«Guanziroli au tribunal» Il a transformé sa cave en plantation de marijuana

de Silvana Guanziroli

2.8.2019

L’irrigation et la fertilisation des plants dans la cave étaient assurées par un système automatisé.
L’irrigation et la fertilisation des plants dans la cave étaient assurées par un système automatisé.
Keystone

Artiste tatoueur de métier, un Winterthourois s’est mis en quête d’un job d’appoint lucratif – dans sa cave, il gère une plantation de marijuana entièrement automatisée. Il se sert même de brouilleurs pour protéger sa cachette.

Un pactole l’attend. Et pour y parvenir, le tatoueur Roger M.* (33 ans) ne ménage pas ses efforts afin de mettre son plan à exécution. Dans la cave de sa maison individuelle, dans une commune proche de Winterthour (canton de Zurich), il développe à partir de 2016 une véritable plantation.

Et le producteur de marijuana se montre si ingénieux que personne ne remarque rien. Roger M. installe un dispositif d’irrigation entièrement automatisé et un système de fertilisation sophistiqué. Il utiliserait même des brouilleurs pour rendre impossible la localisation des téléphones portables. Roger M. envisage manifestement une activité à long terme dans sa cave.

Et effectivement, les plants se développent rapidement. Le prévenu est en mesure d’effectuer plusieurs récoltes. Celles-ci sont si importantes qu’il emploiera même deux assistants. C’est ce que décrit l’acte d’accusation du parquet de Winterthour/Unterland que «Bluewin» s’est procuré.

Le parquet a accusé Roger M. d’infractions à la loi sur les stupéfiants, en particulier de culture, de possession et de vente de marijuana. Le parquet affirme ainsi pouvoir établir que le tatoueur a produit et vendu au moins cinq kilogrammes de marijuana. Sur le marché noir, cette quantité équivaut à environ 50 000 francs.

Des clients inconnus

Lundi, l’homme de 33 ans devra répondre de son trafic de marijuana devant le tribunal de district d’Andelfingen. Ses deux assistants sont également inculpés dans le cadre de procédures judiciaires distinctes. Les autorités chargées de l’enquête n’ont pas été en mesure d’identifier de manière concluante les individus qui leur ont acheté la marchandise. Le parquet requiert à l’encontre des prévenus une peine privative de liberté de dix mois avec sursis et une amende de 500 francs.

Pour développer sa plantation, Roger M. s’est acheté des tentes de culture. Ces équipements peuvent être acquis légalement en ligne. Ces tentes permettent de cultiver du chanvre comme dans une serre, en y ajoutant les pots, les lampes, le sol et l’engrais nécessaires.

Selon le parquet, le tatoueur prend grand soin de ses plants. Plusieurs fois, ils les rempotent dans des contenants plus grands. Les plants doivent atteindre une bonne teneur en THC. Roger M. envisage même de cultiver des boutures pour les vendre ensuite à d’autres producteurs de marijuana. Ce serait sa propre marque, presque son label. Mais cela n’ira pas plus loin, d’après l’acte d’accusation.

La culture, le trafic et la consommation sont illégaux en Suisse

Certains pays ont redéfini leur réglementation en matière de marijuana. Ainsi, il est désormais légal de fumer du cannabis au Canada et dans plusieurs Etats américains (Alaska, Californie, Colorado, Illinois, Maine, Massachusetts, Michigan, Nevada, Oregon, Vermont et Washington). L’Uruguay connaît également depuis 2013 un assouplissement des règles relatives au chanvre.

Ces nouvelles venues de l’étranger suscitent de plus en plus d’incertitude quant à la réglementation en matière de cannabis en Suisse. Quelles sont les règles en vigueur chez nous? Voici ce que dit la loi:

Possession

La possession est divisée en deux groupes. La loi fédérale sur les stupéfiants contient ainsi la phrase suivante: «Celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation […], n’est pas punissable.» Depuis le 1er octobre 2013, les «quantités minimes» de cannabis sont fixées à un maximum de dix grammes.

