France«Au nom du père» : rétrospective pour Yan Pei-Ming à Colmar
ATS
2.4.2021 - 13:00
Il est né à Shanghaï en 1960, dans la Chine de la Révolution culturelle, avant que son talent ne s'épanouisse en France, son pays d'adoption: Yan Pei-Ming, coqueluche du monde de la peinture, expose plus de quatre décennies de création au Musée Unterlinden de Colmar.
02.04.2021, 13:00
ATS
Cette rétrospective inédite, qui devait ouvrir ses portes vendredi au public et doit se refermer le 6 septembre, est, comme tant d'autres expositions, une victime collatérale de l'épidémie de Covid-19.
En attendant, une série de conférences en ligne jalonnera les prochaines semaines, avec, le 8 avril, une «introduction» par la commissaire de l'exposition, Frédérique Goerig-Hergott.
Intitulée «Au nom du père», la rétrospective détourne la connotation religieuse de son titre – même si l'oeuvre de Yan Pei-Ming est bien souvent d'inspiration christique – pour célébrer ses deux figures paternelles : son père biologique et Mao, dont le culte de la personnalité a profondément marqué la jeunesse du peintre.
En France, où il pose ses valises à 20 ans, en 1980, à la faveur de l'ouverture de la Chine populaire engagée par Deng Xiaoping, il fait ses classes aux Beaux-Arts de Dijon, la ville qui abrite aujourd'hui encore son atelier.
Peintre de la propagande dans sa Chine natale, il découvre dans sa nouvelle patrie la fascination qu'exerce la figure de Mao et la détourne à son profit pour asseoir sa renommée, sa «contre-propagande» selon sa propre expression.
D'abord modestes, les formats se font de plus en plus monumentaux. Avec leurs infinies nuances de gris et de noirs, brossés à grands traits énergiques, ils deviennent sa marque de fabrique et font sa célébrité. Dans l'écrin immaculé des salles du Musée Unterlinden de Colmar, redessinées par le cabinet d'architectes bâlois Herzog & de Meuron, ces toiles immenses sont à leur aise.
«L'homme le plus...»
Une soixantaine d'oeuvres y sont accrochées, provenant de collections privées, de grands musées et des propres fonds de l'atelier du peintre.
Les autoportraits à la mine de plomb du «cabinet des curiosités» qui ouvrent l'exposition révèlent, sous les apparences de l'académisme enseigné par ses maîtres chinois, un talent précoce.
A Dijon, au tournant des années 80, Yan Pei-Ming s'affranchit très vite de ce formalisme. Sa manière s'affirme comme en témoignent de nouveaux autoportraits à la gouache, plus «sauvages» ou cet autre autoportrait, un nu en pied, dans la tradition d'un Dürer ou d'un Egon Schiele.
Puis vient la période Mao et le gigantisme avec cette tête de 3 mètres sur 4, loin des codes de la propagande chinoise, loin aussi du détournement bon enfant et coloré des portraits souriants du Grand Timonier par Andy Warhol, le maître du pop art.
D'un père, l'autre, Yan Pei-Ming explore ensuite la relation qu'il entretenait avec le sien.
«Je me suis demandé qui était l'homme le plus important après Mao dans ma vie et c'était mon père», dit-il en déambulant dans l'exposition. Il fera une quarantaine de portraits de ce père taciturne qui l'avait rejoint en Bourgogne, de très grands formats aussi dont une magistrale aquarelle qui les réunit.
Facétieux et bon vivant, Yann Pei-Ming avait intitulé cette série, «L'homme le plus...» doux, paresseux, perspicace ou respectable, déroulant le regard d'un fils sur son géniteur aux différents âges de leurs vies.
Pandémie
L'exposition s'achève sur une oeuvre originale dont le titre claque comme un coup de fouet : Pandémie. Le peintre, en combinaison blanche et masque chirurgical sur le visage, une pelle à la main, enterre les morts dans un paysage d'apocalypse, chauves-souris virevoltant autour d'une lune pâle, chats noirs errants, une église et des buildings à l'horizon...
Avec ses longs cheveux gris qui tombent sur sa veste de treillis, Yan Pei-Ming, venu à la rencontre de la presse, s'en amuse devant l'immense toile : «je ne suis pas docteur, je ne suis pas infirmier, je ne suis pas aide-soignant, alors que pouvais-je faire ? Je pouvais être le croque-mort».