Ministère public Michael Lauber démissionne

ATS

24.7.2020 - 17:37

Le procureur général de la Confédération Michael Lauber démissionne. Il continue toutefois à rejeter fermement les accusations de mensonge.
Le procureur général de la Confédération Michael Lauber démissionne. Il continue toutefois à rejeter fermement les accusations de mensonge.
Source: KEYSTONE/PETER KLAUNZER

Le procureur général de la Confédération Michael Lauber démissionne. Il continue toutefois à rejeter fermement les accusations de mensonge, dit-il vendredi dans un bref communiqué du Ministère public de la Confédération.

Michael Lauber réagit à une décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) publiée le même jour. Saisi par le Procureur général lui-même, le TAF juge que les reproches formulés à son encontre sont fondés en partie seulement. La sanction, qui correspondait à 8% de son salaire annuel, est réduite à 5%.

Le TAF admet en partie le recours déposé par Michael Lauber contre la décision rendue le 2 mars dernier par l'Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC). L'arrêt n'est pas définitif et peut être attaqué devant le Tribunal fédéral.

A l'issue d'une enquête disciplinaire liée aux rencontres du Procureur général avec le président de la FIFA Gianni Infantino, l'Autorité de surveillance avait conclu à des violations graves et répétées du devoir de fonction. Elle avait prononcé une sanction équivalant à une réduction de 8% de son salaire annuel.

Dans l'intérêt des institutions

«Je respecte la décision du Tribunal administratif fédéral», écrit M. Lauber. «Je continue toutefois à rejeter fermement l’accusation de mensonge. Cependant, le fait que l’on ne me croie pas en qualité de Procureur général est préjudiciable au Ministère public de la Confédération»

Par conséquent, et dans l'intérêt des institutions, M. Lauber offre sa démission à la commission judiciaire compétente. Les modalités seront discutées avec cette dernière directement. Aucun autre commentaire ne sera donné en l’état, ajoute le communiqué du MPC.

Réagissant dans un communiqué, l'AS-MPC souligne que les manquements de M. Lauber sont confirmés pour l'essentiel par le TAF. La dissimulation de la troisième rencontre avec M. Infantino constitue en particulier une violation grave du devoir de fonction.

L'Autorité de surveillance souligne que les déclarations du Procureur fédéral ont été l'élément déclencheur de la procédure disciplinaire. L'intéressé, «qui n'est ni conscient ni convaincu de l'illégalité de ses actes», a porté atteinte à la réputation du MPC, conclut-elle

Droit d'être entendu

Dans son arrêt, le TAF a admis que le droit d'être entendu du Procureur général avait été violé dans la procédure disciplinaire: l'intéressé n'a pas eu accès à certains documents. Cependant, ce grief a été corrigé devant le TAF lorsque M. Lauber a pu consulter l'ensemble du dossier.

En revanche, les juges de Saint-Gall confirment que le magistrat se trouvait en conflits d'intérêts lorsqu'il s'est chargé des autorisations de témoigner à ses collaborateurs. Ces tâches auraient dû être déléguées à des procureurs suppléants.

Mais le TAF relativise son comportement jugé déloyal par l'AS-MPC. Certes, les propos de M. Lauber lors de sa conférence de presse de mai 2019 étaient excessifs mais le rapport de confiance avec l'autorité était déjà rompu à l'époque.

Le TAF estime que rien ne permet d'établir que les participants à la rencontre du 8 juillet avec M. Infantino se soient entendus au préalable sur leurs déclarations à l'AS-MPC. Celle-ci retenait là une grave violation du devoir de fonction de la part du Procureur général.

Décision valable

Quant à la rencontre du 16 juin 2017, le TAF juge invraisemblable qu'aucun des participants n'en ait souvenir: «Un tel cas d'amnésie collective relève de l'aberration». Dans ce cas, le Procureur a délibérément caché la vérité à l'AS-MPC, souligne la cour.

Le TAF conclut que M. Lauber s'est rendu coupable de plusieurs violations du devoir de fonction. Dans ces conditions, l'enquête disciplinaire a abouti à une décision formellement valable.

Les juges reprochent cependant à l'autorité le ton parfois très agressif adopté dans le rapport. Ainsi, l'AS-MPC a exagéré en affirmant que le Procureur général avait fait preuve d'une mauvaise compréhension de sa profession.

Vers un nouveau départ

Quant à la procédure de révocation engagée par la commission judiciaire du Parlement, elle se poursuit, a indiqué à Keystone-ATS son président, le conseiller aux Etats Andrea Caroni (PLR/AR). Elle ne s'éteint que si le procureur se retire avant la fin de son mandat. Michael Lauber a promis une lettre à la commission la semaine prochaine.

Plusieurs partis ont salué vendredi la décision du procureur, anticipant un nouveau départ pour l'institution. Le PLR demande que cette démission soit effective le plus vite possible, afin de restaurer au plus vite la crédibilité du MPC. Le PLR envisage aussi des changements au niveau de l'Autorité de surveillance.

Pour le PS, le MPC ne peut regagner sa crédibilité qu'avec le retrait de M. Lauber. «Nous avons besoin d'un procureur fort dans la lutte contre le blanchiment d'argent, la criminalité organisée et le terrorisme», a twitté le parti à la rose.

Balthasar Glättli (Verts/ZH) relève pour sa part que le procureur offre sa démission en invoquant l'intérêt des institutions. Vu sous cet angle, un retrait se serait imposé depuis bien longtemps, écrit-il sur la plateforme.

«Enfin», twitte le président du groupe parlementaire PDC Marco Romano (TI). Ce départ clôt un vilain chapitre, ajoute-t-il. L'UDC va elle examiner de près le jugement du TAF. Elle estime que le MPC doit être entièrement subordonné au Département fédéral de justice et police (DFJP).

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