«Il faut une tolérance zéro» «On sent que l'Etat de droit est sous pression», s'inquiète Alain Berset

ATS

29.9.2024 - 08:49

Guerres au Proche-Orient et en Ukraine, pressions sur la démocratie et les droits de l'homme: Alain Berset, tout nouveau patron du Conseil de l'Europe, s'inquiète des risques de division des sociétés du continent.

«On sent que les principes démocratiques sont sous pression, on sent que l'Etat de droit est sous pression», reconnaît M. Berset.
«On sent que les principes démocratiques sont sous pression, on sent que l'Etat de droit est sous pression», reconnaît M. Berset.
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Lors d'un entretien à l'AFP, l'ancien conseiller fédéral, qui a pris ses fonctions à Strasbourg le 18 septembre, s'alarme des répercussions du conflit entre Israël, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais.

«On sent les conséquences de ces tensions très fortement sur notre propre continent», déclare M. Berset, interrogé depuis New York où il s'est adressé à l'Assemblée générale des Nations unies. «C'est un élément qui me préoccupe.»

«Tolérance zéro»

«On a aujourd'hui des divisions dans la société, on a une montée de l'antisémitisme, c'est inacceptable, on a une montée de la haine anti-musulmans, c'est inacceptable. Il faut une tolérance zéro.»

Or, pour Alain Berset, «la force d'intégration est au coeur du projet européen. L'unité dans les différences est absolument centrale. Tout ce qui pousse à la haine, à la violence, est négatif et on doit se battre contre ça».

Le Conseil de l'Europe, fondé en 1949, est la vigie des droits de l'homme sur le continent. Mais dans plusieurs pays, notamment en France et au Royaume-Uni, des voix se sont élevées pour contester l'institution, dont le bras juridique est la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), chargée de faire respecter la convention du même nom.

«On sent que les principes démocratiques sont sous pression, on sent que l'Etat de droit est sous pression», reconnaît M. Berset.

Sur la question des migrants, «il y a des politiques nationales qui doivent respecter les principes fondamentaux. Le Conseil de l'Europe, il est d'abord là pour garantir que les principes qui sont au coeur de notre activité soient bien respectés. Il y a quelques principes qui sont 'indérogeables' et pour lesquels on a une pression importante».

10'000 requêtes contre Moscou

Le Conseil de l'Europe, qui réunit cette semaine son assemblée parlementaire, attribuera lundi son prix Vaclav Havel, qui récompense des acteurs des droits de l'homme. Il recevra aussi mardi Julian Assange, pour la première intervention publique du fondateur de WikiLeaks depuis sa sortie de prison au Royaume-Uni en juin.

Le Conseil de l'Europe, qui compte 46 pays membres, a exclu la Russie début 2022, peu après l'invasion de l'Ukraine. L'institution a travaillé depuis à la mise en place d'un registre international destiné à évaluer les dommages de guerre dans ce pays, dans l'optique de présenter un jour la facture à Moscou.

Ce registre fonctionne depuis avril dernier à La Haye.

«On a enregistré jusqu'ici plus de 10'000 requêtes», révèle M. Berset. «Mais le nombre ne dit pas grand-chose. Ce qui est très important, c'est la qualité de ce qui va être enregistré: que ce soient des éléments documentés, avec un niveau de précision très élevé, de manière à pouvoir envisager des processus qui pourront entrer dans un cadre judiciaire.»

Tribunal spécial

«Ca fonctionne bien, dans une logique d'Etat de droit. On a un registre qui est pleinement opérationnel pour l'enregistrement de ces requêtes, de manière à aller en justice plus tard.»

A plus long terme, le Conseil de l'Europe travaille sur la constitution d'un tribunal spécial pour juger l'agression russe en Ukraine, qu'aucune juridiction internationale n'a le pouvoir de juger actuellement.

«Ce que fait le Conseil de l'Europe (...) avec la mise en place du registre des dommages, puis le mécanisme de compensation et le tribunal spécial, ce sont des pas très concrets qui vont permettre de mettre en place un vrai système pour la redevabilité dans les questions qui concernent l'agression de la Russie contre l'Ukraine», explique M. Berset.

«On ne doit pas tolérer un monde dans lequel l'impunité et la violence sont la règle du jeu.»