Bénin Opposition exclue des élections au Bénin

ATS

28.4.2019 - 15:41

Seuls des partis proches du président Patrice Talon (photo) peuvent participer aux élections du Parlement (archives).
Seuls des partis proches du président Patrice Talon (photo) peuvent participer aux élections du Parlement (archives).
Source: KEYSTONE/ALEXANDRA WEY

Le Bénin, pays réputé pour être un exemple de démocratie en Afrique de l'Ouest, a voté dimanche pour élire ses députés. L'opposition n'a pas été autorisée à présenter de candidats, marquant pour nombre d'observateurs un tournant autoritaire du président Patrice Talon.

A la mi-journée, la radio nationale appelait en vain les cinq millions d'électeurs béninois à «accomplir leur devoir de citoyen» et à se rendre aux urnes pour élire leurs 83 députés. Ils devaient choisir entre le Bloc Républicain et l'Union Progressiste, deux mouvements proches du chef de l'Etat.

Privée de candidats à la suite d'une révision de la loi électorale, l'opposition avait appelé ses supporters à ne pas aller voter. Les rues étaient quasiment vides à travers le pays et, dans les bureaux de vote, les «électeurs arrivent au compte-gouttes», reconnaît Kpleli Glele Marius, président d'un bureau de vote de Seme-Podji, région de l'opposant en exil Sébastien Ajavon.

Quelques dizaines de kilomètres plus loin, dans un bureau de vote de la capitale Porto-Novo, seuls cinq électeurs s'étaient rendus aux urnes sur les 261 inscrits, quatre heures après l'ouverture des bureaux. Même constat dans d'autres régions du pays.

Une première depuis 1990

C'est la première fois que l'opposition ne participe pas aux élections, depuis que le Bénin a assuré sa transition démocratique en 1990. Beaucoup accusent Patrice Talon, élu en avril 2016, d'être à l'origine de cette situation. La société civile béninoise ainsi que des représentants internationaux n'ont pas souhaité déployer d'observateurs en signe de mécontentement.

Les principaux opposants au président vivent actuellement en exil et récemment de nombreux activistes, politiques ou journalistes ont été interpellés ou convoqués au commissariat.

Internet coupé

C'était également la stupéfaction dimanche matin lorsque le pays s'est réveillé sans aucun accès aux réseaux sociaux pour la première fois de son histoire. Dans certaines régions acquises à l'opposition (Seme Podji, dans l'Ouemé, ou à Azovè, département du Couffo), tout réseau internet 3G était totalement indisponible.

Le porte-parole de la présidence avait pourtant affirmé jeudi à l'AFP que la question de couper internet n'avait «pas été discutée». «Je ne pense pas que l'on ira jusque là, cela ne fait pas partie de nos pratiques. Mais il y a beaucoup d'intox qui circulent sur les réseaux sociaux, il faut être vigilant pour notre sécurité», avait-il dit.

La situation était relativement calme pourtant, et aucun débordement majeur n'était à signaler à la mi-journée, même si tout le monde restait sur le qui-vive. Le matériel électoral a été brûlé à Tchaourou, la commune de l'ancien président Boni Yayi.

L'ex-chef de l'Etat avait rompu son silence la semaine dernière demandant à Patrice Talon d'interrompre le processus électoral et à la population béninoise de se soulever dans un «sursaut patriotique». Certains de ses supporters ont d'ailleurs déposé des «gris-gris» devant plusieurs bureaux de vote de Tchaourou pour empêcher le bon déroulement du scrutin, dans un pays très versé dans la religion vaudoue.

Plus de 250 partis

Des échauffourées ont également éclaté samedi en fin de journée. Plusieurs routes, vers Calavi ou à Savè (département des Collines), ont été bloquées par des manifestants en colère qui ont mis le feu à des barricades.

«La vague d'arrestations arbitraires de militant(e)s politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques ont atteint un niveau alarmant au Bénin», s'est inquiété Amnesty International dans un communiqué publié vendredi soir.

Le parlement a approuvé fin 2018 la mise en place d'un nouveau code électoral pour simplifier le paysage politique et empêcher la prolifération des partis (plus de 250 dans un pays de 12 millions d'habitants). Toutefois, même les principaux mouvements de l'opposition ne sont pas parvenus à remplir les conditions imposées par la Céna et n'ont pas pu présenter leur liste.

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