«Ça me brise le coeur»Nombre d'Argentins figés dans l'indécision avant la présidentielle
ATS
16.11.2023 - 07:57
Ils ont entre leurs mains l'avenir de l'Argentine, à trois jours d'une élection présidentielle des plus incertaines entre deux candidats on ne peut plus antagoniques: les indécis pourraient faire basculer un pays qui cherche désespérément une sortie de crise.
Keystone-SDA
16.11.2023, 07:57
16.11.2023, 08:00
ATS
Cela la mine, mais elle ne voit pas d'autre option. Diana del Rio, vétérinaire de 62 ans dans une clinique de Buenos Aires, assure à l'AFP qu'elle va voter blanc dimanche.
«Ça me brise le coeur, parce que ça semble injuste, mais (...) je n'aime aucun des deux candidats», explique-t-elle. «L'un me semble être un fou irrespectueux, et l'autre... on a vu son action depuis de nombreuses années». «Vous votez en cherchant le moindre mal», regrette sa collègue Julieta Diaz, 37 ans, elle aussi indécise.
En proie à une crise économique qui semble sans fin, l'Argentine est confrontée à un choix singulier: le ministre (centriste) de l'Economie Sergio Massa, qui n'a pas su enrayer le dérapage de l'inflation vers un indice à trois chiffres (143%) depuis son entrée au gouvernement il y a seize mois, ou l'outsider ultralibéral et «antisystème» Javier Milei, qui veut dollariser l'économie et tailler «à la tronçonneuse» dans la dépense publique.
«Pour de nombreux Argentins, il s'agit d'un choix impossible. Les électeurs les plus décisifs sont de loin cet énorme bloc qui n'aiment pas du tout les deux choix», note Benjamin Gedan, directeur pour l'Argentine au cercle de réflexion Wilson Center basé à Washington.
Projets d'avenir interdits
Les sondages donnent les deux candidats au coude à coude, voire avec une très légère avance pour Milei. Pour plusieurs instituts, le pourcentage d'indécis oscille autour de 10%, voire au-delà.
Parmi ces indécis, des électeurs notamment de Patricia Bullrich, candidate de la droite «classique» éliminée au premier tour avec près de 24% des voix. Son ralliement à Milei, à titre individuel, a divisé son camp. Maria Lopez, 39 ans, employée d'une bijouterie où les prix grimpent tous les mois, se dit «déconcertée». Elle ne veut pas voter blanc, «mais c'est l'option qui s'offre à nous».
Elle et son mari ont suspendu leur projet d'enfant dans le contexte d'inflation actuel. «On ne peut pas planifier l'avenir, qu'il s'agisse d'enfants ou de projets. On ne sait pas ce qui va se passer demain. Les loyers ont explosé, il est de plus en plus difficile de boucler les fins de mois», raconte-t-elle.
Comme beaucoup, elle s'inquiète d'un risque de dévaluation du peso, que plusieurs analystes jugent inévitable au lendemain du scrutin. Certains des «indécis» se disent plutôt enclins à voter pour Milei, qui se décrit comme «anarcho-capitaliste», et a ces dernières semaines cherché à atténuer son image enflammée pour séduire les électeurs les plus modérés.
«Intelligent, ou fou»
«Malheureusement, il faut choisir», explique Pablo Rivera, 55 ans, qui tient depuis plus de trente ans un petit stand de fleurs dans le quartier huppé de Recoleta. «Si je vote, ce sera pour Milei, mais en même temps je ne veux pas non plus voter pour lui. Ce pays est une honte...»
Non loin, Juan Cruz Kosiak, 23 ans, distribue des prospectus pour un fournisseur d'accès à Internet. Il a gagné le mois dernier, au noir, 85'000 pesos (214 francs). «Je ne sais pas si, dans dix jours, ils augmenteront mon loyer, mon salaire (face à l'inflation) ou s'ils vont me virer parce que je n'ai pas de contrat», se lamente-t-il, assurant qu'il n'ira pas voter «car aucun des deux ne me représente».
Dans la grande banlieue de Buenos Aires, sur un marché du quartier Isidro Casanova, Margarita Perez, retraitée de 69 ans, se dit «fatiguée de ces présidents qui ne font rien pour nous». En larmes, elle explique faire le ménage chez des particuliers pour joindre les deux bouts. «Je pencherai pour Massa parce que je le connais mais en vrai je ne sais pas (...) Milei me fait peur. Je ne sais pas s'il est intelligent ou fou».