Pêche et production de vin A Cuba, les préservatifs ne sont pas uniquement réservés au sexe

dpa/jfk

30.11.2018

Jusqu’en 2015, les préservatifs étaient une denrée rare sur l’île socialiste de Cuba. Mais depuis que le gouvernement a boosté les importations, les Cubains ont réinventé le préservatif et l’utilisent pour différentes choses du quotidien.

Chaque soir, au coucher du soleil, la célèbre promenade du bord de mer de La Havane devient le théâtre d’un étrange spectacle. Les poumons gonflés à bloc, Ernesto Rodríguez gonfle trois à quatre préservatifs sur le Malecón et les attache à une ligne de pêche. Puis il jette cette construction loufoque à la mer dans l’espoir qu’un poisson mordra.

Le rituel que le pêcheur Rodríguez accomplit ici chaque soir symbolise le Cuba d’aujourd’hui, où pénurie et sens créatif des affaires vont souvent de pair. De nombreux habitants de la république insulaire socialiste ont appris à ne plus être limités par le manque notoire de produits et de matériaux et à gagner leur vie avec beaucoup d’ingéniosité.

Pour les pêcheurs installés le long de la promenade, les préservatifs ont de nombreux avantages. Depuis que les autorités cubaines ont interdit la pêche sur des embarcations au large du Malecón dans les années 90, les pêcheurs n’ont plus la possibilité de faire de grosses prises. «Les gros poissons ne se bousculent pas au pied du mur, c’est pourquoi il faut aller les chercher», explique Rodríguez.

Ce qui n’était pas possible avec les méthodes de pêche traditionnelles est devenu plus simple avec les préservatifs. Ils transportent les hameçons jusqu’à 300 mètres du bord, là où les poissons pèsent entre 10 et 15 kilos.

Les préservatifs subventionnés par l’état

Pour Rodríguez, c’est un facteur déterminant. La pêche n’est pas seulement un passe-temps pour lui, mais il gagne aussi en partie sa vie grâce à elle. Et même si c’est illégal de revendre le poisson, les restaurants de la promenade lui offrent un dollar par kilo de vivaneau.

Désormais subventionnés par l’Etat, les préservatifs sont abordables et facilement accessibles à Cuba.
Désormais subventionnés par l’Etat, les préservatifs sont abordables et facilement accessibles à Cuba.
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Autre avantage: les préservatifs empêchent l’hameçon de s’enfoncer dans la mer. Lorsqu’un poisson mord, il reste à la surface et s’il s’agite, le risque de perdre le poisson et l’hameçon est moindre.

Il n’y a pas si longtemps, les préservatifs étaient une denrée rare à Cuba. En 2014, le manque de préservatifs a connu un pic, et le problème a même été évoqué dans le journal «Granma», quotidien officiel du parti communiste cubain. Depuis, le contingent annuel de préservatifs importés est passé de 70 millions à 120 millions. Les préservatifs viennent de Chine et d’Inde et sont subventionnés par l’Etat. Une boîte coûte 5 pesos cubains, soit l’équivalent d’environ 20 centimes.

Un préservatif en guise de cloche à fermentation

Les préservatifs ont également un impact déterminant sur la production du vin. Orestes Estévez a travaillé pendant 30 ans au ministère de l’Intérieur avant de profiter de l’ouverture économique sous le président de l’époque, Raúl Castro, pour obtenir une licence lui permettant de fabriquer du vin. Il utilise les préservatifs dans le processus de fermentation.

Les préservatifs sont placés sur le col des bouteilles. Estévez ajoute du gingembre et du cresson à son vin. «Pendant la fermentation, le préservatif commence à se dresser, un peu comme chez l’homme», explique Estévez. Des petits trous sont percés au bout du préservatif pour qu’il n'éclate pas pendant le processus de fermentation, qui peut durer jusqu’à 45 jours.

Dans sa boutique, «La Casa del Vino», Estévez vend les vins qu’il fabrique entre 50 cents et un dollar la bouteille. Il dit que sa réputation n’est plus à faire dans le quartier et que ses vins sont très appréciés. Les habitants consomment enfin des vins dignes de ce nom et non plus de l’alcool bon marché. L’effet sur la cohabitation est également très positif: «Les gens mangent bien, ils dorment bien et discutent ensemble», poursuit Estévez. A cuba, les préservatifs ont manifestement le vent en poupe – et pas seulement au lit.

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