Etats-Unis L'avortement peut-il livrer les clés de la Maison-Blanche?

ATS

4.10.2024 - 07:42

L'avortement pourrait-il permettre à Kamala Harris de devenir la première femme à accéder à la Maison-Blanche? Le sujet n'a jamais autant été au coeur d'une élection présidentielle américaine, la première à se tenir depuis que ce droit a été supprimé dans certains Etats.

Le sujet de l'avortement est, comme jamais auparavant, au coeur de la campagne présidentielle.
Le sujet de l'avortement est, comme jamais auparavant, au coeur de la campagne présidentielle.
KEYSTONE

Dix d'entre eux organisent des référendums sur la question, en parallèle du scrutin présidentiel du 5 novembre. A la clé: la levée possible de restrictions touchant des millions de femmes. Mais les démocrates espèrent aussi qu'ils permettront de mobiliser l'électorat en leur faveur.

«La mobilisation est généralement ce qui détermine le résultat d'une élection», souligne Samara Klar, professeure de sciences politiques à l'université d'Arizona. Or, en 2022, pour les élections de mi-mandat, «on a constaté une forte participation et des résultats supérieurs aux attentes pour les candidats démocrates dans les Etats où l'avortement était menacé».

Un thème de campagne

La vice-président américaine Kamala Harris a fait de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) l'un des principaux thèmes de sa campagne. Elle s'efforce dès que possible de dépeindre son rival républicain, l'ex-président des Etats-Unis Donald Trump, comme responsable des histoires tragiques dont la presse se fait régulièrement l'écho.

«C'est une crise sanitaire et Donald Trump est l'architecte de cette crise», a-t-elle taclé en Géorgie à la fin septembre, après avoir appris la mort d'une femme de complications lors d'un avortement, car soignée avec retard dans cet Etat très restrictif.

Durant son mandat, l'ancien président avait profondément remanié la cour suprême américaine avant que celle-ci ne décide, en 2022, de revenir sur la protection fédérale de l'avortement. Les Etats sont désormais libres de légiférer sur la question.

Depuis lors, le parti démocrate est celui «qui a le plus soutenu le droit à l'avortement», dit Benjamin Case, professeur assistant à l'université d'Etat d'Arizona. Et les sondages montrent que la protection du droit à l'IVG est soutenue par la majorité des Américains. Kamala Harris sait donc «que plus les gens ont ce sujet en tête [...] plus cela l'aide», analyse-t-il.

Les électrices, qui votent en plus grand nombre que les hommes aux Etats-Unis, sont majoritairement favorables à la candidate.

Clé en Arizona

L'enjeu est particulièrement marqué en Arizona, susceptible de basculer tant du côté démocrate que du côté républicain en novembre. L'actuel président américain Joe Biden n'avait remporté cet Etat que d'un cheveu en 2020.

L'avortement y a été restreint à 15 semaines de grossesse, mais un référendum d'initiative citoyenne propose de rétablir ce délai jusqu'à la viabilité du foetus (environ 24 semaines). Les démocrates espèrent que les électeurs seront encouragés à se déplacer pour s'exprimer sur ce sujet et voteront au passage pour leur candidate, explique à l'AFP Samara Klar.

Or, pour un Etat où le résultat sera «aussi serré qu'en Arizona, absolument tout peut faire la différence», dit-elle.

Autre Etat-clé où se tient un référendum: le Nevada. Mais comme dans l'Etat de New York ou encore au Colorado, les électeurs y voteront pour renforcer ou non les protections, même si l'avortement y est resté autorisé.

Dans cinq Etats en revanche – Missouri, Dakota du Sud, Nebraska, Floride, Arizona – les référendums pourraient avoir pour conséquence très concrète la levée d'interdictions ou de restrictions.

Pas gagné d'avance

En Floride notamment, troisième Etat le plus peuplé des Etats-Unis d'Amérique, les praticiens ne peuvent actuellement réaliser d'avortement que jusqu'à six semaines de grossesse, soit avant que la plupart des femmes n'aient conscience d'être enceintes. L'"amendement 4» rétablirait le droit à l'avortement jusqu'à la viabilité du foetus. Il s'agit d'un revirement radical pour environ 10 millions de femmes.

«Je ne serais pas choqué» si les dix référendums en faveur de l'avortement en novembre étaient adoptés, juge Benjamin Case, qui étudie ce type de scrutins. Depuis 2022, chaque fois que le sujet a été soumis au vote direct des électeurs, le droit à l'avortement l'a emporté, même dans les Etats conservateurs du Kansas et du Kentucky.

Mais pour l'expert, l'impact sur le résultat général de l'élection est plus «compliqué» à discerner. L'économie et l'immigration restent des sujets de préoccupation listés devant l'avortement, selon les enquêtes d'opinion.

Pouvoir protéger l'IVG par référendum pourrait aussi «libérer» certains électeurs, notamment ceux déçus de la position du parti sur Gaza, qui se sentiraient moins obligés de voter démocrate, note Benjamin Case.

Et d'avertir: «Je ne suis pas convaincu que les démocrates puissent se reposer sur leurs lauriers, en se disant 'quoiqu'il arrive, le vote en faveur de l'avortement nous portera'».