme qui s’appelle Pierre Rabhi (penseur écologiste, NDLR), et qui a semé en moi une petite graine avec ce qu’il appelle la «sobriété heureuse», le fait de pouvoir vivre heureux, avec peu. Quand je me suis lancé dans ce pari, j’ai d’abord voulu mettre ça en application.
Mouts: De mon côté, il y avait tout l’aspect de la rencontre avec «l’autre». J’étais très touché par Albert Jacquard (célèbre biologiste et humaniste, NDLR), par son discours humaniste, par son invitation à aller au contact de l’autre pour former un «tout» plus résilient, pour qu’ensemble on soit plus aptes à répondre aux problématiques de notre siècle. Lui, il travaillait beaucoup cette question autour de la science et des questions sociales, nous, on a eu envie de l’expérimenter par le voyage.
«J’ai toujours eu l’envie d’y retourner, jusqu’à ce que je me rende compte que ma place n’était pas aux Etats-Unis, mais en France…»
Nans: Ça me fait penser à une autre expérience qui m’a beaucoup marqué… Quand j’étais aux États-Unis, j’ai participé à un célèbre festival qui s’appelle «Burning Man»: 50’000 personnes qui se réunissent dans le désert, et font preuve d’une créativité que je n’avais jusqu’alors jamais vue de ma vie. J’ai toujours eu l’envie d’y retourner, jusqu’à ce que je me rende compte que ma place n’était pas aux Etats-Unis, mais en France… Quand je me suis lancé pour la première fois dans ce voyage tout nu et sans argent, c’était une manière de vivre ici, chez nous, ce qui s’était passé durant ce festival.
Mouts: Ça a démarré alors par un coup de fil entre nous: «Ça te dit, on voyage ensemble? On part en stop? - Oui, mais allons plus loin, sans argent - OK, mais alors, sans sac à dos, puis sans sac de couchage, etc.» jusqu’à en arriver à: «On part avec notre "b***" et notre couteau», vraiment pris au pied de la lettre! On s’est jetés comme ça à l’eau en juillet 2010, et depuis, on hallucine de voir ce que ça nous amène à vivre…
Comment, à partir de là, est-ce devenu une émission de télévision?
Nans: Au cours de ce premier voyage à travers la France, on avait un appareil photo, avec lequel on a fait quelques images. On n’avait pas beaucoup d’expérience, mais les sujets qu’on filmait étaient tellement vivants, les gens nous réservaient tellement de surprises… On n’avait pas encore l’idée d’en faire des films, mais on a fait au retour un petit montage de trois minutes, et le résultat était tellement puissant qu’on l’a envoyé à Bonne Pioche, une société de production, et ça a pris tout de suite!
«Comme on voulait pousser le concept jusqu’au bout, le jour de la rencontre, on s’est présentés en pagne végétal!»
Mouts: Bonne Pioche a sollicité un rendez-vous avec France 5. Comme on voulait pousser le concept jusqu’au bout, le jour de la rencontre, on s’est présentés en pagne végétal! C’était un peu quitte ou double, mais coup de chance, pour nous ça a été «double»! On a fait le tour des étages, on a rencontré les équipes, et très rapidement, on a pu tourner un premier épisode, puis construire une saison… Ça a démarré comme ça!
Vous partez seuls avec trois caméras: une qui vous filme, une qui filme les gens que vous rencontrez, et la troisième qui sert à faire des plans larges…
Nans: L’idée, c’était d’avoir un baluchon, avec une caméra qui filme les gens, et une qui nous filme, pour avoir un champ/contre-champ, sans que ça n’accapare toute notre attention. On voulait privilégier les rencontres avec les gens, sans que ça tourne au «Bonjour, c’est la télévision qui débarque». Ça a bien marché, souvent même au début les gens ne voient pas que c’est une caméra, ils pensent que c’est un instrument de musique ou une canne à pêche.
Mouts: Et par ailleurs, on a cette caméra-poing, qui est sur un petit trépied, qu’on pose sur un pylône, un rocher, avant d’aller la récupérer, de manière à donner une idée de l’environnement dans lequel on évolue.
Antoine de Maximy, de «J’irais dormir chez vous» confiait à Bluewin la difficulté de tourner à la fois des images intéressantes et nourrir de beaux moments de rencontres. Comment parvenez-vous à trouver cet équilibre?
Nans: C’est vrai que le challenge était double pour nous, parce qu’on devait à la fois partir «à poil» pour réaliser un rêve, mais aussi réaliser un film, alors qu’on n’avait pas du tout l’expérience qu’avait Antoine… Par contre, l’avantage c’est qu’on est deux: quand il y en a un qui est dans l’expérience, dans la rencontre, l’autre peut ainsi être davantage dans la technique. Depuis sept ans, je dirais qu’on ne fait qu’apprendre ce métier de réalisateur, et que ça ne s’arrête jamais!
