Abus sexuel Le cardinal Barbarin relaxé en appel

ATS

30.1.2020 - 21:24

Le cardinal Philippe Barbarin lors d'une conférence en mars 2019, au cours de laquelle il annonce son intention de présenter sa démission au pape.
Le cardinal Philippe Barbarin lors d'une conférence en mars 2019, au cours de laquelle il annonce son intention de présenter sa démission au pape.
Source: KEYSTONE/EPA/ALEX MARTIN

Condamné en première instance, le cardinal Philippe Barbarin a été relaxé en appel pour ses silences sur les abus sexuels d'un prêtre de son diocèse. C'est un nouveau coup de tonnerre dans cette affaire symbole des défaillances de l'Église face à la pédocriminalité.

L'archevêque de 69 ans, absent au rendu de la décision, a annoncé ensuite qu'il remettrait une nouvelle fois sa démission au pape pour permettre à l'Eglise de «tourner la page».

Après sa condamnation en première instance, Mgr Barbarin avait déjà proposé sa démission au pape, qui l'avait refusée dans l'attente de l'appel, et il s'était mis en retrait de la gestion du diocèse. «Maintenant je veux paisiblement lui renouveler ma demande», a ajouté l'archevêque.

Dans la soirée, le Saint-Siège a indiqué que le pape François voulait s'accorder un délai de réflexion pour lui répondre: «Le Saint-Père, qui continue à suivre de près le déroulement de ces événements douloureux, fera connaître sa décision en temps voulu», a affirmé le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni.

Le cardinal Barbarin relaxé en appel

Il s'est tu sur les agressions

Le 7 mars, le tribunal correctionnel avait infligé au Primat des Gaules, titre historique qui en fait le plus haut dignitaire catholique de France, six mois de prison avec sursis pour n'avoir rien dit des agressions sexuelles commises par Bernard Preynat sur de jeunes scouts entre 1971 et 1991. Il avait été pourtant mis au courant dès les années 2000.

«Cette injustice est aujourd'hui (jeudi) réparée (...) Le cardinal Barbarin est innocent, il n'a jamais cherché à entraver le cours de la justice», s'est félicité l'un de ses avocats, Me Jean-Félix Luciani.

Pourvoi en cassation annoncé

Les parties civiles ont annoncé un pourvoi en cassation, à la portée juridique limitée.

En première instance, les juges avaient estimé qu'en ne dénonçant pas les actes que lui avait décrits une victime de Preynat en 2014, Philippe Barbarin avait choisi de «préserver l'institution» et commis une faute pénale.

Il avait immédiatement interjeté appel, ne s'estimant pas coupable devant la justice des hommes, alors qu'il avait demandé «pardon pour (ses) propres fautes» lors d'une messe. Les victimes ont dénoncé une «omerta» dictée par le Vatican.

Faire le procès de l'Eglise

A l'audience d'appel fin novembre, l'avocat général Joël Sollier avait réclamé la relaxe en dissociant le «cas individuel» du cardinal Barbarin et les «fautes morales et pénales» commises par l'Église face à la pédocriminalité dans ses rangs.

«Qu'un procès soit fait à l'Eglise...«, a lancé jeudi l'autre avocat de l'archevêque, Me André Soulier, pour qui son client n'a pas à «expier tous les péchés qui ont été commis».

Changé d'affectation

L'ex-père Bernard Preynat, défroqué à l'issue de son procès canonique en juillet, a comparu devant le tribunal correctionnel et dix de ses victimes à la mi-janvier à Lyon. Une peine d'au moins huit ans de prison ferme a été requise à son encontre, le jugement étant fixé au 16 mars.

Le cardinal Barbarin l'avait convoqué en 2010 en vue d'un changement d'affectation. Comme en première instance, la cour d'appel a estimé que l'archevêque en savait assez, alors pour le dénoncer. Mais ce délit tombe sous le coup de la prescription, dont le délai est de trois ans en matière de non-dénonciation.

La cour a aussi jugé «sérieusement contestable sur le plan moral» le fait d'avoir laissé Preynat au contact d'enfants durant cinq ans, avant sa mise à l'écart en 2015.

«Relaxe paradoxale»

«C'est une relaxe paradoxale car elle nous donne satisfaction sur les deux principaux reproches qu'on faisait à Barbarin», a commenté Me Jean Boudot, avocat des parties civiles.

Les juges d'appel ont considéré, en revanche, qu'on ne pouvait rien reprocher au cardinal après 2014, quand une victime de Preynat – Alexandre Hezez – l'a contacté, car celle-ci était en mesure de porter plainte par elle-même, à l'instar de toutes les autres, ce qu'elles ont fait au final.

Me Boudot y voit une décision «incohérente», «qui vient dire en réalité qu'on n'a pas obligation de dénoncer des violences sexuelles sur mineur une fois que le mineur est devenu majeur. A ma connaissance, c'est la première fois».

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