Interview Simon Collet: «Le consommateur est aveuglé»

Aurélia Brégnac/AllTheContent

28.3.2019 - 11:37

Pour sa deuxième saison, l’émission «Une seule planète» a fait appel à deux nouveaux coachs, dont Simon Collet, étudiant en Master de sciences de l’environnement à Genève. Dynamique, investi, passionné par les enjeux écologiques, le jeune homme de 26 ans, Valaisan d’origine, a aidé Danielle à moins polluer au quotidien.

Quelles habitudes peut-on changer, vers quelles alternatives se tourner? Simon dévoile à «Bluewin» les clés de changements faciles à opérer chez soi. Toujours optimiste, il espère «une sobriété heureuse» plutôt qu’un consumérisme à outrance.

Vous avez été choisi pour être l’un des deux coachs de l’émission «Une seule planète». Pouvez- vous d’abord nous rappeler les principes de l’émission?

Quatre familles de Suisse romande ont été sélectionnées. Chaque famille avait en fait un coach, donc je fais partie, qui l’aidait et donnait des solutions pour réussir à diminuer ses émissions de CO2. On a d’abord voulu essayer de réduire de 50% les émission de CO2 de chaque famille, mais c’était en réalité difficile à réaliser. On a donc abandonné l’objectif de 50% de réduction.

«Prenant énormément l’avion, cette dame émettait à elle seule 32 tonnes de CO2...»

Pourquoi avez-fous finalement abaissé l’objectif de départ, de 50% de CO2 en moins?

C’est pas évident à calculer, et c’est quand même drastique comme réduction. Et puis, moins la famille émet, et plus c’est difficile à réduire.

Quelles solutions concrètes leur avez-vous conseillées?

La famille dont je me suis occupé, en ce qui me concerne, était une dame de 62 ans, Danielle, qui habite seule dans une vieille ferme super mal isolée. On a donc d’abord voulu réduire les émissions générées par la mauvaise isolation du bâtiment, en nous concentrant sur la dalle des combles de la ferme. Et puis, on s’est intéressés aux voyages, qui représentaient une grande part de son bilan carbone. Prenant énormément l’avion, cette dame émettait à elle seule 32 tonnes de CO2; le Suisse moyen en émettant 14 tonnes. Ces trajets en avion ont été réduits car, à cause de l’avion, 8 tonnes était émises… Les grosses économies ont été réalisées sur l’avion et le logement.

«On essaie de motiver à prendre le train, à découvrir les autres cultures en prenant le temps.»

Quelles solutions pour voyager alors?

Pour réduire ses trajets en avion, une voyageuse a témoigné au cours de l’émission: elle n’a pas pris l’avion depuis ses 16 ans. On essaie de motiver à prendre le train, à découvrir les autres cultures en prenant davantage le temps. Vivre le voyage en profitant du trajet, en s’arrêtant à plusieurs endroits. On a aussi parlé de voiture électrique, mais elle n’y était pas vraiment favorable. Consommer local et de saison est aussi important, aller directement à la source, au producteur.

Comment avez-vous appréhendé le tournage?

Je n’avais pas spécialement d’attentes. L’équipe était super chouette! Il fallait que je sois naturel, alors les prises étaient faites en une ou deux fois. Il y a avait bonne ambiance, c’était relax, on blaguait en dehors des prises.

Pourquoi, selon vous, vous a-t-on choisi pour remplir cette mission?

La sélection s’est d’abord faite par e-mails envoyés aux étudiants qui touchent à l’environnement, comme des élèves ingénieurs à l’EPFL ou en Sciences de l’environnement. Il y ensuite eu 16 personnes qui se sont proposées, puis un premier entretien, des mises en situation pour voir comment on réagissait… Les six derniers en lice sont passés devant la caméra avec une famille témoin. Je pense que c’est mon naturel, mon dynamisme qui les a séduits. Flavia, elle, est enjouée, facile d’accès.

«Les gens ont toujours l’impression qu’ils vont revenir à l’âge de pierre.»

Dans cette expérience, vous aidiez précisément une personne âgée. Cet âge  était-il un avantage ou un inconvénient?

Les gens ne veulent pas revenir en arrière en général, ils ont toujours l’impression qu’ils vont revenir à l’âge de pierre. Mais il s’agit de petits changements dans son mode de vie. Montrer, par exemple, que voyager en train peut être plus nourrissant humainement. C’est une façon de penser, des petits trucs à prendre pour éviter de polluer. Danielle a en fait été très motivée. Maintenant, elle me dit même qu’elle aimerait avoir trente ans de moins pour s’engager en politique et faire changer les choses. Elle était prête à changer ses habitudes. Avant de constater son bilan carbone, elle ne s’était jamais posé ces questions-là. Elle n’en avait pas conscience.

Quels sont pour vous les gestes que chacun peut faire au quotidien et qui représentent un changement écologique qui peut avoir des répercussions concrètes sur l’avenir de notre planète?

