Les Libanais étaient des centaines de milliers dimanche à réclamer le départ d'une classe politique accusée d'incompétence et de corruption. Une mobilisation inédite qui devrait conduire le gouvernement à annoncer la mise en oeuvre de réformes longtemps attendues.
De Beyrouth à la ville à majorité sunnite de Tripoli, dans le nord, en passant par les localités chiites du sud et les villes druzes ou chrétiennes de l'est, de nombreux Libanais ont défilé dans un élan exceptionnel d'unité pour exprimer leur ras-le-bol, au 4e jour d'un mouvement qui paralyse le pays.
Dimanche soir, une marée humaine a envahi le centre de la capitale, la place des Martyrs et tous ses environs résonnant des chants et des slogans des manifestants, sous une nuée de drapeaux libanais. Dans tout le pays, des foules compactes ont repris des slogans du Printemps arabe : «Révolution, révolution» ou «le peuple veut la chute du régime».
Plan de réformes
Jour de repos, dimanche a été propice à la mobilisation, à la veille de l'expiration d'un ultimatum fixé par le Premier ministre Saad Hariri à son propre gouvernement. Son but : obtenir l'approbation des membres de sa coalition pour un vaste plan de réformes jusque-là bloqué par les divisions politiques.
Les principaux dirigeants ont répondu dimanche à cet ultimatum, acceptant notamment de ne plus imposer de nouveaux impôts et un programme de privatisations, a indiqué un responsable du gouvernement sous couvert de l'anonymat. Un conseil des ministres devrait endosser formellement ce plan lundi matin, en présence du président Michel Aoun.
Nouvelle taxe
Le mouvement – qui paralyse le pays avec la fermeture des banques, des institutions publiques et de nombreux magasins – a été déclenché par l'annonce jeudi d'une nouvelle taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet comme WhatsApp.
Le discours télévisé du lendemain de M. Hariri a été largement interprété par les manifestants comme une tentative de sauver in extremis la classe politique huée dans la rue pour sa corruption et son incapacité à conduire des réformes dans un pays aux infrastructures déliquescentes.
Dimanche, de nouveaux slogans sont apparus sur les murs de Beyrouth: «Le Liban est au peuple», «La patrie pour les riches, le patriotisme pour les pauvres».
Quatre ministres démissionnent
Allié de M. Hariri, le parti chrétien des Forces Libanaises a annoncé samedi la démission de ses quatre ministres au gouvernement, une initiative accueillie dans la liesse par les manifestants. Mais le slogan «Tous veut dire Tous» avait été aussitôt crié par la foule, pour exiger le renouvellement de toute la classe politique, y compris donc du côté du président Aoun et de ses alliés du Hezbollah.
Les craintes d'une dévaluation, pour la première fois en 22 ans, de la livre libanaise, synonyme d'un nouvel appauvrissement dans une économie dollarisée, avaient déjà fait monter la colère de la population ces dernières semaines.
Après des incidents violents et des actes de vandalisme dans le centre de la capitale dans la nuit de vendredi à samedi, une ambiance joyeuse et bon enfant a pris le dessus. Fait marquant, la contestation a aussi gagné des fiefs du Hezbollah et du mouvement Amal, dans le sud du pays.
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