Astrophysique Nombreux séismes légers sur Mars

ATS

25.2.2020 - 12:07

Le sismomètre SEIS est une sorte de stéthoscope d'environ 30 kilos pour un diamètre de 60 centimètres. En quinze mois de présence sur Mars, il a détecté 174 événements sismiques, dont 24 relativement importants (d'une magnitude comprise entre 3 et 4).
Le sismomètre SEIS est une sorte de stéthoscope d'environ 30 kilos pour un diamètre de 60 centimètres. En quinze mois de présence sur Mars, il a détecté 174 événements sismiques, dont 24 relativement importants (d'une magnitude comprise entre 3 et 4).
Source: KEYSTONE/AP

En quinze mois de présence sur Mars, le robot InSight et son sismographe ont déjà détecté près de 500 frémissements des entrailles de la planète rouge. Cette récolte abondante livre le portrait d'une «planète vivante», secouée par de nombreux séismes.

«C'est toujours émouvant d'imaginer cet instrument sur Mars qui nous envoie ces données», confie à l'AFP Philippe Lognonné, chercheur de l'Institut de Physique du Globe de Paris et père de SEIS, le sismographe français embarqué par InSight.

Après six mois et demi de voyage dans l'espace et 480 millions de kilomètres parcourus, la sonde de la Nasa avait atterri en grande pompe dans la plaine martienne d'Elysium, en novembre 2018. Ce qui avait permis pour la première fois à l'humanité de coller son oreille contre le sol de la planète.

Et depuis, la planète s'est montrée plutôt bavarde: «Au 30 septembre 2019, InSight a détecté 174 événements sismiques, dont 24 sont relativement importants (d'une magnitude comprise entre 3 et 4)«, indiquent les auteurs de six études publiées cette semaine dans Nature Geoscience et Nature Communication. Ces travaux internationaux impliquent plus de cent cinquante chercheurs.

Activité très intense

Si l'activité sismique de Mars a déjà été théorisée, modélisée, jamais aucun tremblement de Mars n'avait été clairement identifié. Pour Charles Yana, chef de projet SEIS à l'agence spatiale française Cnes, «le nombre de ces détections est assez surprenant, car les modèles n'en estimaient pas autant».

«Et depuis septembre, ça continue», note Philippe Lognonné. Le sismographe affiche maintenant au compteur pas moins de 460 évènements détectés dont une quarantaine sont très probablement dus à des séismes, «des tremblements de terre associés à des failles qui jouent», comme les décrit le géophysicien.

Deux d'entre eux proviennent d'une région volcanique, située à 1600 km de là où InSight a atterri, appelée «Cerberus Fossae» et constituée de canyons de plus de mille kilomètres de long dans lesquels de la lave s'est écoulée. «Dans cette zone, ça bouge en profondeur», s'enthousiasme Charles Yana.

La Nasa avait mis en ligne en octobre les fichiers sonores de ces deux secousses (datant du 22 mai et du 25 juillet), «légèrement» traités et accélérés pour devenir audibles aux Terriens.

«Une planète vivante»

L'origine des 420 autres frémissements est moins claire: petits séismes très superficiels, micro-glissements de terrain, éboulements de falaises, etc. Difficile de trancher. «Et certains signaux sont compliqués à comprendre, car c'est la première fois qu'on les voit», note Philippe Lognonné. Quoiqu'il en soit «ces résultats (...) révèlent une planète vivante», se félicite le Cnes, maître d'oeuvre de SEIS, dans un communiqué.

Les données de la mission InSight permettent d'en savoir un peu plus sur la composition de la planète rouge. Les ondes sismiques, en variant selon les matériaux qu'elles traversent, offrent une photo des entrailles de la planète.

Les scientifiques ont ainsi pu déterminer que les 10 premiers kilomètres de la croûte martienne, résultat de coulées de lave très anciennes, «ont été altérés par plusieurs milliards d'années d'activité géologique, d'impact ou par des processus anciens de circulation d'eau», note Philippe Lognonné.

Un plus gros séisme

Mais les chercheurs attendent toujours le Graal, un séisme de magnitude égal ou supérieur à 4. Les ondes se propageraient alors plus profondément et pourraient donner beaucoup plus d'informations sur la structure interne de la planète (manteau inférieur et noyau).

«C'est la partie la plus savoureuse», note Bruce Banerdt, responsable scientifique d'InSight au laboratoire JPL de la Nasa à Pasadena (Californie). Connaître la composition de la planète rouge aidera en effet à comprendre comment elle s'est formée et pourquoi l'eau de ses lacs et de ses rivières s'est évaporée il y a environ 3,5 milliards d'années.

«On reste un peu sur notre faim», reconnaît Philippe Lognonné. Mais c'est pas fini: si la mission n'a été, au départ, budgétée par la Nasa que pour deux ans, Charles Yana a bon espoir qu'elle soit prolongée au vu «des beaux résultats» déjà récoltés.

Contribution suisse

Différentes équipes européennes ont participé à l'élaboration du sismomètre SEIS (Seismic Experiment for Interior Structures). L'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a notamment contribué à son électronique ultrasensible. SEIS est une sorte de stéthoscope d'environ 30 kilos pour un diamètre de 60 centimètres.

Ce capteur sismique «très large bande» doit permettre aux chercheurs de déterminer si le coeur de la planète rouge est solide ou liquide et pourquoi sa surface n'est pas composée de plaques tectoniques mouvantes comme sur Terre.

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