Cinéma Tim Fehlbaum confirme être le cinéaste suisse du post-apocalyptique

ss, ats

17.9.2021 - 10:00

Avec «Tides» (ou «La colonie"), le réalisateur bâlois Tim Fehlbaum signe son deuxième film post-apocalyptique. Rencontre avec le cinéaste qui parle de son inspiration, du lien très physique entre le spectateur et l'écran ainsi que de l'éternelle question du «Et si?».

Le jeune réalisateur bâlois Tim Fehlbaum, avait présenté son dernier film "Tides" au Festival international du film fantastique, le NIFFF, en juillet dernier à Neuchâtel.
Le jeune réalisateur bâlois Tim Fehlbaum, avait présenté son dernier film "Tides" au Festival international du film fantastique, le NIFFF, en juillet dernier à Neuchâtel.
ATS

17.9.2021 - 10:00

Par rapport à la carrière des autres réalisateurs suisses, celle de Tim Fehlbaum, 39 ans, détonne. Après des études en réalisation à la Haute école de télévision et cinéma de Munich, il est repéré par Roland Emmerich ("Independance Day"), sans doute le cinéaste allemand le plus connu à l'international à l'heure actuelle, qui l’aide à tourner son premier film «Hell» (2011).

Il s'agit d'une fiction lugubre, tournée dans une Corse ravagée par les feux de forêt choisie pour incarner les terres d'une Europe centrale post-apocalyptique. Les protagonistes se battent pour leur survie sur une planète brûlée par le soleil.

«Hell» est l'un des films de science-fiction germano-suisses les mieux accueillis par la critique et le public. Ce succès laisse espérer qu'avec Tim Fehlbaum émerge un talent helvétique capable de projeter pour la première fois la Suisse en bonne place sur la scène internationale du cinéma de science-fiction.

Il a fallu dix ans avant que la promesse ne puisse être tenue. «Tides», le nouveau film de Tim Fehlbaum que l'on peut voir dans les salles romandes à partir du 22 septembre, est placé sous le signe d'un tout autre élément que le feu, à savoir l'eau.

Une vision du chaos

Comme dans plus d'un scénario de science-fiction, la Terre est en grande partie immergée et les seuls endroits encore viables, où tentent de survivre quelques personnes, sont régulièrement inondés. L'astronaute Blake, incarnée par l'actrice française Nora Arnezeder, revient sur Terre dans une mission visant la recolonisation de la planète par une élite qui l'avait fuie des décennies auparavant.

D'où vient cette fascination pour la fin du monde? Tim Fehlbaum ne se l'explique pas vraiment: «Tourner un nouveau film au scénario post-apocalyptique après «Hell» n'a pas vraiment été une décision consciente», assure-t-il. «Au début, il y a une image qui ne m'a plus quitté: celle de la mer des Wadden, la zone côtière de la baie allemande en mer du Nord, régulièrement inondée. Nous avons ensuite structuré toute l'histoire d'après cette vision.»

Ce qui intéresse avant tout le réalisateur bâlois dans les scénarios post-apocalyptiques, c'est la question du «Et si?». Le coronavirus nous a démontré «la vulnérabilité de notre système» et «la fragilité de notre perception de la réalité», poursuit-il. «Le film a requis des années de travail, et c'est effrayant de constater à quel point certains de ses thèmes sont devenus entretemps très actuels.»

C'est le cas du changement climatique, très concernant pour le réalisateur «comme il devrait l'être pour tout le monde». Tim Fehlbaum tient toutefois à ce que son film ne soit pas perçu comme une critique sérieuse ou une projection pessimiste. «Ce qu'il y a de génial avec la science-fiction, c'est qu'elle permet d'aborder certains sujets par le biais de l'exagération ou de prémisses abruptes, sans avoir à directement pointer du doigt.»

Le sentiment d'y être

«Tides» se distingue de nombreux films ou séries du genre qui se basent avant tout sur le dialogue pour faire comprendre l'histoire. «Parfois, il y manque du visuel, même s'il y a des contre-exemples comme les films de Christopher Nolan qui se racontent surtout par les images tout en étant très philosophiques», estime Tim Fehlbaum. «Comme quoi le spectacle visuel, une physicalité intense et une certaine profondeur ne sont pas forcément incompatibles.»

Dès le départ, l'objectif du cinéaste était de rendre ce monde, qui n'a presque rien en commun avec le nôtre, directement tangible. «Nous avons vite su que nous ne pourrions pas rivaliser avec le niveau de spectacle et le budget des grandes productions hollywoodiennes. C'est pourquoi le fait de pouvoir sentir tout de suite les éléments était d'autant plus important.»

Si le film parvient à transmettre au public les sensations d'humidité, de brume, de violence de l'eau et des hommes, alors c'est réussi, ajoute Tim Fehlbaum. Lui-même littéralement «possédé» par l'atmosphère de la mer des Wadden, il espère que les conditions de tournage difficiles dues à l'eau et les efforts physiques de l'équipe et des acteurs seront naturellement transposés à l'écran.

Parce que l'on touche ici à quelque chose qui d'après Tim Fehlbaum manque souvent aux films de science-fiction: le sentiment d'y être.

ss, ats