«Nous n'hésiterons pas à censurer»Le RN souffle le chaud et le froid sur le gouvernement Barnier
ATS
8.9.2024 - 14:46
Le Rassemblement national de Marine Le Pen, qui se targue d'un rôle d'arbitre, a soufflé ce week-end le chaud et le froid sur le gouvernement du nouveau Premier ministre Michel Barnier, entre promesses de ne pas participer «au désordre» et menaces de censure.
Keystone-SDA
08.09.2024, 14:46
ATS
Est-ce une manière de revisiter le jeu du chat et de la souris? Alors que Michel Barnier poursuivait dimanche ses consultations pour former son équipe ministérielle et définir sa feuille de route, le Rassemblement national, dont les dirigeants ont saturé l'espace médiatique ce week-end, a fait savoir qu'il entendait plus que jamais se poser au centre du jeu.
Son bras armé: le contingent de 126 députés à l'Assemblée – et même 142 avec l'appoint des alliés d'Eric Ciotti – qui pourrait tenir dans ses mains l'avenir du futur gouvernement.
«Nous n'accordons pas de blanc-seing. Si au fil des semaines, les Français devaient à nouveau être oubliés ou maltraités, nous n'hésiterons pas à censurer le gouvernement», a ainsi tonné dimanche Marine Le Pen depuis son fief d'Hénin-Beaumont, où elle faisait sa rentrée.
Pas «responsable du bilan»
Face à la presse et dans son discours, la cheffe de file des députés RN a alterné bons points à Michel Barnier et mises en garde.
Pour elle, hors de question de le condamner d'emblée. A l'image du député RN Jean-Philippe Tanguy, qui après avoir qualifié hâtivement mercredi avant sa nomination M. Barnier de «fossile de la vie politique» et d'«un des hommes politiques les plus stupides de la Ve République», a dû manger dimanche son chapeau sur BFMTV en admettant qu'il n'aurait pas dû «s'exprimer ainsi envers un autre homme politique».
Mme Le Pen a salué la recherche du «compromis» entreprise par M. Barnier, conformément à ce qu'elle attendait d'un Premier ministre «respectueux des 11 millions d'électeurs du Rassemblement National».
Elle a également estimé que l'ancien commissaire européen et ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy n'était pas «responsable du bilan» d'Emmanuel Macron, notamment de «l'équation budgétaire quasi intenable» laissée «en héritage». Et ce même si la droite LR, c'est-à-dire «la famille politique de M. Barnier», «a accompagné tous ces errements au fil des années sans jamais accepter de censurer Emmanuel Macron».
«Sous surveillance»
Alors que samedi, le patron du RN Jordan Bardella avait assuré ne pas vouloir participer «au désordre institutionnel et au chaos démocratique» en renversant d'entrée M. Barnier, Mme Le Pen a insisté dimanche en jugeant «qu'il ne serait pas très raisonnable d'effectuer une censure après son discours de politique générale».
Avec un codicille toutefois: que cette déclaration, annoncée par M. Barnier pour «début octobre», corresponde «sur un nombre de sujets non négligeables aux espérances que nous portons».
Car pour le RN, M. Barnier est «sous surveillance», ainsi que l'a formulé samedi matin Jordan Bardella. «Ce n'est pas une menace, c'est un fait arithmétique», a défendu dimanche Mme Le Pen.
«C'est pas un gouvernement sous surveillance, c'est un gouvernement sous bienveillance d'extrême droite», a grincé sur LCI le député ex-Insoumis Alexis Corbière.
«Lignes rouges»
Désireuse de peser, Mme Le Pen compte «dès les prochaines semaines indiquer au Premier ministre les lignes rouges et les mesures que nous jugeons importantes et dont la prise en compte est indispensable». En appelant Emmanuel Macron à avoir recours aux référendums, notamment sur «le pouvoir d'achat, l'immigration, la sécurité, la santé».
La rentrée parlementaire du RN, de jeudi à dimanche à Paris, devrait permettre au parti à la flamme de préciser ses attentes. M. Tanguy a dit guetter le chef du gouvernement au tournant sur «la justice fiscale», en particulier «le poids de la TVA et de la fiscalité sur le carburant, l'électricité, le gaz».
«Est-ce que monsieur Barnier, sur l'immigration, va vraiment appliquer les mesures qu'il avait promises lors de la primaire des Républicains», en 2021, lorsqu'il réclamait un moratoire sur les entrées, s'est interrogé M. Tanguy.
Le casting gouvernemental sera scruté car «ça n'aurait pas de sens que M. Barnier (...) nomme un ministre qui nous a insultés», a fait valoir M. Tanguy, citant le cas du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Le député a évoqué en revanche des «personnes compétentes à gauche», comme l'ancien ministre de l'Economie Arnaud Montebourg.
Sera-t-il entendu par M. Barnier? Celui-ci a continué son tour de table dimanche en recevant dans la matinée les dirigeants d'Horizons, dont son prédécesseur à Matignon Edouard Philippe, avant d'accueillir le patron du MoDem François Bayrou dans l'après-midi.