«Réduire le déficit par les dépenses» Même avec un nouveau Premier ministre, la France sur le qui vive

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6.9.2024 - 12:59

En France, l'ex-commissaire européen Michel Barnier a été choisi jeudi comme Premier ministre. Dans un pays divisé, il fera face à une Assemblée nationale sans majorité, alors que le vote du budget se profile.

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Dans le centre-ville de Rennes, les réactions étaient mitigées jeudi à l'annonce de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre.

06.09.2024

Après plus de 50 jours avec un gouvernement français démissionnaire, «cette décision du président (Emmanuel) Macron vise à sortir de l'impasse politique provoquée par des élections législatives infructueuses», a résumé John Plassard de Mirabaud Banque, auprès de l'agence AWP.

Le choix du président de la République s'est finalement porté sur Michel Barnier, né en 1951 en Isère, membre du parti de droite Les Républicains (LR) et devenu le plus âgé Premier ministre français.

La réputation de l'ancien commissaire européen «en tant que négociateur compétent pourrait être un atout (il faut rappeler qu'il était le négociateur du Brexit), car il est essentiel de s'assurer de la coopération du Rassemblement national de Marine Le Pen», a ajouté l'expert.

Des difficultés à faire passer des lois essentielles

Le RN est arrivé en troisième position à l'Assemblée national, derrière le groupe Ensemble du parti présidentiel et le Nouveau Front populaire rassemblant les forces de gauches, mais se retrouve en position de faiseur de roi.

Aucun parti ou coalition n'ayant obtenu la majorité absolue (289 sièges), «l'incapacité à former une majorité solide risque d'entraîner une instabilité politique et des difficultés à faire passer des lois essentielles, telles que les mesures budgétaires», a complété M. Plassard.

D'autant que le sujet est déjà sur le bureau du Premier ministre: le projet de loi des finances pour l'année à venir doit être déposé au Parlement au plus tard au 1er octobre, quand ce dernier doit disposer de 70 jours pour en débattre.

Continuité de la politique d'Emmanuel Macron

Pour Anne-Laure Delatte, directrice de recherche en économie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le choix en faveur de celui qui fut pendant plus de quinze ans à la tête du département de Savoie «traduit une volonté de présenter un budget d'austérité, qui peut rassurer les marchés à court terme mais qui va entraîner la France vers un ralentissement du cycle économique».

Au moment de l'annonce de la nomination de Michel Barnier à Matignon, l'indice parisien du CAC 40 s'est légèrement repris, tout en restant dans le rouge, davantage préoccupé par la situation de l'emploi américain.

«Si son gouvernement tient, c'est-à-dire s'il n'est pas censuré, il faut s'attendre à une parfaite continuité de la politique économique d'Emmanuel Macron, soit une politique de l'offre, avec le refus d'augmenter les prélèvements obligatoires et la volonté de réduire le déficit par les dépenses», a ajouté l'experte.

Une hausse du Smic pourrait accroître les difficultés

Du côté du patronat, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a indiqué dans un communiqué se réjouir «de voir cette fonction confiée à un homme de grande expérience, Michel Barnier».

L'organisation patronale a assuré que «le maintien de la politique de l'offre est une des conditions du redémarrage d'une croissance dynamique soutenue par une baisse prévisible des taux», d'autant que «la progression des salaires est actuellement supérieure à l'inflation, alors même que de nombreuses entreprises voient se dégarnir leurs carnets de commandes et s'allonger les délais de paiement. Une hausse du Smic risquerait de venir accroître les difficultés et alimenter l'augmentation actuelle des défaillances.»

En juillet, le nombre de défaillances d'entreprises a dépassé les 63'000 sur les douze derniers mois, selon la Banque de France. En rythme annuel, cela correspond à une progression de plus de 25%.

Appel à manifester

Pour la coalition de gauche (NFP), arrivée en tête au second tour, au contraire, cette nomination ne passe pas. «L'élection a été volée aux Français», a dénoncé jeudi le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon. dont le parti a appelé à manifester samedi.

«Cela va nécessairement créer de la colère et de l'incompréhension et renforcer la crise démocratique en France: les électeurs vont nécessairement penser que leur vote est inutile et renforcer le sentiment qu'ils ne sont pas considérés», a analysé Simon-Pierre Sengayrac, co-directeur de l'Observatoire économie de la Fondation Jean-Jaurès, créée par le Premier ministre socialiste Pierre Mauroy.

«Le programme du NFP est grandement caduque avec un gouvernement de droite (...). Le Smic (salaire minimum) à 1600 euros, mesure essentiellement réglementaire, a donc aucune chance d'être mise en oeuvre», a-t-il souligné.

ck