InterviewEst-ce le bon moment pour acheter des actions?
De Gil Bieler
18.7.2020
La crise du coronavirus semble avoir laissé les marchés boursiers du monde entier quasiment indemnes. Comment expliquer cela? Et que doivent savoir ceux qui veulent désormais se lancer dans le négoce d’actions? Un expert cerne la situation.
M. Boos, l’indice suisse de référence, le SMI, oscille actuellement autour de 10 300 points, soit plus que son record de l’an dernier. Les marchés boursiers sont-ils immunisés contre la crise du coronavirus?
Ils ne sont certainement pas immunisés. Dans l’intervalle, le SMI a tout de même chuté de 30%. Mais depuis lors, il y a eu un mouvement contraire massif. Pour l’essentiel, il est induit par des liquidités, étant donné que les gouvernements tout comme les grandes banques centrales ont mis sur les rails d’énormes programmes d’aide. Un autre facteur qui est souvent cité comme moteur est ce qu’on appelle les traders Robinhood.
A propos
Dominik Boos est économiste et professeur à l’Institut Wealth & Asset Management de la Haute école zurichoise de sciences appliquées (ZHAW).
Qu’entend-on par là?
La plateforme américaine Robinhood attire à l’heure actuelle beaucoup d’argent venant de petits investisseurs et les encourage à effectuer du trading rapide et risqué. Une théorie circule selon laquelle beaucoup de gens ont découvert le goût du «jeu» en télétravail et que cela a entraîné un afflux encore plus important de liquidités sur les marchés. Toutefois, il est difficile d’estimer l’ampleur de cet effet.
Que disent les bons résultats des titres du SMI sur l’économie réelle?
Il est en réalité difficile de fonder ce mouvement contraire sur l’économie réelle. Cependant, l’économie relève à moitié du domaine de la psychologie, du moins selon l’ancien chancelier allemand Ludwig Erhard. Et les facteurs psychologiques positifs sont toujours très présents sur le marché boursier après une décennie de hausse. Même à son point bas à la mi-mars, le SMI était au niveau de 2017 ou 2018. Par conséquent, l’atmosphère n’est jamais devenue négative pour de nombreux investisseurs. Avec le rebond, l’euphorie est vite revenue.
Les chiffres élevés sont-ils trompeurs?
Il est toujours difficile de faire un pronostic. Il y a encore beaucoup de liquidités sur le marché, ce qui pourrait continuer d’alimenter le marché haussier. En particulier en cas de bonne surprise lors de la saison des bénéfices à venir aux Etats-Unis. Toutefois, des déceptions pourraient également rompre l’euphorie et entraîner ainsi des revers importants.
Et en Suisse?
La bourse suisse est un cas particulier, car elle se compose pour moitié de Novartis et pour moitié de Roche. Ces groupes pharmaceutiques peuvent également bénéficier dans une certaine mesure de la pandémie de coronavirus, même s’ils ne figurent pas en tête de liste dans la course mondiale au vaccin. Mais bien sûr, il y a de grands espoirs.
Est-ce un bon contexte de marché pour qu’un amateur se lance dans le négoce d’actions – ou serait-ce trop risqué?
Les actions sont toujours un commerce risqué, il faut bien entendu en être conscient. Il n’est certainement pas recommandé de développer maintenant une mentalité de joueur comme celle des traders Robinhood. Mais il est clair que sur le long terme, les actions font partie d’un portefeuille de placements. S’il faut commencer dès maintenant? Le timing serait pire qu’il y a dix ans. Je ne me constituerais donc certainement pas un portefeuille du jour au lendemain dans l’euphorie du moment si je n’avais pas jugé cela nécessaire au cours des dix dernières années.
Dans quels secteurs ou titres peut-on placer ses espoirs?
Glossaire
Avec un EFT (Exchange Traded Fund), les investisseurs achètent une part d’un indice boursier tel que le SMI, le Dow Jones ou le DAX. Les ETF cherchent à reproduire le plus fidèlement possible la performance d’un indice. Si celui-ci augmente, la valeur de l’ETF fait de même. Si l’indice baisse, l’ETF perd de la valeur. (Source: VZ Vermögenszentrum)
Il est toujours conseillé de détenir un portefeuille très diversifié qui comprend des titres issus du plus grand nombre possible de secteurs. En tant que petit investisseur, j’éviterais donc d’investir dans des titres ou des secteurs uniques, mais plutôt dans des fonds indiciels passifs – par exemple un ETF sur un indice mondial ou le SMI.
Dans quelle situation financière faut-il être pour se lancer dans le négoce d’actions?
Dans le marché des actions, il convient d’investir de l’argent que l’on met de côté sur le très long terme – dont on n’a pas besoin pendant cinq ans voire dix. En général, un portefeuille doit être très diversifié et se composer à la fois d’actions et d’obligations à revenu fixe. Aux Etats-Unis, on recommande souvent une part d’actions de 60%, tandis qu’en Europe, les gens sont un peu plus conservateurs, une part de 50% étant déjà jugée plutôt agressive. Toutefois, il ne s’agit là que d’une ligne directrice; la part d’actions et la politique de placement doivent toujours être adaptées à la tolérance au risque de chacun.
Y a-t-il également des signaux d’alarme qui se manifestent lorsqu’il faut absolument vendre ses actions?
Il est extrêmement difficile de prévoir le comportement du marché boursier. Mais si l’on observe les marchés aujourd’hui, certains feux sont déjà au rouge: l’évaluation des titres des groupes du secteur technologique aux Etats-Unis – je pense à Tesla ou à Amazon – est déjà très ambitieuse.