Impossible aujourd'hui Frédéric Dard, 100 ans, 400 romans: impossible aujourd'hui

ATS

27.6.2021 - 10:53

Un total de 175 romans a lié à jamais le nom de Frédéric Dard à celui de son personnage, le policier San-Antonio. Et ce n'est même pas la moitié de l'oeuvre surabondante de cet écrivain qui aurait eu 100 ans mardi.

Frederic Dard et Jeanne Moreau en 1957.
Frederic Dard et Jeanne Moreau en 1957.
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Il est né le 29 juin 1921 dans une famille modeste de Bourgoin-Jallieu (Isère). Et il a fini, dans les années 1970, par abandonner son propre nom sur la couverture, pour signer «San-Antonio», y compris pour un livre émouvant où il évoque l'enlèvement de sa fille, «Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches?» (1984).

Ce pseudonyme archi-célèbre garantissait le succès en librairie à une époque. Quitte à inonder le marché: Dard meurt en 2000, à son domicile de Bonnefontaine, dans le canton de Fribourg, où il habitait depuis 1978, avec plus de 400 romans au catalogue.

Interrogé en 1978 alors qu'il approchait les 100 millions d'exemplaires vendus, il répondait à la radio publique suisse: «C'est fabuleux, et j'en remercie le ciel d'ailleurs!»

«J'ai eu des débuts très difficiles, j'ai crevé de faim (...) J'ai une espèce d'inquiétude: je me dis que c'est pas possible qu'une chose pareille arrive à un homme, et puis que ça continue toujours! Ça va fatalement cesser», avouait-il.

«Le moindre bar-tabac»

Les ventes dépassent à présent 250 millions d'exemplaires vendus, selon un comptage invérifiable. Ce succès impossible aujourd'hui est le fruit d'une boulimie d'écriture, mais également d'une exigence de son éditeur, qui lui assurait des droits d'auteur confortables... à la condition expresse qu'il tienne la cadence de plusieurs livraisons par an.

«Pour Frédéric Dard c'était une drogue. Les témoignages de ses proches concordent: vous le laissiez deux ou trois jours sans écrire et il devenait invivable», raconte à l'AFP Maxime Gillio, vice-président de l'Association des amis de San-Antonio.

«La stratégie marketing de son éditeur, Armand de Caro, est aussi un phénomène complètement inimaginable de nos jours. Le moindre bar-tabac au fin fond du Cantal devait avoir un présentoir avec des San-Antonio. Et il n'y avait pas de retours possibles pour les invendus!», ajoute-t-il.

Aucun auteur à succès, quelle que soit sa productivité, n'accepterait ce type de conditions. Amélie Nothomb révélait ainsi début juin à ActuaLitté être «en train d'écrire [son] 102e manuscrit», mais n'en donne qu'un par an à Albin Michel. Quant aux grandes maisons d'édition, elles détesteraient qu'on les accuse de sacrifier la qualité à la quantité.

«Il y a de petits éditeurs en difficulté qui publient au kilomètre, en espérant qu'un titre sortira du lot. Ce n'est pas la solution. C'est comme quand on se noie et qu'on se raccroche à n'importe quoi, parce qu'on panique», affirmait à l'AFP le président du Syndicat national des éditeurs, Vincent Montagne, à l'occasion du bilan annuel du secteur.

Originaux à prix d'or

Si Frédéric Dard est toujours publié, c'est de manière bien plus raisonnée.

Son éditeur historique, Fleuve, a sorti le 24 juin «Des nouvelles de moi», recueil de 222 fictions brèves écrites entre 1940 et 1985. Les réunir fut un travail de fourmi. L'auteur lui-même avait oublié certains des pseudonymes ou des intrigues datant des époques où il tirait le diable par la queue.

Loin d'être dévaluée, «la plus grande partie de ces contes et nouvelles n'est connue que des collectionneurs, et leurs publications d'origine se vend à prix d'or», souligne dans la préface Alexandre Clément, qui a coordonné ce volume de près de 600 pages.

Quant à la série complète des San-Antonio, ce cocktail d'action, d'humour et d'argot, elle est rassemblée sous forme électronique, aux éditions 12-21, par décennie. Les années 80 sont les plus prolifiques (41 romans), mais les fans vous diront souvent que les meilleurs polars se situent dans les années 50 (37 romans) ou 60 (35 romans).

Les «100 piges» de Frédéric Dard sont fêtées aux Mureaux, la ville des Yvelines où il s'était installé en 1949 pour réussir comme journaliste à Paris, et où il a créé le personnage de San-Antonio, par un parcours touristique et des projections de film.