Cuba a depuis mercredi une nouvelle Constitution qui reconnaît le marché mais insiste sur le caractère «irrévocable» du socialisme, à un moment où l'île est sous pression des Etats-Unis pour son soutien au Venezuela de Nicolas Maduro.
Cette Constitution «est notre volonté», a souligné dans un tweet le président Miguel Diaz-Canel, «nous ne sommes redevables qu'envers elle et Cuba».
Le texte a été proclamé par l'Assemblée nationale, réunie dans la matinée en session extraordinaire, puis publié en début d'après-midi sur la page internet du Journal officiel, ce qui signifie son entrée en vigueur immédiate.
La date choisie n'est pas anodine: c'est un 10 avril 1869 que la première Constitution du pays avait été proclamée dans la petite ville de Guaimaro (est).
Le chef de l'Etat a assisté à la séance parlementaire, fermée à la presse étrangère et retransmise à la télévision quelques heures plus tard, ainsi que l'ex-président Raul Castro, premier secrétaire du Parti communiste de Cuba (PCC, parti unique).
Un «héritage»
La nouvelle Constitution «est un héritage pour les nouvelles générations de Cubains», a déclaré ce dernier face à l'Assemblée.
Quoi de nouveau dans ce texte? La reconnaissance du marché, de la propriété privée et des investissements étrangers comme nécessaires pour relancer la croissance d'un pays miné par les pénuries.
Une manière d'intégrer des changements qui font déjà partie de la réalité de l'île: depuis 2008 les Cubains peuvent exercer une activité privée et ils sont désormais 591'000, soit 13% des travailleurs, à le faire. Et de nombreux projets, surtout dans le tourisme, ont vu le jour grâce à l'apport de fonds étrangers au sein de sociétés mixtes.
Cette ouverture est particulièrement précieuse aujourd'hui alors plane la menace d'une nouvelle «période spéciale», la terrible crise économique des années 1990.
Mercredi, Raul Castro a nié qu'une telle crise se répète mais a prévenu que l'avenir est sombre: «Il ne s'agit pas de revenir à la phase aiguë de la 'période spéciale' des années 1990 (...), aujourd'hui le paysage en termes de diversification de l'économie est différent, mais nous devons toujours nous préparer au pire».
«Nous devons être en alerte et conscients que nous sommes face à des difficultés supplémentaires et que la situation pourrait s'aggraver dans les prochains mois», a-t-il ajouté.
«Cuba n'a pas peur»
La teneur politique de la Constitution, par rapport à l'antérieure, de 1976, ne change guère.
Le texte réaffirme le rôle unique du Parti communiste et souligne le caractère «irrévocable» du socialisme, en vigueur à Cuba depuis la révolution de 1959 et devenu l'ennemi juré de Donald Trump sur le continent américain.
Juste après le référendum du 25 février, au cours duquel 78,3% des électeurs cubains ont voté «oui», le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait appelé à ne pas «se laisser duper par cet exercice» visant à perpétuer «la dictature du régime à parti unique».
Selon lui, cette nouvelle Constitution cimente surtout le système socialiste à Cuba, «bloquant toute possibilité de réformes économiques terriblement nécessaires», et échoue «à garantir au peuple cubain les libertés fondamentales».
Le temps du réchauffement diplomatique entre les deux ex-ennemis de la Guerre froide, initié fin 2014, semble bien loin: depuis des mois, La Havane est devenue la cible de Washington, qui lui reproche son soutien au gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro.
Les Etats-Unis, qui maintiennent un embargo contre Cuba depuis 1962, menacent d'appliquer à partir du 1er mai le chapitre III de la loi Helms-Burton, autorisant des poursuites judiciaires pour réclamer les propriétés saisies lors de la révolution.
Ils ont aussi sanctionné des navires accusés de transporter du pétrole du Venezuela vers Cuba et annulé l'accord historique permettant aux joueurs cubains de baseball d'être recrutés par des équipes de la Ligue nord-américaine (MLB) sans avoir à faire défection. Et ils menacent d'inclure à nouveau l'île dans la liste des pays soutenant le terrorisme.
«Le ton des Etats-Unis est de plus en plus agressif, mais nous ne renoncerons à aucun de nos principes», a assuré Raul Castro. «Nous avons fait savoir à l'administration américaine que Cuba n'a pas peur et continuera de construire l'avenir de la nation sans ingérence étrangère».
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