Règles douloureuses et travail «Il n'y a pas d'autres alternatives» - Elles racontent leur calvaire

AFP

5.3.2024

Elodie a «d'atroces douleurs» liées à une endométriose, Caroline peine à se concentrer depuis l'irruption de la ménopause et Juliette n'oublie pas sa «mise au placard» pendant sa grossesse. Comment les entreprises accompagnent-elles les femmes tout au long de leur carrière ?

Des règles douloureuses à la ménopause : comment les entreprises accompagnent-elles les femmes tout au long de leur carrière ?
Des règles douloureuses à la ménopause : comment les entreprises accompagnent-elles les femmes tout au long de leur carrière ?
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Sabrina*, 33 ans, une endométriose «handicapante»

Formatrice, la trentenaire se souvient encore de ses déplacements incessants dans toute l'Occitanie et des «douleurs atroces» quand (elle) conduisait, «à cause des vibrations».

Diagnostiquée en 2019 d'une endométriose «handicapante», Sabrina «prend sur elle» jusqu'à un changement de manager.

Mais malgré des demandes répétées de la médecine du travail pour un «aménagement de poste», sa hiérarchie n'entend pas et sa santé s'aggrave. Elle «tiendra six mois» avant d'accepter, exténuée, un mi-temps thérapeutique.

Beaucoup des 2,4 millions de Françaises atteintes d'endométriose n'ont d'autre solution que de poser des congés. Une proposition sénatoriale de «congé menstruel» a été rejetée mi-février par la droite et le gouvernement, qui redoutaient des conséquences, par exemple en termes d'"intimité de la personne".

Droit méconnu, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé «permet souvent de se maintenir en emploi», souligne Barbara Mvogoh, présidente de l'association Justice Endométriose. A bout, Sabrina a finalement été déclarée «inapte» et licenciée.

Juliette*, 32 ans, enceinte et «au placard»

Pendant la grossesse et le congé maternité, les femmes bénéficient d'une protection légale contre le licenciement et les discriminations. Elles doivent ensuite retrouver un poste et salaire équivalents. Pourtant, Juliette a «été mise au placard».

En 2018, responsable dans une agence de service à la personne, cette Toulousaine exerce «des fonctions larges», entre management et lien avec les partenaires. Mais, à l'annonce de sa grossesse, tout s'écroule.

Juliette se voit progressivement retirer «toutes les tâches intéressantes», jusqu'à être «réduite à ranger des papiers dans des boîtes». «Je passais ma journée à regarder le mur», soupire-t-elle. «Je sentais qu'ils voulaient juste que je me barre».

Informé qu'elle a des contractions liées au stress, son chef lui reproche d'en «faire tout un plat». «Ruptures de contrats», «refus de promotions»: les discriminations fondées sur la grossesse «sont fréquentes», selon la Défenseure des droits. Juliette finira en arrêt maladie, avant une rupture conventionnelle.

Lila, 35 ans, «bidouille» pour sa PMA

En dépit des consultations «toute la semaine, toute la journée» et des patients qui «comptent beaucoup» sur elle, Lila, psychologue libérale et en hôpital, mène de front son travail et sa PMA en Espagne.

«En tant que libérale, je n'ai aucun droit» relatif à la PMA, et trois jours de carence (non remboursés) en arrêt maladie, dit-elle. Comme salariée d'un hôpital, «je n'ai le droit d'être absente que le jour de l'insémination». Or, trois jours sont nécessaires pour l'aller/retour à Barcelone, et les interventions toujours prévues en dernière minute.

«Examens complémentaires, échographies pelviennes et prises de sang tous les deux jours» ne sont pas des motifs d'absence autorisés.

«J'y vais, je reviens. Je m'organise de sorte qu'il n'y ait pas trop d'impact sur mes collègues, qui sont dans la confidence», confie-t-elle. «Je bidouille et j'annule à la dernière minute» en espérant que les patients seront compréhensifs.

Caroline, 46 ans, «plus la même bande passante»

A la suite d'un cancer du sein, Caroline a entamé une hormonothérapie, la plongeant dans une ménopause forcée.

«On parle de castration chimique», ironise la directrice des ressources humaines dans une entreprise de taille moyenne, membre de l'association RoseUp, qui accompagne les femmes atteintes de cancer.

Depuis, c'est un tsunami: «Je n'ai plus la même bande passante qu'avant», poursuit Caroline, souvent trop fatiguée pour suivre des réunions interminables. «J'ai l'impression d'être un vieil iPhone», illustre-t-elle: «Quand il a chargé toute la nuit, il est à 100%. A un moment il passe à 60%, puis, on ne sait pas pourquoi, après un petit appel, il tombe à 2%».

Caroline s'astreint à une «hygiène de vie d'athlète de haut niveau» pour tenir le rythme.

«Quand on a un cancer, on peut être arrêtée pendant les traitements; après on peut être en mi-temps thérapeutique... Et à un moment, il n'y a pas d'autres alternatives» en termes de congés, déplore-t-elle, plaidant pour «un entre-deux» qui offrirait quelques jours annuels «pour des examens ou se reposer».

*prénoms modifiés