Plus de 400.000 feux Pourquoi l'Amérique du Sud brûle

AFP

27.9.2024

Plusieurs pays d'Amérique du Sud sont en proie à des incendies de végétation dévastateurs, souvent d'origine criminelle, qui ont fait des morts et recouvert des villes d'épais nuages de fumée. Le réchauffement climatique est en cause.

Des pompiers luttant contre un incendie en Argentine.
Des pompiers luttant contre un incendie en Argentine.
KEYSTONE

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Une crise «totalement différente» de celle de 2019, quand des feux en Amazonie brésilienne mais aussi au Pérou et en Bolivie avaient suscité un tollé international, prévient Erika Berenguer, chercheuse de l'université d'Oxford. La pluie avait alors permis d'atténuer le problème.

Mais, cette année, presque toute l'Amérique du Sud «subit une sécheresse sévère», explique Mme Berenguer à l'AFP.

Même en Amazonie, «une des régions les plus humides du monde, le paysage est devenu très inflammable à cause du changement climatique», alerte cette spécialiste.

Selon l'observatoire européen Copernicus, la plus grande forêt tropicale de la planète a connu ces derniers mois «ses pires incendies en deux décennies».

Quelle est l'ampleur de la crise ?

Du 1er janvier au 26 septembre, plus de 400.000 foyers d'incendie ont été identifiés en Amérique du Sud, selon les données de l'Institut brésilien de recherches spatiales (INPE).

C'est déjà largement plus que sur toute l'année dernière (344.391 foyers).

Le Brésil, le plus grand pays de la région, est également le plus touché : les flammes y ont déjà ravagé plus de 40 millions d'hectares en 2024, une surface nettement supérieure à la moyenne annuelle de la dernière décennie (31 millions).

Une dizaine de pompiers y ont péri en combattant les incendies, d'après les médias.

Au Pérou, les feux de forêt ont fait 21 morts depuis juillet.

À Quito, la capitale de l'Equateur, une centaine de familles ont dû être évacuées mercredi à l'approche des flammes.

Des incendies touchent également le centre de l'Argentine et le sud-ouest de la Colombie.

Quelles causes ?

Experts et autorités estiment que les incendies se propagent plus facilement en raison de l'intense sécheresse actuelle.

«C'est une illustration claire du changement climatique. Si certains pensent qu'il n'existe pas, qu'ils regardent, il est bien là», a lancé la ministre de l'Environnement de l'Equateur, Inés Manzano.

Mais les départs de feu sont pratiquement tous dus à l'action humaine.

Au Pérou et en Bolivie, ces incendies ont lieu pendant la période habituelle de brûlis avant les semis, une pratique ancestrale de l'agriculture traditionnelle qui demeure autorisée dans ces pays.

Au Brésil, le feu est utilisé par une frange criminelle du puissant secteur de l'agro-négoce pour transformer la végétation autochtone en champs ou en pâturages.

Les autorités de plusieurs pays ont également arrêté des pyromanes, comme en Equateur, où un homme de 19 ans est soupçonné d'avoir déclenché un incendie avec du carburant.

Quels effets sur la population ?

Sao Paulo, plus grande mégalopole d'Amérique latine, a figuré début septembre en tête de la liste des villes les plus polluées du monde, selon la société suisse IQAir, spécialisée dans la surveillance de la qualité de l'air.

Une bonne partie du territoire brésilien est recouverte d'un nuage de fumée toxique qui s'est étendue jusqu'à des pays voisins, atteignant notamment Montevideo et Buenos Aires.

La capitale argentine a connu des épisodes de «pluie noire», quand l'eau des précipitations s'est mélangée à la suie issue des incendies.

Au Brésil, les autorités sanitaires font état d'une intensification des maladies respiratoires dans de nombreuses villes où le niveau de pollution est largement plus élevé que le seuil recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

À Santa Cruz, en Bolivie, les autorités ont recommandé l'usage de masques en raison d'une qualité «extrêmement mauvaise» de l'air.

L'impact économique est colossal : selon la Confédération nationale de l'agriculture brésilienne, les pertes de ce secteur ont atteint 14,7 milliards de réais (environ 2,4 milliards d'euros) entre juin et en août, en raison notamment de champs de canne à sucre détruits par les flammes.

Que font les pouvoirs publics ?

Le président Luiz Inacio Lula da Silva a admis que le Brésil n'était «pas préparé à 100%» pour faire face à cette crise.

Des milliers de pompiers ont été mobilisés dans les pays touchés, ainsi que des militaires.

«Ce n'est pas assez et c'est trop tard», déplore Erika Berenguer.

«Il faut avant tout agir dans la prévention des incendies, car quand ils commencent à se propager, ils sont très difficiles à éteindre», insiste-t-elle, prônant des mesures plus fermes des gouvernements afin de réduire déforestation et émissions de CO2.

«La plupart des études sur le climat montrent que ces événements vont être de plus en plus intenses et fréquents», avertit l'experte.