Faits divers Syrie: le mystérieux «homme en jaune» d'Alep

AFP

2.4.2019 - 10:35

Invariablement vêtu en jaune de pied en cap, Abdelhamid, un septuagénaire élancé, fait partie du «patrimoine» d'Alep, à l'instar de la citadelle médiévale ou du souk centenaire de cette métropole du nord de la Syrie.

Depuis plus de 36 ans, ce personnage hors du commun qui rêve de faire son entrée au livre Guinness des records, n'a jamais dérogé à la règle.

«Je m'habille en jaune depuis 1983 (...). Toutes mes affaires sont jaunes: mes vêtements, mon téléphone portable, mon oreiller, mes montres», avoue cet ancien fonctionnaire connu sous le nom d'Abou Zakkour.

A peine arrivé sur la place Saadallah al-Jabiri, dans le centre d'Alep, des dizaines de curieux se rassemblent autour de lui, pour échanger quelques mots, mais surtout pour prendre des photos. «J'ai besoin de plus de deux heures pour traverser un quartier d'à peine un kilomètre, tant je suis sollicité par les passants», confie-t-il.

Lorsqu'Abdelhamid doit assouvir sa faim, il se montre tout aussi fidèle à sa couleur préférée et mange... un épi de maïs.

Personnage incontournable

Devenu un personnage incontournable de cette grande ville syrienne, ce veuf père de trois enfants aujourd'hui installés à l'étranger, vit seul dans un petit appartement.

Là aussi, la couleur unique s'impose partout: sur son balcon, des sous-vêtements jaunes sèchent à l'air libre tandis qu'à l'intérieur, chaussures, chaises et tableaux se déclinent dans la couleur du soleil ou des citrons.

«J'ai une centaine d'articles vestimentaires en jaune, des pantalons, des bérets, des chemises, des lunettes et des écharpes (...)«, explique-t-il en ouvrant les battants de son armoire.  «J'ai dû faire face à de nombreuses difficultés pour rassembler tout cela, et je pense que personne n'aurait pu le faire comme je l'ai fait», s'enorgueillit ce retraité.

Le «Trump d'Alep»

A la fois excentrique et discret, il refuse de dévoiler les motifs de son choix, son «secret». Il affirme toutefois les avoir mentionnés dans son testament.

Sa réputation est devenue telle qu'un restaurateur de la ville a décidé d'ériger une statue à son effigie à l'intérieur de son établissement.  «Le Trump d'Alep», a-t-il écrit en arabe sur le mur à l'arrière, en allusion notamment à la couleur des cheveux du président américain Donald Trump.

Près de la statue, un grand portrait du célèbre chanteur syrien Sabah Fakhri. Et une photo de la citadelle médiévale d'Alep, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco.

«Abou Zakkour fait partie du patrimoine d'Alep, c'est pourquoi nous l'avons placé près des symboles de la ville», explique Majid Charchakji, le propriétaire du restaurant.

Quand Abdelhamid entre dans l'établissement, des clients affluent vers lui pour l'inévitable séance photo.

Pas épargné par la guerre

A l'instar de sa ville, ravagée entre 2012 et 2016 par des combats acharnés, Abdelhamid n'a pas été épargné par la guerre qui déchire la Syrie depuis 2011.

Il raconte avoir été arrêté et humilié en 2013 par des hommes armés de l'opposition qui l'accusaient d'être un agent du «renseignement pour le compte des autorités syriennes». Une vidéo circulant à l'époque sur les réseaux sociaux le montre à l'intérieur d'une voiture, entouré de combattants qui l'interrogent et l'insultent.

Mais, même durant cet épisode, il est resté fidèle à sa couleur. «Je n'ai pas ôté mes habits jaunes (...) et je continuerai de les porter jusqu'à ma mort».

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