Un jugement récemment rendu par le Tribunal fédéral précise que cette règle s’applique également aux jeunes. Eux non plus n’encourent aucune sanction s’ils sont interpellés avec une quantité minime. Un jeune homme d’à peine 16 ans poursuivi par le procureur des mineurs de Zurich pour une quantité d’1,8 g a formulé un recours et obtenu gain de cause.

Suite à ce jugement, les associations de police accusent la classe politique de les laisser face à un chaos réglementaire. C’est ce qu’affirme Adrian Wüthrich, Conseiller national (PS) et président de l’association de police du canton de Berne: «Il est de plus en plus difficile pour la police d’appliquer la loi.» Interrogé par «Nau» , il pense ainsi tout haut à une légalisation du cannabis – pour le bien de la police.

Consommation

Il est toujours interdit de fumer du cannabis. Si la police interpelle un individu en train de fumer un joint, le contrevenant encourt une amende qui s’élève à 100 francs.

Trafic et culture

Le trafic et la culture de cannabis sont illégaux sous n’importe quelle forme. Théoriquement, même la présence d’un seul plant dans un jardin est punissable. La loi fédérale sur les stupéfiants procède ici aussi à une division en deux groupes. Un individu qui cultive des plants pour sa propre consommation s’en tire avec une sanction moindre. Cependant, quiconque se livre à une culture et à un trafic de cannabis à des fins commerciales encourt une peine privative de liberté d’un an au moins.

Les infractions liées au cannabis sont majoritaires

Plus de la moitié des amendes et infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants enregistrées en 2018 se rapportaient au chanvre et au cannabis. Un coup d’œil à la Statistique policière de la criminalité 2018 permet d’illustrer cela.

En 2018, 19 766 infractions en matière de stupéfiants étaient liées à un usage abusif de marijuana.
En 2018, 19 766 infractions en matière de stupéfiants étaient liées à un usage abusif de marijuana.
Statistique policière de la criminalité (SPC)

Les forces de police ont pris dans leurs filets un certain nombre de producteurs de marijuana en 2018. La liste des stupéfiants saisis indique un total de 47 399 plants de chanvre.

D’après la Statistique policière de la criminalité 2018, les autorités policières ont saisi au total 47 399 plants illégaux de chanvre en Suisse. Les plants se trouvaient à différents stades. Des jeunes plants, des plants en fleur et des morceaux déjà récoltés et séchés ont notamment été retrouvés.
D’après la Statistique policière de la criminalité 2018, les autorités policières ont saisi au total 47 399 plants illégaux de chanvre en Suisse. Les plants se trouvaient à différents stades. Des jeunes plants, des plants en fleur et des morceaux déjà récoltés et séchés ont notamment été retrouvés.
Statistique policière de la criminalité (SPC)

Dans le cas de Roger M., cependant, les juges ne doivent pas uniquement se prononcer sur son activité de culture de marijuana à des fins commerciales. Etant donné qu’un de ses ouvriers séjourne illégalement en Suisse, il est également accusé d’incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégaux. Au cours de la descente de police au domicile du prévenu, des engins pyrotechniques interdits par la loi suisse sur les explosifs ont en outre été saisis.

* Nom connu de la rédaction

«Guanziroli au tribunal»

Silvana Guanziroli, rédactrice pour «Bluewin», est accréditée auprès des tribunaux zurichois en tant que correspondante judiciaire. Dans sa série «Guanziroli au tribunal», elle écrit au sujet des affaires pénales les plus passionnantes, identifie des affaires criminelles insolites et s’entretient avec des experts au sujet du rôle de la justice. Diplômée de l’école de police de la police cantonale de Zurich, Silvana Guanziroli officie depuis plus de 20 ans en tant que journaliste d’actualité. silvana.guanziroli@swisscom.com.

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