En dépit des condamnations Les Serbes de Bosnie célèbrent leur «Fête nationale»

ATS

9.1.2024 - 19:46

Trente-deux ans après la proclamation de leur «République», les responsables Serbes de Bosnie célèbrent mardi leur fête nationale, faisant fi des condamnations internationales.

Plus de 3000 personnes, des policiers avant tout, ont participé au défilé en présence du président de la Républika Srpska autoproclamé Milorad Dodik.
Plus de 3000 personnes, des policiers avant tout, ont participé au défilé en présence du président de la Républika Srpska autoproclamé Milorad Dodik.
ATS

Plus de trois mille personnes, dont de nombreux membres des forces de l'ordre, ont défilé dans la soirée dans le centre de Banja Luka (nord), le chef-lieu de l'entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska (RS), a constaté un journaliste de l'AFP.

«Ca, c'est la Republika Srpska. Organisée, disciplinée, qui s'aime et qui aime la paix», a lancé son président Milorad Dodik, à plusieurs centaines de policiers alignés face à une estrade réservée aux responsables politiques.

«Le peuple a le droit de marquer de cette façon son Jour de la République. Tous ceux qui essayent de nous en empêcher n'y arriveront pas», a-t-il martelé, ajoutant que «c'est une République qui regarde (...) vers la Serbie, qui regarde vers la Russie».

Plusieurs milliers de personnes ont bravé les basses températures en soirée pour assister à ce défilé, l'apogée de deux jours de manifestations.

Deux entités

Hostiles à l'idée d'indépendance de la Bosnie prônée par les Bosniaques et les Croates au moment de l'éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990, des dirigeants politiques des Serbes de Bosnie avaient proclamé, le 9 janvier 1992, leur «République», qui deviendra la Republika Srpska (RS).

Trois mois plus tard éclatait un conflit intercommunautaire qui allait durer jusqu'en 1995 et faire 100'000 morts.

Depuis la fin de la guerre, la Bosnie est divisée en deux entités largement autonomes, une serbe et une croato-bosniaque, reliées par les institutions centrales. Sur 3,5 millions d'habitants, 1,2 million vivent en RS, dont le territoire constitue près de la moitié de la superficie du pays.

Les dirigeants des Serbes (orthodoxes) célèbrent en grande pompe le 9 janvier – des célébrations jugées en 2015 «non constitutionnelles» et «discriminatoires» à l'égard des Bosniaques et des Croates par la Cour constitutionnelle de l'état central bosnien.

«Nous n'avons pas l'intention d'insulter quiconque, ce n'est pas un caprice», a expliqué Milorad Dodik dans un entretien à l'AFP.

«La RS existe pour garantir la liberté au peuple serbe», a-t-il encore martelé dans un discours lundi soir, avant de faire applaudir les noms de Radovan Karadzic et de Ratko Mladic, tous deux condamnés à la perpétuité après la guerre pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide.

Orban décoré

Cette fête, c'est celle de «notre Republika Srpska, pour laquelle 23'000 soldats sont morts. Elle signifie une grande liberté pour le peuple serbe, la liberté qui ne peut être payée par rien au monde», selon un ancien combattant. «Le monde entier nous déteste parce que nous sommes chrétiens orthodoxes, nous les Serbes et les Russes».

L'ambassade américaine à Sarajevo a rappelé mardi le caractère inconstitutionnel de ces célébrations, espérant que «les autorités compétentes enquêtent sur toute violation de la loi liée à la célébration de la Journée de la Republika Srpska, le 9 janvier».

«La Journée de la Republika Srpska n'est pas conforme à la constitution de la Bosnie-Herzégovine», a rappelé de son côté Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell.

«L'Union européenne souligne la nécessité de respecter la souveraineté, l'intégrité territoriale, l'ordre constitutionnel, y compris les décisions du Conseil constitutionnel par tous les acteurs en Bosnie-Herzégovine», a-t-il ajouté, «toute action allant à l'encontre de ces principes entraînera de graves conséquences».

Mais Milorad Dodik, à la tête de l'entité depuis 2006, ne fait que peu de cas des décisions de l'Etat central et de la Cour constitutionnelle, ou des menaces européennes.

Ces derniers mois, il a annoncé qu'il voulait organiser ses propres élections et mettre la main sur les biens de l'Etat central sis sur le territoire de la Republika Srpska. Selon lui, la Bosnie se dirige vers une «séparation dans la paix».

Il a également multiplié les insultes contre le haut représentant international chargé de faire respecter les accords de paix de Dayton (1995), et l'ambassadeur américain, tout en affichant son admiration pour le président russe Vladimir Poutine. Au point d'inquiéter le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui a dénoncé cet automne la «rhétorique sécessionniste» et l'ingérence «malveillante» de la Russie en Bosnie.

M. Dodik, sous sanctions américaines, est aussi un proche du président serbe Aleksandar Vucic. Il était ainsi à sa droite lorsque celui-ci a annoncé la victoire, contestée, de son parti aux élections législatives en Serbie, mi-décembre.

Au programme mardi: un défilé des forces policières, des discours, et en soirée des feux d'artifices dans plusieurs villes de RS, ainsi qu'à Belgrade.

M. Dodik a aussi choisi de décorer le premier ministre hongrois, Viktor Orban, de la plus haute distinction de RS. Qu'il avait l'an dernier décernée à Vladimir Poutine.