Mouts: C’est un «work in progress», comme la vie de manière générale! Ce qui nous a aussi beaucoup aidés, c’est qu’on a toujours eu envie d’apprendre ensemble, on s’est toujours bien tenu la main, ce qui fait qu’aujourd’hui, on a les mêmes aptitudes pour les prérequis techniques, on sait tous les deux «gérer la barque», et ça permet de libérer de l’espace pour la partie voyage!
«Ça a été agréable d’avoir un peu ce «grand frère» professionnel avec qui on pouvait échanger sur les difficultés techniques qu’on pouvait rencontrer.»
Est-ce que l’émission de Maximy a été une source d’inspiration? J’ai lu qu’aucun de vous n’avait la télévision…
Nans: On connaissait un peu le travail d’Antoine, et quand on a lancé «Nus et culottés», on lui a été très reconnaissants: quand on a été voir France 5, on est un peu moins passés pour deux extraterrestres, car grâce à lui, ce genre de concept avait déjà fait ses preuves. Ensuite, on a fait sa connaissance, et ça a été agréable d’avoir un peu ce «grand frère» professionnel avec qui on pouvait échanger sur les difficultés techniques qu’on pouvait rencontrer.
Mouts: On n’était pas du tout de ce milieu de la télévision, on venait de l’ingénierie pour nos études. On avait vu un peu des émissions d’Antoine, mais c’est vraiment après qu’on a plus découvert son travail, et rencontré plein de gens qui étaient dans cette veine-là. On a vu que c’était un vrai mouvement de société que d’aller ainsi à la rencontre des autres, avec authenticité.
Nans: Après, on est sur deux plans bien distincts: Antoine fait plus du «backpacking», il part avec son sac à dos, il va dormir chez des gens ou à l’hôtel, il mange chez les gens ou au restaurant. Nous, on est dans du vagabondage, on s’en remet à la route, en questionnant la relation à l’argent, à l’insécurité matérielle… Lui va travailler sur d’autres thèmes, ce sont deux espaces différents d’exploration.
«Dans la polarité de l’émission, Nans était souvent le plus «culotté»...»
Dans tout duo complémentaire, chacun dispose de points forts et de points faibles par rapport à l’autre. Quels sont-ils chez vous?
Nans: Excellente question! Découvrir les qualités de l’autre, ses propres défauts, et vice versa, c’est ce qui permet de trouver sa place dans le binôme. Moi, je dirais que pour ma part, j’apporte une part créative, une prise d’initiatives, et que Mouts apporte l’énergie nécessaire pour garder le cap, une persévérance.
Mouts: Oui, j’ai pas mal été porteur de ça… Dans la polarité de l’émission, Nans était souvent le plus «culotté», et moi, j’étais davantage le plus «nu» des deux, dans le sens de l’authenticité, de la vulnérabilité assumée… Et plus on a avancé, plus on s’est rendus compte qu’on était dans une polarité, mais aussi que très souvent, ça pouvait s’échanger.
«Quand la maison a brûlé – ce qui a été un grand drame pour ma famille, qui a perdu tout, absolument tout, un véritable «Nus et culottés» familial...»
En 1991, alors que tu étais enfant, Nans, la maison de ta famille a brûlé, suscitant un grand effort de solidarité dans le village où vous habitiez.
Nans: Je vivais dans un village entre Grenoble et Chambéry, dans mon souvenir, il y avait assez peu de solidarité au sein du village… Mais quand la maison a brûlé – ce qui a été un grand drame pour ma famille, qui a perdu tout, absolument tout, un véritable «Nus et culottés» familial – on a trouvé ce soutien dans le village, où on nous a donné une maison, des vêtements, de quoi manger, et tout le nécessaire… Le fait de découvrir que quand on n’a plus rien, il y a quelque chose qui prend le relais, cette solidarité, ce lien entre les gens, c’est quelque chose qui m’a accompagné toute ma vie.
Justement, on sent que par-delà le sens de la débrouille, cette idée de la relation avec les autres est au cœur de l’émission…
Mouts: Pour moi, elle s’est révélée centrale quand j’ai fait un voyage d’un an pour le projet «EcoAmerica», avec l’idée de rencontrer les gens qui travaillent sur les questions environnementales et sociales sur le continent américain, et que j’ai réalisé combien la relation humaine était au centre de ces problématiques, que quand un projet échoue, c’est souvent pour des raisons de relation humaine. Depuis lors, l’axe de mes recherches, c’est comment on peut parvenir, entre humains, à construire ensemble.
Peut-être que, à la différence de certaines utopies des années 1960, vous vous inscrivez d’abord dans une démarche individuelle, qui part d’abord de soi pour s’étendre aux autres?
