Proche-OrientPar sa médiation, l'Egypte veut renouer avec son rôle historique
ATS
19.5.2021 - 08:27
L'Egypte cherche à renouer avec son rôle régional historique en offrant sa médiation dans le conflit en cours entre Israël et le Hamas. Ce nouvel embrasement a ramené Le Caire au centre du jeu diplomatique, alors que Washington fait profil bas dans les tractations internationales.
Keystone-SDA
19.05.2021, 08:27
ATS
En 2014, l'Egypte avait été à l'origine d'un cessez-le-feu après la guerre sanglante de plusieurs semaines entre l'Etat hébreu et le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza, voisine de l'Egypte.
Dans cette nouvelle grande confrontation, entrée lundi dans sa deuxième semaine, les bombardements israéliens sur l'enclave palestinienne et les tirs de roquette de Gaza vers Israël ont tué au moins 230 personnes, en très grande majorité des Palestiniens.
Ce nouvel embrasement a ramené Le Caire au coeur du jeu diplomatique, alors qu'il a créé l'embarras parmi les pays arabes, notamment du golfe Persique, ayant récemment normalisé leurs relations avec l'Etat hébreu.
Equipe sur le terrain
Mardi, Le Caire a promis «500 millions de dollars pour la reconstruction» à Gaza après les bombardements et des «entreprises égyptiennes pour mener les travaux».
Les Etats-Unis, qui font jusque-là profil bas dans les tractations diplomatiques, ont demandé au Caire et à d'autres alliés arabes, dont Tunis et Doha, de s'investir pour obtenir un cessez-le-feu.
«Dans une région où les 'Etats de la normalisation' étendent leur relation avec Israël, l'Egypte [...] a intérêt à utiliser sa proximité géographique avec Gaza comme levier diplomatique», affirme à l'AFP Tareq Baconi, expert du cercle de réflexion Crisis Group.
Lundi, le président Abdel Fattah al-Sissi a fait un point sur ces efforts de médiation avec son homologue français Emmanuel Macron, lors d'une rencontre à l'Elysée. Concrètement, une délégation égyptienne se trouve sur le terrain en Israël et dans les territoires palestiniens pour encourager un cessez-le-feu.
«Composée de responsables du renseignement», elle s'y trouve «depuis plusieurs jours», dit à l'AFP Khaled Okasha, membre du conseil supérieur égyptien pour l'antiterrorisme.
«Pas d'autres moyens»
M. Okasha, également directeur du centre égyptien d'études stratégiques, un cercle de réflexion lié à l'Etat, se dit confiant sur l'issue de l'initiative. Pour Michael Hanna, expert au cercle de réflexion new-yorkais Century Foundation, «l'Egypte doit être impliquée. Il n'y a pas d'autres moyens».
Israël maintient un blocus maritime et terrestre sur Gaza depuis que le Hamas a pris le contrôle en 2007 de cette bande côtière où s'entassent quelque deux millions de personnes. Le point de passage frontalier de Rafah, à la frontière égyptienne, est sa seule ouverture sur le monde qui n'est pas contrôlée par Israël.
Alors que les médias égyptiens avaient coutume de désigner l'enclave de «foyer terroriste», le président Sissi a ordonné la semaine dernière l'ouverture du terminal pour permettre à des blessés de Gaza d'être traités dans des hôpitaux égyptiens et pour faire passer de l'aide médicale.
«C'est une occasion de dire, pas seulement aux Etats-Unis, mais aux autres pays de la région, que l'Egypte reste importante», avance M. Hanna, avant d'ajouter: «Un cessez-le-feu passera par le Caire».
«Dynamique étrange»
Selon lui, le soutien populaire aux Palestiniens en Egypte a encouragé Le Caire à adopter une ligne plus «ferme, plus franche» contre Israël, malgré le traité de paix de 1979. Dans un discours au Conseil de sécurité de l'ONU, le ministre des affaires étrangères Sameh Choukri a estimé, à l'adresse d'Israël, que des «concessions» devaient «être faites».
Mais «c'est une dynamique étrange [...] Les responsables militaires ont un manque de confiance profond envers Israël, mais, en même temps, ils collaborent avec eux», tempère M. Hanna.
M. Baconi se montre, lui aussi, nuancé, estimant que Le Caire n'a «pas suffisamment de poids sur Israël». «La relation est une alliance dans laquelle Israël définit les contours stratégiques», dit-il. Auteur d'un livre sur le Hamas, il juge aussi que l'Egypte cherche encore un juste équilibre entre une coordination en matière de renseignement avec le Hamas et son aversion pour les Frères musulmans, liés au mouvement palestinien maître de Gaza.
M. Sissi a été l'artisan, comme chef de l'armée, de la destitution en 2013 du président Mohamed Morsi, issu de la confrérie islamiste, avant de mener une répression impitoyable sur ses partisans.
Reste qu'en 2021, selon M. Baconi, M. Sissi ne «voit pas nécessairement le Hamas sous le même jour». «La stratégie [...] est similaire à celle d'Israël», résume-t-il: «S'assurer que Gaza ne prospère pas et que le Hamas reste contenu à l'intérieur».