Late Night USA «Il est si idiot qu’il dit accidentellement la vérité»

De Philipp Dahm

7.8.2019

Seth Meyers adopte cette fois-ci un ton relativement sérieux.
Seth Meyers adopte cette fois-ci un ton relativement sérieux.
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Comment les présentateurs de late shows réagissent-ils aux tueries aux Etats-Unis? Ils ont une chose en commun: un sentiment de colère. En effet, affirment-ils, le président a alimenté ces actes – et le Sénat a également bloqué deux textes de loi sur les armes.

Late Night with Seth Meyers

«Ce week-end fait de tragédies indescriptibles nous a brisé le cœur, et pourtant, chose troublante, cela nous semble familier. Bien sûr, nous savons tous à présent que le pays est touché par une épidémie de violence armée et de fusillades de masse et, même si c’est difficile, nous ne pouvons pas y devenir insensibles», affirme Seth Meyers en ouverture de son émission.

S’intéressant à la tuerie d’El Paso, Seth Meyers poursuit: «La propagation d’une suprématie blanche violente a été alimentée par un venin raciste mettant en garde contre une invasion de migrants, un langage fréquemment repris par les médias de droite et, bien entendu, par le président. Et en plus de cela, il y a bien sûr un accès beaucoup trop facile aux armes de guerre, qui devraient être proscrites.»

Eric Trump et Donald Trump Jr. assistent à un combat de l’UFC.
Eric Trump et Donald Trump Jr. assistent à un combat de l’UFC.
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Les Etats-Unis ont connu 251 fusillades de masse au cours des 216 premiers jours de 2019, énumère Seth Meyers. «Et soyons clairs d’emblée: nous savons qu’il existe une corrélation évidente entre le nombre d’armes dans ce pays et le nombre de victimes de la violence armée dans ce pays. Les Etats-Unis abritent certes 4,4% de la population mondiale, mais près de la moitié des armes privées dans le monde.»

Les républicains sont par nature indisposés à s’exprimer sur les questions des armes à feu et du racisme du président, comme le prouve le présentateur entre 1’59’’ et 4’00’’. Mais cela reste mieux que de mélanger le tout avec des choses qui n’ont rien à voir avec cela.

«Ne mêlez pas cela à un autre problème, comme celui des sans-abris, dont vous n’avez également rien à faire», lance Seth Meyers, fustigeant un tweet du républicain texan John Cornyn et décrivant «un écran de fumée pour cacher le premier problème».

On n’obtient pas de réponses si l’on refuse de se poser des questions, soutient-il. «Mais ces gars-là doivent prétendre que c’est une sorte de problème insoluble, car ils sont redevables à des lobbys puissants tels que les fabricants d’armes et la NRA [National Rifle Association].»

Si les républicains finissent par parler des massacres, explique-t-il, ils sacrifient un autre bouc émissaire: les amateurs de jeux vidéo (à partir de 4’50’’). «Vous rejetez la faute sur les jeux vidéo? Vous savez qu’il y a aussi des jeux vidéo dans les autres pays, n’est-ce pas? Le Japon a une culture du jeu vidéo considérable et compte très peu de victimes des armes à feu. Si les jeux avaient eu autant d’influence, on devrait en faire un sur le Congrès, qu’on appellerait "Faites quelque chose, p*tain".»

Il existe pourtant des mesures soutenues par une majorité écrasante qui pourraient facilement être mises en œuvre et au moins réduire la fréquence de tels actes, affirme-t-il. «En fait, la Chambre des représentants a adopté un texte de loi en ce sens [en février], mais au Sénat, il est bloqué par Mitch McConnell [et les soldats de son parti].»

Ceux qui veulent avoir une idée du pouvoir de cette NRA aux Etats-Unis feront les yeux ronds à partir de 6’45’’: il s’agit d’un extrait d’une réunion organisée après la tuerie de Parkland, qui a fait 17 morts en février 2018.

«Nous n’avons pas inclus [un certain point] dans le texte de loi», indique un homme. «Et vous savez pourquoi? Vous avez peur de la NRA, c’est ça?», répond Donald Trump.

Un autre intervenant dit au président aujourd’hui âgé de 73 ans: «Vous sous-estimez le pouvoir du lobby des armes à feu.» «Ils ont beaucoup de pouvoir, je suis d’accord, réplique Donald Trump. Ils ont beaucoup de pouvoir sur vous, les gens!»

«Parfois, je suis heureux qu’il soit si idiot, parce qu’il dit accidentellement la vérité», résume Seth Meyers.

Mitch McConnell, en une du mensuel sur la corruption.
Mitch McConnell, en une du mensuel sur la corruption.
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De même, la première réaction de Donald Trump devant les caméras n’a pas vraiment été intelligente (à partir de 7’59’’): «Il n’y a pas de place pour la haine dans notre pays et nous allons nous en occuper. […] Nous devons arrêter cela. Ça dure depuis des années. Cela fait des années que ça dure dans notre pays et nous devons mettre un terme à cela. Beaucoup de choses sont en train de se faire, beaucoup de bonnes choses, et nous avons fait bien plus que la plupart des autres administrations. On n’en parle pas beaucoup, mais en réalité, nous en avons fait beaucoup. […] Il se passe donc beaucoup de choses. Il se passe beaucoup de choses en ce moment.»

L’effet des propos de Donald Trump auprès de ses adversaires politiques peut être observé à partir de 8’57’’. Interrogé quant à savoir s’il y a quelque chose que le président pourrait mieux faire, le démocrate Beto O’Rourke n’est pas loin de péter les plombs.

