ExtrémismeAcquittement exigé pour les accusés d'An'Nur
ATS
3.10.2018 - 16:29
Les dix personnes accusées d'avoir agressé deux fidèles dans la mosquée An'Nur à Winterthour (ZH) pour avoir fourni des informations sur un imam à un journaliste sont d'honnêtes citoyens, selon leurs avocats. Il ne s'agit pas d'extrémistes, ont-ils déclaré mercredi.
Le Ministère public s'est laissé instrumentaliser par les médias, a dit l'avocat d'un Suisse de 23 ans d'origine kosovare, au troisième jour du procès qui se tient au Tribunal de district de Winterthour. Son client a été étiqueté comme un dangereux extrémiste et salafiste, alors qu'il s'agit d'un "honnête citoyen" jamais condamné.
"Rien n'a été prouvé", a lancé l'homme de loi. Son mandant se trouvait dans l'espace des femmes pendant toute la durée de l'agression présumée, selon lui. Et de réclamer l'acquittement ainsi que 36'000 francs d'indemnités pour les six mois de détention préventive effectués par le prévenu, plus 30'000 francs pour perte de gains.
L'avocat d'un Macédonien de 22 ans, qui aurait fait avaler un billet de 10 francs à l'une des deux victimes pour avoir "vendu sa religion contre de l'argent", réclame également l'acquittement et des indemnités. Il n'y a eu qu'un différend oral dans la mosquée, mais il n'y a pas de preuve de violence, selon lui.
Le Macédonien encourt un renvoi d'une durée de dix ans. Ce serait "disproportionné", pour son avocat. "En Macédoine, il se retrouverait devant le néant le plus total."
Prison et renvois demandés
La veille, le Ministère public a réclamé des peines de prison partiellement ferme allant jusqu'à trois ans à l'encontre des huit jeunes musulmans, de l'ancien imam libyen de la mosquée et de l'ex-président de l'association An'Nur, assis sur le banc des accusés. Il demande en outre que les prévenus étrangers soient expulsés de Suisse durant dix ans.
"Nous menons un procès contre des gens qui placent leur religion au-dessus du système juridique de ce pays", a déclaré la procureure. Cela n'est pas acceptable, a-t-elle ajouté. Il n'y a pas de place en Suisse pour un système de l'ombre. Ni pour l'auto-justice. Il s'agit donc d'envoyer un signal fort.
Le Ministère public croit les victimes
Rien ne permet de penser que les victimes mentent, selon l'accusation. Un certificat médical atteste pour les deux "un état psychotraumatique aigu".
L'une d'elles a de plus subi un traumatisme crânien à la suite d'un coup de poing. Le prévenu qui en serait responsable a avancé lundi que la victime s'était probablement frappée elle-même. Ou alors que la blessure datait d'avant.
"Ils tuent mon ami"
Comme élément de preuve a notamment été brandi un SMS que l'une des victimes a envoyé depuis les toilettes à la police: "Urgent, please urgent! Moschee Winterthur, they kill my friend." ("Urgent, s'il vous plaît, urgent! Ils tuent mon ami à la mosquée de Winterthour.")
Une policière qui s'est occupée des deux victimes a témoigné dans un procès-verbal n'avoir jamais vu des personnes autant apeurées durant toute sa carrière. La peur se lisait dans leur regard, selon elle.
La personne qui a subi la commotion en souffre encore, a dit son avocat mardi dans son plaidoyer. Elle continue de bénéficier d'un programme de protection de la police, a changé sept fois de logement et ne se sent toujours pas en sécurité chez elle, craignant des représailles.
Coups, séquestration et menaces de mort
Les faits remontent au 22 novembre 2016. Deux fidèles qui se trouvaient dans la mosquée auraient été frappés, menacés de mort et séquestrés par un groupe d'hommes. Selon l'acte d'accusation, les agresseurs étaient convaincus que les deux fidèles avaient transmis des informations sur un imam à un journaliste.
D'après ces informations, l'imam éthiopien concerné avait tenu un prêche haineux et appelé à la violence envers les "mauvais musulmans". Sur la base de ces informations, ce dernier a été condamné en 2017 à 18 mois de prison avec sursis et à un renvoi d'une durée de dix ans.
La mosquée An'Nur a fait plusieurs fois les gros titres, notamment en lien avec des voyageurs du djihad. Par la suite, la société immobilière propriétaire des locaux de la mosquée a mis fin au bail. L'association An'Nur, ne trouvant pas de nouvel endroit, s'est dissoute en été 2017.
Le procès se poursuit jusqu'à jeudi avec les plaidoiries des derniers avocats de la défense. Le jugement sera rendu le 23 octobre.
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