Mouts: De mon côté, j’ai eu effectivement une phase de désillusion à l’égard des mouvements collectifs, de la politique, à un moment donné dans ma vie. Et j’ai retrouvé une confiance, une envie de m’investir, dans une démarche individuelle – mais pas pour autant à visée individualiste: un élan individuel qui consistait à prendre ses responsabilités, et à penser que ça pouvait rayonner autour.
Nans: A la différence de Mai 1968, dont on parlait plus tôt, notre démarche ne part pas d’une rébellion: depuis le début dans cette aventure, on n’essaie pas tant de s’extraire d’un système, même si ça peut y ressembler, que de questionner les relations humaines et d’inclure au maximum, d’aller à la rencontre du mendiant comme du milliardaire, et de voir comment on peut parvenir à vivre tous ensemble.
Mouts: Là où on a pu voir dans certaines démarches politiques, comme en 1968, une démarche non inclusive, mais exclusive, notamment à l’égard de certaines catégories de personnes (patrons, politiciens…), nous pensons que chaque être humain a une contribution à apporter au monde, quelle que soit sa casquette: on peut à partir de là fonctionner en terme de conciliation, et non plus d’exclusion.
Vous valorisez dans l’émission un détachement radical, un départ vers l’inconnu, tout en évoquant dans vos entretiens d’une part, la part de risque qu’il comporte, mais aussi le besoin parallèle d’ancrage, d’avoir un lieu à soi…
Nans: Ce qu’on propose dans ces voyages n’est pas un exemple à répéter absolument, ce n’est pas une invitation à ce que tout le monde se mette à poil pour partir: c’est simplement que chacun puisse faire un pas, s’il en a envie, en dehors de sa zone de confort, et explore du nouveau. Et l’ancrage, oui, il est hyper-important, qu’il soit géographique ou intérieur. Sans cela, on serait incapables de faire ces voyages. Notre ancrage à nous est aussi familial, amical: à chaque fois qu’on part, il y a tous nos proches derrière qui nous encouragent, nous soutiennent. C’est quelque chose qu’on ne voit pas, et je te remercie de nous donner l’occasion d’en parler.
Mouts: La métaphore qui parle le mieux de ça, c’est celle de l’arbre, qui se développe. Au bout d’un moment le houppier devient très grand, très large, mais ça lui donne aussi une vulnérabilité, notamment face au vent. Et pour rester debout, il faut développer tout autant le système racinaire, pour éviter de tomber à la moindre brise.
«J’ai moi-même perdu une sœur à 15 ans, j’ai vu l’effet que cela a eu sur ma famille, et j’ai eu envie d’explorer cette question du deuil...»
Quels sont vos centres d’intérêts en dehors des voyages?
Nans: Je suis passionné par le yoga, la communication non-violente: «Nus et culottés», ça a été une très belle école expérimentale, et ça m’a donné envie par la suite d’aller aux sources des gens qui avaient beaucoup réfléchi aux relations humaines, et à la relation à soi. Ça m’a poussé récemment à me lancer dans l’aventure d’un film qui s’appelle «Et je choisis de vivre», l’histoire d’une femme qui a perdu son enfant, et qui part à la rencontre d’autres personnes dans le même cas, qui ont réussi à sortir grandies de ce deuil. J’ai moi-même perdu une sœur à 15 ans, j’ai vu l’effet que cela a eu sur ma famille, et j’ai eu envie d’explorer cette question du deuil, qui est devenue un peu taboue dans nos sociétés.
Mouts: Moi, ce qui me fascine en ce moment, c’est le développement de ce système racinaire dont on parlait. J’ai eu la chance de vivre dans le Sud-Ouest pendant deux ans dans un habitat participatif. Et récemment, je suis rentré dans ma région natale, en Haute-Marne, pour y vivre… J’ai épousé Léa, qui est aussi originaire de cette région, et ensemble on est en train d’y construire un habitat participatif. C’est un retour aux sources, à la nature, à la solitude, à la poésie aussi: je suis quelqu’un qui peut facilement s’émerveiller de la rosée du matin, de la lumière, de l’aube, encore faut-il pouvoir les regarder, et trop souvent, j’avais les yeux rivés sur les mails, un écran d’ordinateur, je m’étais fait happer par la vie moderne, et ce retour à la nature m’a sauvé.
«Quand tu es au restaurant avec ta chérie, comment protéger l’espace d’intimité...?»
Comment, avec ce parcours qui est le vôtre, avez-vous géré à un moment la notoriété télévisuelle, et ce qu’elle entraîne?
