Deux ex-chefs du renseignement, une personnalité politique et le frère du président déchu: un procès emblématique s'est ouvert lundi à Blida, en Algérie. Il suit une vague d'arrestations lancée dans le sillage de la démission d'Abdelaziz Bouteflika.
Encore homme fort du régime en début d'année, Saïd Bouteflika, mais aussi Mohamed Mediene dit «Toufik», longtemps directeur des puissants services secrets algériens, son successeur Athmane Tartag et la cheffe du Parti des travailleurs (PT) Louisa Hanoune se sont présentés devant la Cour, ont rapporté des médias locaux.
Les chefs d'inculpation sont lourds: «atteinte à l'autorité de l'armée» et «complot contre l'autorité de l'Etat», crimes pour lesquels ils encourent de très fortes peines, selon le code de justice militaire et le code pénal.
Seuls les avocats et les familles des accusés ont eu le droit d'assister à l'audience, et un important dispositif policier a été mis en place autour du tribunal militaire de Blida (50 km au sud d'Alger), d'après un photographe de l'AFP.
Dans son journal de la mi-journée, la TV publique a annoncé que le procès avait débuté à 13h00, le qualifiant de «sans précédent dans l'histoire de la justice algérienne». L'envoyée spéciale a affirmé que l'avocat de Mohamed Mediene avait demandé un ajournement. L'ancien chef du renseignement algérien est, selon sa famille et ses avocats, malade et son état de santé se serait dégradé.
«Mécanismes»
«C'est un procès historique», a également affirmé à l'AFP Noureddine Bekkis, enseignant en sociologie politique à l'Université d'Alger. La gestion par le pouvoir des conflits internes ressemble traditionnellement à «une boîte noire», mais «les mécanismes habituels de règlements de conflits internes sont tombés en panne», a ajouté M. Bekkis.
Il s'agit d'une conséquence directe du mouvement inédit de contestation qui a vu le jour le 22 février contre la perspective d'un cinquième mandat du chef de l'Etat Abdelaziz Bouteflika. Après des semaines de manifestations massives, la rue a obtenu la démission de M. Bouteflika début avril. S'en est suivie une vague d'arrestations dans certains cercles du pouvoir.
A ce jour, cette contestation se poursuit néanmoins, les manifestants réclamant le départ de l'ensemble des composantes du «système». Et un bras de fer est en cours autour de l'organisation d'une présidentielle le 12 décembre, voulue par l'armée. L'ouverture de ce procès à Blida n'en reste pas moins retentissante, même si très peu de choses ont filtré.
Le frère du président déchu, ainsi que les deux ex-patrons du renseignement ont été incarcérés le 5 mai. Louisa Hanoune, cheffe du PT (trotskiste), a été placée en détention provisoire quatre jours plus tard.
Des enquêtes judiciaires avaient été ouvertes sur des faits présumés de corruption visant d'ex-hauts responsables politiques et des hommes d'affaires accusés d'avoir profité de leurs liens privilégiés avec l'entourage du président déchu.
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