Elisabeth Borne a appelé mercredi les oppositions à «bâtir ensemble» des «compromis» pour répondre aux défis économiques ou climatiques. Elle a mis en garde contre «le désordre et l'instabilité» lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale.
Borne à l'Assemblée: «Le désordre et l’instabilité ne sont pas des options»
La première ministre, Élisabeth Borne, met en garde contre «le désordre et l’instabilité» et appelle à «construire ensemble», lors de sa déclaration de politique générale, sans engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale. SONORE
06.07.2022
«Nous mesurons tous l'ampleur de la tâche: les Français à protéger, la République à défendre, notre pays à rassembler, la planète à préserver», a énuméré la Première ministre en ouverture d'un discours de 01h25. Tout en défendant le bilan social ou économique du premier quinquennat Macron, elle a assuré avoir entendu «le message» des électeurs qui ont privé le camp présidentiel d'une majorité absolue lors des législatives.
«Par le résultat des urnes, ils nous demandent d'agir et d'agir autrement. Par leur message, ils nous demandent de prendre collectivement nos responsabilités», a détaillé Mme Borne, dont c'était le grand baptême de feu à l'Assemblée, avant le Sénat à 21h00.
Enumérant les défis qui se posent au pays (guerre en Ukraine, prix de l'énergie ou «urgence écologique") et appelant à reprendre le «chemin de l'équilibre» des finances publiques, Mme Borne a exhorté les députés à dépasser les clivages et à redonner «un sens et une vertu au mot compromis».
«Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur toutes les solutions. Mais nous avons toutes et tous conscience de l'urgence et de la nécessité d'agir», a-t-elle dit. «Les Français nous demandent de nous parler plus, de nous parler mieux, et de construire ensemble», a-t-elle insisté.
Pas une «femme providentielle»
La Première ministre a ainsi mis en garde contre tout blocage des institutions. «Face à de tels défis, le désordre et l'instabilité ne sont pas des options», a-t-elle mis en garde, déplorant que la vie politique ait été «trop longtemps (...) faite que de blocs qui s'affrontent».
Rejetant tout statut de «femme providentielle», Mme Borne a assuré, souvent avec le sourire, ne pas être une «femme de grandes phrases et de petits mots», qui ont, selon elle, nourri «les postures, la défiance et la crise de notre démocratie». Parsemant son allocution de références à ses prédécesseurs à Matignon, Mme Borne a aussi invoqué sous de vifs applaudissements la mémoire de grandes figures féminines à qui «la République a ouvert la voie».
Sur le fond, la Première ministre a assuré que le projet de loi pour le pouvoir d'achat, qui sera présenté jeudi en Conseil des ministres, comporterait des mesures «concrètes, rapides, efficaces» contre l'inflation et pour aider «les plus vulnérables».
Appel à réformer les retraites
Sur le climat, Mme Borne a plaidé pour des «réponses radicales» pour transformer nos manières «de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer», tout en rejetant la voie de «la décroissance». Elle a aussi annoncé son intention de renationaliser à 100% EDF, actuellement détenu à 84% par l'Etat, en affirmant que «la transition énergétique passe par le nucléaire».
Défendant une triple responsabilité (environnementale, budgétaire et fiscale), la Première ministre a appelé à mettre en oeuvre des «solutions structurantes» pour l'hôpital et a également abordé le dossier explosif des retraites, mis en sommeil depuis la claque reçue par le camp présidentiel lors des dernières législatives.
«Notre pays a besoin d'une réforme de son système de retraite. Elle ne sera pas uniforme et devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité», a déclaré Mme Borne, avant de réaffirmer la volonté de l'exécutif de relever l'âge de départ à la retraite, chiffon rouge pour la gauche.
«Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps», a-t-elle assuré sans donner plus de précisions, déclenchant une bronca à gauche qui a alors brièvement interrompu son discours.
«Combat de la sécurité»
Abordant le «combat de la sécurité», angle d'attaque récurrent de la droite et l'extrême droite, la Première ministre a promis la «fermeté» et apporté son soutien aux forces de l'ordre.
«Honte à ceux qui attaquent systématiquement nos policiers et nos gendarmes. Honte à ceux qui tentent de dresser les Français contre ceux qui les protègent», a-t-elle lancé, dans une allusion transparente au leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui avait accusé la police de «tuer».
La présidente des députés RN Marine Le Pen a estimé dans la foulée que la situation du gouvernement était «hors contrôle» et le maintien d'Elisabeth Borne comme Première ministre une «provocation politique». Mathilde Panot (LFI) a elle dénoncé le «sauve qui peut» de Borne et des «compromissions» avec le RN, tandis qu'Olivier Marleix (LR) a annoncé ni «compromission» avec le gouvernement, ni «blocage stérile» à l'Assemblée.
Défiance
Peu avant le début du discours, les députés de la coalition de gauche de la Nupes avaient, comme annoncé la veille, déposé une motion de censure en signe de «défiance» à l'égard du gouvernement.
«En l'absence de vote de confiance», qui n'a pas été demandé par la Première ministre, «nous n'avons d'autre choix que de soumettre cette motion de défiance», justifient les groupes LFI, PS, écologiste et communiste, alliés dans la coalition Nupes, dans leur texte remis à la présidence de l'Assemblée nationale et transmis à la presse.
Craignant d'être renversée ou maintenue avec l'aide du RN, Mme Borne avait renoncé à ce vote, rejoignant ses sept prédécesseurs de gauche comme de droite qui avaient renoncé à solliciter la confiance lors de leur déclaration de politique générale.
La motion de censure, qui ne sera pas examinée avant vendredi et requiert un vote à la majorité absolue, n'a toutefois quasiment aucune chance d'être adoptée. Le RN et ses 89 députés ont d'ores et déjà affirmé qu'ils ne s'y associeront pas.
S'affichant en «formation responsable», le groupe LR ne joindra pas non plus ses voix à la motion de censure de la Nupes, car «l'objectif des Républicains n'est pas de réaliser un coup politique», selon la présidente par intérim du parti Annie Genevard.