Analyse Qui sont ces Russes qui peuvent tranquillement critiquer Poutine? 

Après la nuit la plus sanglante pour l'armée russe, le Kremlin et sa conduite de la guerre sont sévèrement critiqués. Et certaines critiques émanent de leurs propres rangs.

Après les attaques sans doute les plus meurtrières contre l'armée russe en ce début d'année, un vent rude souffle sur le chef du Kremlin Vladimir Poutine, même dans ses propres rangs. Des députés du Kremlin ainsi que des blogueurs de guerre, pourtant proches du gouvernement russe, accusent le commandement militaire russe d'échec.

Dans une interview télévisée avec une entreprise russe, publiée sur Youtube, le nationaliste Girkin, plus connu sous le nom de guerre de «Strelkov», se lance dans une attaque frontale, rapporte SRF.

Le blogueur militaire a fait des déclarations telles que: «Si le gouvernement continue à agir comme il le fait actuellement, il y aura des révoltes», «Le gouvernement se détruit lui-même et avec lui tout le pays» ou «La tête du poisson est complètement pourrie». 

Certains députés russes se sont également exprimés via Telegram. Selon Andreï Medvedev, il est «dangereux et criminel» de prendre l'adversaire pour un imbécile au dixième mois de la guerre, rapporte le «Tages-Anzeiger».

Il fait ainsi référence à la débâcle de la nuit de la Saint-Sylvestre, au cours de laquelle 89 soldats ont été tués par quatre missiles ukrainiens, selon les données russes.

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Pour d'autres membres de l'armée, le fait de placer apparemment des centaines de militaires dans le même bâtiment, juste à côté d'un dépôt de munitions, aurait également été une erreur grossière et négligente.

De telles critiques acerbes de la soi-disant opération spéciale en Ukraine finissent généralement en prison ou en exil.

«Ne pas contrarier» ceux qui pensent comme Girkin...

Mais dans le cas de l'ancien agent des services secrets et blogueur militaire Igor Girkin, l'issue devrait être différente, estiment les experts.

«Le gouvernement russe est certes intéressé à faire taire les blogueurs nationalistes comme lui», estime le politologue et connaisseur des services secrets russes Mark Galeotti, interrogé par la SRF. «Mais Poutine ne s'attaque pas à ce milieu pour l'instant, car de nombreux membres de l'armée et des services secrets pensent la même chose», explique Galeotti.

Le Kremlin ne veut pas contrarier ces personnes en éliminant Girkin. Car «c'est justement sur ces gens-là que le Kremlin compte pour rester au pouvoir», dit Galeotti.

Pour les critiques, Poutine ne va pas assez loin

Igor Girkin est un admirateur de la terreur stalinienne et de l'empire tsariste. Il dénie à l'Ukraine le droit d'exister, raison pour laquelle il ne critique pas la guerre d'agression.

Cependant, le gouvernement ne va pas assez loin pour lui. Les experts estiment que cette façon de penser est d'ailleurs profondément ancrée dans les services secrets russes (KGB).

Et c'est précisément pour cette raison que les derniers événements pourraient poser problème à Poutine. Car avec les succès de la guerre, Poutine espère à nouveau avoir des gens comme Girkin derrière lui.

L'échec du commandement militaire russe donne à Girkin l'occasion de formuler des critiques très remarquées, qui poussent à leur tour le gouvernement à agir de manière plus radicale en Ukraine.

Ce sont donc les résultats sur la ligne de front qui détermineront si Girkin et ceux qui partagent ses idées se rallieront à nouveau à Poutine, et dans quelle mesure.