Encore une fois l’isolement des bâtiments. Au lieu de mettre son chauffage à 23°, il suffit de mieux isoler. Si l’on réduit déjà son chauffage d’un degré, on économise déjà beaucoup. Il faudrait mettre son logement à 19° ou 20°. Et puis, si l’on a froid, on met un pull… C’est aussi simple que ça. Ensuite, faire ses courses locales, de saison. C’est bien de faire ces petits gestes au quotidien, mais c’est encore mieux d’être convaincu par la cause, et d’en parler autour de soi, d’influencer les gens autour de soi. C’est ça qui fait le plus de résonance.

Gouvernements, consommateurs, fabricants… Pour vous, quels sont les responsables de ce désastre écologique?

C’est très complexe comme équation. Les pays, les gouvernements, l’économie, les élites sont bien sûr responsables. Il faut savoir qu’il y a 100 grandes entreprises qui émettent 70% de CO2. Le problème, c’est qu’elles produisent parce qu’on consomme. Est-ce que c’est la demande qui crée l’offre, ou l’offre qui crée la demande? Le consommateur est aveuglé. Il y a, de ce côté, une sérieuse prise de conscience à amorcer, sortir de son consumérisme. Il faut sortir de ce schéma-là, où les gens consomment ce qu’on leur offre. Les industries et le marketing savent bien comment vendre aux gens qui n’ont pas vraiment d’avis, et ils en profitent.

«Elles produisent parce qu’on consomme.»

En tant que jeune adulte, comment voyez-vous l’avenir de la planète? Faites-vous confiance aux gens pour changer la donne?

Je n’ai jamais été pessimiste, mais depuis que je suis en Master, je vois qu’il y a énormément de pollution. On voit que certaines entreprises polluent beaucoup, et on a l’impression d’être impuissant face à ça. Mais, aujourd’hui, j’étais dans un collège pour une intervention, et là, je vois que les jeunes se mobilisent. C’est quelque chose de puissant. Cette nouvelle génération a conscience de l’enjeu. Et comme les politiciens veulent séduire leur électorat, il se pourrait qu’ils se mobilisent eux aussi. On a la chance d’être dans une démocratie. Et une étude dit, à ce propos, que pour qu’un mouvement soit écouté par les politiques, il suffit que 3,5% de la population se mobilise, cela suffit pour être pris en compte. Pour le climat, il suffit de 280'000 personnes. J’ai plutôt bon espoir. Même si on parle d’inertie du climat, que même si on arrête maintenant de polluer, les changements climatiques vont continuer. Un de mes profs dit que c’est trop tard pour être pessimiste. Si on peut faire quelque chose, il faut le faire maintenant.

Ici, chez nous, en Europe, est-ce suffisant?

L’écologie est aussi un problème de riches, de pays développés. Les pays en voie de développement ont autre chose à faire que de se soucier de ça. Mais de la même manière que l’Europe a colonisé les pays africains, elle peut aussi donner l’exemple d’une Europe plus propre, qui va sur une bonne route. On a une grosse influence. Montrer qu’on peut vivre bien mais propre. Ça n’a pas toujours été le cas jusqu’à maintenant.

«Quatre personnes sur cinq ne sauraient pas vraiment ce qui pollue le plus.»

Quels changements espérez-vous à court terme, dans les 5 ans à venir?

Peut-être la transition énergétique. Abandonner le pétrole, ça peut aller assez vite. Et puis, une prise de conscience des gens. Quatre personnes sur cinq ne sauraient pas vraiment ce qui pollue le plus.

Etudiant en sciences de l’environnement, comment vous voyez-vous dans dix ans?

Je voudrais m’investir dans l’agriculture, la transition agricole. Au départ, je me suis orienté vers l’environnement parce que j’avais envie d’apporter ma pierre à l’édifice. C’est un domaine qui va aussi créer énormément d’emplois.

Pour moins polluer, il faudrait faire moins d’enfants, selon vous?

On a la chance que les pays moins développés émettent moins de CO2. Si tout le monde se calque sur les pays européens ou les Etats-Unis, on ne va pas s’en sortir. Il faut inventer une sobriété heureuse. Il y a plusieurs discours: celui de la technologie qui va nous sauver, ou celui de la décroissance drastique. Je ne pense pas que ça peut marcher, car on n’est pas tous prêts à abandonner son confort. Pour ce qui est de la natalité, ici en Suisse, on a un taux de fécondité faible. Le problème viendra des pays en voie de développement.

Et vous-même, vous aimeriez avoir une famille nombreuse?

Je ne sais pas si j’aurai des enfants. Mais si c’est le cas, je me suis toujours dit que j’en aurais trois ou quatre. Je viens d’une famille nombreuse.

A voir et à revoir, «Une seule planète», depuis le mercredi 20 mars à 20h10 sur RTS Un. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

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