ExpositionL'oeuvre de Balthus exposée chez Beyeler
ATS
31.8.2018 - 18:24
La première rétrospective consacrée à Balthus (1908-2001) en Suisse depuis dix ans s'ouvre dimanche à la Fondation Beyeler. Forte de 40 tableaux clefs, l'exposition rend compte de la voie artistique singulière et controversée du peintre.
Né à Paris de parents germano-polonais et mort dans son chalet à Rossinière (VD), Balthus, alias Balthasar Klossowski de Rola, a tracé un chemin opposé aux courants des avant-gardes modernes. Excentrique, cet autodidacte s'est référé à Courbet, Cézanne ou encore Poussin tout en s'inspirant du surréalisme et de la nouvelle objectivité, développement ainsi une forme personnelle d'avant-garde.
L'oeuvre de Balthus est pourtant peu connue du grand public, a souligné vendredi Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, face aux médias réunis à Riehen (BS). En dehors de France et des Etats-Unis, les expositions le concernant sont rares.
La Suisse romande rend elle aussi régulièrement hommage à celui qui l'a longtemps habitée. Le Musée cantonal des Beaux-Arts (mcba), à Lausanne, expose actuellement des oeuvres de Balthus mises en sons et en lumières par Robert Wilson.
Paradoxes artistiques et personnels
Dans un jeu de contrastes, Balthus a combiné des motifs de la tradition artistique à des éléments empruntés aux illustrations populaires de livres pour enfants du 19e siècle. Les paradoxes s'étendaient aussi à sa personne, se qualifiant lui-même de modeste artisan, tout en adoptant une posture d'aristocrate intellectuel appréciant les mondanités.
Sur le plan du contenu, il s'est affirmé comme l'artiste de la contradiction et du trouble, mêlant réalité et rêve, érotisme et candeur, objectivité et mystère, familier et étrange.
Jeunes filles à scandale
Les représentations de Balthus d'adolescentes, qui recèlent une tension difficile à cerner entre insouciance enfantine et érotisme séducteur sont autant d'exemples de contrastes parfois décriés. Ils continuent à provoquer un malaise chez les spectateurs et à susciter les débats sur les limites de l'art.
En novembre 2017, l'importante toile "Thérèse rêvant" (1938), également montrée dans le musée bâlois, a fait scandale au Metropolitan Museum of Art de New York, une pétition en ligne demandant en vain son décrochage en raison des connotations érotiques de l'image.
Pour la Fondation Beyeler, cette levée de bouclier est insensée, l'art étant précisément porteur d'ambiguïté et de perspectives multiples sur le monde. "La liberté artistique est un bien précieux dans une société libérale et démocratique" souligne le directeur du musée.
Figures figées
L'exposition est articulée autour du tableau monumental "Le Passage du Commerce-Saint-André" (1952-54). Cette oeuvre majeure se trouve à la Fondation Beyeler depuis longtemps en tant que prêt permanent.
Parmi les autres temps forts de l'exposition présentée à Riehen (BS), on peut voir "La Rue" (1933), tableau illustrant une scène de rue parisienne, dont les figures mystérieuses paraissent comme figées dans leurs poses sur une scène de théâtre. Cette suspension est aussi apparente dans "Les Enfants Blanchard" (1937), toile acquise en 1941 par Pablo Picasso.
"La Jupe blanche" (1937), portrait de la première épouse de Balthus, la Bernoise Antoinette de Watteville, fait aussi partie des tableaux présentés, tout comme "La Partie de cartes" (1948-50), une oeuvre à la tension ensorcelante. Il en va de même du "Roi des chats" (1935), autoportrait du jeune Balthus sous les traits d'un dandy élégant accompagné d'un chat.
Les chats ont joué un rôle important dans la vie et l'oeuvre de Balthus. Ils apparaissent souvent en tant qu'alter ego de l'artiste.
Dialogue sur les controverses
L'exposition est accompagnée d'un programme de médiation artistique sous forme d'une table ronde de spécialistes ou de visites guidées le dimanche, suivies de discussions. En outre, un mur de commentaires présente les voix de défenseurs et de détracteurs de Balthus. Dans les salles d'exposition, des médiateurs artistiques se tiennent par ailleurs à disposition du public pour dialoguer.
Pour réaliser sa rétrospective, la Fondation Beyeler a obtenu les prêts d'oeuvres détenues par les plus grands musées de New York, Paris ou encore Londres. L'exposition est à voir jusqu'au 1er janvier prochain.
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