Nans: Pour moi, au début, c’est vrai que ça a été une surprise, voire un choc, car j’avais une identité complètement anonyme, celle d’un voyageur: je n’avais même pas de sécurité sociale quand je suis revenu de mon premier grand voyage en Amérique. Quand les gens me demandaient ce que je faisais dans la vie, je répondais que j’écrivais un livre, et ils insistaient: «non, mais sérieusement, tu fais quoi?» Je ne représentais souvent pas grand-chose à leurs yeux, et quand je suis passé à la télé, ça a été la révolution! Du coup, ça a été difficile par moments pour ajuster cette nouvelle donne: quand tu es au restaurant avec ta chérie, comment protéger l’espace d’intimité sans non plus brusquer la personne, qui vient vers toi avec beaucoup d’enthousiasme et de joie? En même temps, comme on s’est fait connaître par une émission un peu étonnante, ça a aussi donné lieu à des rencontres extrêmement positives, un voisin de la maison de mon enfance qui se rappelait que je me promenais nu petit, une grand-mère dans le métro qui nous reconnaît…
Mouts: Moi, j’ai eu une première phase où j’ai du apprendre à dire «non», à fixer des limites, quand tu partages en effet un moment d’intimité avec des proches, à expliquer avec douceur et fermeté que le moment est mal choisi… Puis je m’en suis rapidement servi comme tremplin pour accéder à une profondeur chez les autres, que je ne savais pas auparavant aller contacter, peut-être parce que je n’en sentais pas la légitimité non plus… Une phrase-type qu’on a souvent sorti avec Nans, c’est: «Mais ça vous a fait quoi, à vous, de voir ces films?» Et très souvent, les gens ont joué le jeu de se mettre à en discuter avec authenticité, et là, on a eu accès à des perles…
«Vous voyez, je suis incarcéré, là j’ai une permission aujourd’hui, un droit de sortie de prison, mais à chaque fois que j’ai vu vos films, j’ai eu l’impression de m’évader.»
Nans: Un jour, à Cherbourg, un homme vient nous voir, et nous dit: «Franchement, les gars, vous êtes géniaux!» Nous, on avait appris à transformer un jugement, même positif, en ressenti, et on lui demande: «Mais toi, qu’est-ce que tu as ressenti à travers ces films?» Il nous répond: «Vous voyez, je suis incarcéré, là j’ai une permission aujourd’hui, un droit de sortie de prison, mais à chaque fois que j’ai vu vos films, j’ai eu l’impression de m’évader.»
D’ailleurs, dans vos films, c’est la vulnérabilité dans laquelle vous vous placez qui encourage vos interlocuteurs à faire part de la leur…
Mouts: Ça a été vraiment l’enseignement de ces voyages, qui à la base étaient un délire de deux potes pas mal gonflés d’ego, et on a découvert le potentiel que ça offrait de baisser nous-mêmes les armes en premier, c’est incroyable! On tente ainsi de chercher la beauté et l’espoir en toute situation, ce n’est qu’un petit bout de chemin vers quelque chose de plus grand, plus de paix, plus de confiance entre les gens.
Nans: On essaie de rester très connectés à nos aspirations profondes, autour de la confiance, de l’amour que l’on se porte les uns aux autres. Quelque part, il y a ce message, qui ressort parfois de ces films qui nous dépassent un peu, et qu’on découvre nous-mêmes à la fin.
Vous tenez un discours qui tranche beaucoup avec le cynisme, l’agressivité de notre époque, les railleries dans les médias, sur les réseaux sociaux…
Mouts: Le jugement assumé et définitif, la moquerie, le cynisme, bien que ce soit des penchants dans lesquels on peut tomber aussi parfois, ce sont des choses qu’on souhaite voir se retirer de nos vies. Ce qui nous anime, c’est cette recherche d’authenticité, de responsabilité. Dès qu’on place l’autre en porte à faux: «Toi, tu es, toi, tu devrais…» Ça remplit d’une densité, mais mal placée, la densité de l’ego: ça fait temporairement du bien, de se sentir plus grand, plus fort que l’autre, mais ce sont des chemins, qu’après avoir explorés, je n’ai plus du tout envie de parcourir.
Nans: Les positionnements ont des conséquences. Souvent, au lieu d’assumer ses véritables envies, désirs, besoins, on place tout sur le compte des autres, et dès lors, on ne prend pas ses responsabilités, on ne prend pas non plus son pouvoir. Tant que je laisse mon pouvoir dépendre des autres, j’ai peu de chances de voir émerger le monde dont je rêve. Ce que j’ai remarqué avec le temps, avec l’école qu’ont été ces voyages, en prenant notre responsabilité sur ce que l’on vit, en étant proche de soi, on récupère un pouvoir énorme. Ça fait du mal à l’ego, car c’est souvent plus simple de fonctionner en attribuant le mal aux autres, mais cette démarche est largement récompensée par la puissance, la compréhension qu’on acquiert.
«Nus et culottés», mardi 26 juin, 20h50, sur France 5. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.
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