«Que croyez-vous?», bégaie l’adversaire potentiel de Trump, incrédule. «Vous êtes au courant de toute la m*rde qu’il dit. Chers représentants de la presse, c’est quoi ce bordel? Attendez, ce sont des questions dont vous connaissez déjà les réponses.» A partir de 9’55’’, «Late Night with Seth Meyers» démolit le dernier discours à la nation de Donald Trump. «Il a passé en revue ses boucs émissaires habituels, comme les malades mentaux et les amateurs de jeux vidéo», estime Seth Meyers.

Jimmy Kimmel Live

Jimmy Kimmel couve autant de colère que Seth Meyers. «Une fois de plus, nos dirigeants, dans un parti en particulier, n’offrent guère plus que leurs pensées et leurs prières.» Les deux partis estiment que le pays est trop divisé. «Voici une chose sur laquelle nous pouvons tous être d’accord: trop de gens sont victimes de tirs d’armes lourdes. Et nous sommes aussi d’accord sur ceci: selon un sondage effectué l’an dernier, 97% des propriétaires d’armes à feu sont favorables à un contrôle plus strict des antécédents. 97%! On pourrait demander aux gens s’ils aiment les glaces et ne pas obtenir [un si bon résultat].»

Le problème, explique-t-il, est que le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, refuse que deux textes de loi qui s’y rapportent soient votés par les représentants des deux partis. Jimmy Kimmel soutient qu’il faudrait désormais téléphoner à Mitch McConnell «et lui dire que nous sommes d’accord sur quelque chose: qu’il faut qu’il bouge son cul gris et maigre et qu’il se remette au travail pour que ces textes de loi puissent être votés. A partir de 2’14’’, Jimmy Kimmel remet en lumière ce qui Trump occupait encore l’esprit de Donald Trump le week-end dernier. Ceci, par exemple:

Jimmy Kimmel montre lui aussi le discours bégayé par Donald Trump dans le New Jersey, lors duquel le président affirme qu’il a fait plus que beaucoup d’autres présidents contre ces crimes de haine – ce qui est un mensonge. En effet, en 2017, Donald Trump a retiré la réglementation instaurée par son prédécesseur Barack Obama pour rendre plus difficile l’acquisition d’une arme pour les malades mentaux.

Aucun mot sur Toledo: Donald Trump lors de son discours à la nation ce lundi.
Aucun mot sur Toledo: Donald Trump lors de son discours à la nation ce lundi.
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A partir de 3’57’’, Jimmy Kimmel montre que dans son discours à la nation, Donald Trump rend hommage par erreur aux victimes de Toledo, alors même que le prompteur mentionne simplement Dayton et El Paso. «Et ceci vous donne vraiment une idée de l’importance que cet homme accorde à cela: 14 minutes après son tweet de samedi sur El Paso, il a publié un tweet sur un combattant de l’UFC.»

«Comme beaucoup d’Américains qui reçoivent sans cesse des coups à la tête, Colby Covington est un grand fan de Donald Trump.» Et l’autre raison pour laquelle ce combat intéressait tant le président était que ses fils Eric Trump et Donald Trump Jr. y assistaient.

«Regardez-les, c’est "Débiles, faites-moi peur". Ces gars sont tellement cool: ce sont juste des mecs ordinaires qui savent exactement quoi faire avec leurs mains et leur visage.»

The Late Show with Stephen Colbert

50 Etats, 330 millions d’habitants et encore plus d’opinions: comment «comprendre l’Amérique»? Pour garder une vue d’ensemble sans s’échouer, il faut un phare. Les stars des late shows offrent probablement la meilleure aide à la navigation: ce sont de parfaits pilotes qui explorent implacablement les bas-fonds du pays et des gens et qui servent à notre auteur Philipp Dahm de boussoles indiquant sur le ton de l’humour l’état d’esprit des Américains.
50 Etats, 330 millions d’habitants et encore plus d’opinions: comment «comprendre l’Amérique»? Pour garder une vue d’ensemble sans s’échouer, il faut un phare. Les stars des late shows offrent probablement la meilleure aide à la navigation: ce sont de parfaits pilotes qui explorent implacablement les bas-fonds du pays et des gens et qui servent à notre auteur Philipp Dahm de boussoles indiquant sur le ton de l’humour l’état d’esprit des Américains.

Stephen Colbert résume les événements récents avec rancœur et se montre particulièrement virulent envers le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, qui a remis aux calendes grecques deux textes de loi sur les armes à feu. Le présentateur le voit faire la une du «mensuel sur la corruption», sous les huées d’un public indigné. «Oui, c’est sa parade nuptiale», lance Colbert.

A partir de 3’30’’, il montre des images de Beto O’Rourke, notamment de son désarroi face à Donald Trump. «C’est correct d’offrir ses pensées et ses prières, mais parfois, il faut crier et jurer.»

A partir de 4’38’’, Stephen Colbert montre la bévue de Donald Trump sur Toledo, mais ajoute que le démocrate Joe Biden a péniblement exprimé ses condoléances aux habitants de Houston et du Michigan.

S’ensuit une citation du discours à la nation prononcé par Donald Trump: «Notre nation doit condamner d’une seule voix le racisme, le fanatisme et la suprématie blanche», soutient le locataire de la Maison-Blanche. «Je fais de mon mieux tous les soirs, mais vous êtes toujours en poste», réplique Stephen Colbert.

Vingt morts dans une fusillade au Texas

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