Hong Kong «Ils se tirent une balle dans le pied»

ATS

19.8.2019 - 03:07

Des hommes de la police militaire chinoise, appuyés par des camions et des blindés, sont massés dans un stade de la ville de Shenzhen depuis lequel on aperçoit les gratte-ciel du territoire de Hong Kong. Vingt minutes en train suffisent à relier les deux métropoles.
Des hommes de la police militaire chinoise, appuyés par des camions et des blindés, sont massés dans un stade de la ville de Shenzhen depuis lequel on aperçoit les gratte-ciel du territoire de Hong Kong. Vingt minutes en train suffisent à relier les deux métropoles.
Source: KEYSTONE/EPA/ALEX PLAVEVSKI

Si proches et pourtant si loin... Aux portes de Hong Kong, la métropole chinoise de Shenzhen, abreuvée par la propagande du régime communiste, a peu de sympathie pour les revendications des manifestants dans l'ex-colonie britannique.

«Il ne font que se tirer une balle dans le pied», déclare à l'AFP un chauffeur de taxi de Shenzhen, qui préfère taire son nom, à propos des contestataires qui depuis plus de deux mois défient l'exécutif pro-Pékin de l'autre côté de la frontière.

«Que feront-ils quand l'économie sera par terre et que plus aucun touriste n'ira là-bas?«, demande-t-il, alors que des hommes de la police militaire, appuyés par des camions et des blindés, sont massés dans un stade de la ville, à 7 km de la frontière.

Même si Hong Kong a été restitué à la Chine en 1997, le territoire reste séparé de la Chine communiste en vertu du principe «un pays – deux systèmes»: il conserve un gouvernement autonome, sa monnaie, sa frontière et des libertés inconnues sur le Continent comme celle de manifester. Les Chinois de République populaire ne peuvent entrer librement à Hong Kong: il leur faut un permis spécial et la durée du séjour est limitée.

«Trop gâtés»

Shenzhen quant à elle reste à l'intérieur de «la Grande muraille informatique» imposée par Pékin, qui bloque l'entrée en Chine des informations jugées indésirables par le pouvoir. Les médias d'Etat, qui présentent les manifestants hongkongais comme «des émeutiers» violents, anti-chinois et séparatistes, voire «quasi-terroristes», sont donc la source d'information quasi-unique de la ville.

«Les jeunes ne réfléchissent pas, ils sont trop gâtés», déclare à leur propos un habitant de Shenzhen, qui préfère garder l'anonymat comme souvent en Chine lorsqu'on aborde un sujet politique.

Alors que Pékin laisse planer le spectre d'une intervention armée pour réprimer l'agitation, un autre habitant du nom de Chen remarque que «le Parti communiste n'a pas peur de l'agitation».

Complot américain

Plusieurs habitants en rajoutent même sur la théorie du pouvoir selon laquelle les manifestations seraient le résultat d'une conspiration ourdie depuis l'étranger -- les Etats-Unis pour ne pas les nommer.

«Les Américains ont encerclé notre pays», déclare un homme du nom de Feng. Les manifestations sont «sans aucun doute le résultat d'influences étrangères: ils paient les étudiants et les chômeurs pour qu'ils créent des problèmes et aillent manifester», pense-t-il.

«C'est le résultat de l'influence taïwanaise, américaine et britannique», abonde un travailleur migrant dénommé Chan. «Il paraît qu'on leur donne jusqu'à 10'000 yuans» (1390 francs) par manifestation, rapporte-t-il.

20 minutes

Shenzhen n'était qu'un modeste village de pêcheurs lorsqu'elle est devenue en 1980 une «Zone économique spéciale» destinée à attirer les investissements de Hong Kong, encore sous administration britannique. Près de 40 ans plus tard, Shenzhen est devenue une métropole à la pointe de la modernité et compte 12,5 millions d'habitants, largement plus que le voisin hongkongais (7 millions).

En dépit de leurs points de vue différents, les habitants des deux villes sont plus proches que jamais. Un train rapide lancé l'an dernier relie désormais les deux métropoles en moins de 20 minutes.

La peur gagne du terrain

Mais même parmi ceux qui disent comprendre les manifestations pour la démocratie, la peur des contestataires semble forte, d'autant qu'elle se double d'une division linguistique entre le cantonais, parlé à Hong Kong, et le mandarin, majoritaire à Shenzhen.

«Ils doivent pouvoir» défendre leurs droits, déclare à propos des manifestants un ouvrier, qui dit voyager depuis 20 ans entre les deux villes. «J'avais envie d'aller à Hong Kong pour voir les manifestations, mais j'ai peur qu'ils n'agressent les gens qui parlent mandarin», dit-il.

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