Le gouvernement de Boris Johnson entend entamer dès lundi le processus de son projet de loi à la Chambre des communes.
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Le gouvernement britannique de Boris Johnson risque d'aborder la prochaine semaine avec une fronde de son propre camp. Il sort d'une semaine de crise avec Bruxelles, déclenchée par sa volonté de revenir en partie sur l'accord de Brexit.
La volonté du gouvernement conservateur de faire adopter un projet de loi qui contredit en partie l'accord encadrant sa sortie de l'UE, une violation assumée du droit international, a provoqué la fureur de Bruxelles.
Le tout dans un contexte de négociations difficiles entre le Royaume-Uni et l'UE, qui tentent de conclure un accord de libre-échange. Ce dernier doit être trouvé en octobre pour pouvoir entrer en vigueur au 1er janvier 2021, à l'issue de la période de transition en vigueur depuis le 31 janvier, date officielle du Brexit.
Dans son projet de loi sur le marché intérieur présenté mercredi, le gouvernement britannique se réserve la possibilité de prendre des décisions unilatéralement sur des sujets relatifs au commerce avec la province d'Irlande du Nord.
Un «filet de sécurité»
Il s'agit selon Boris Johnson d'un «filet de sécurité juridique pour protéger notre pays contre les interprétations extrêmes ou irrationnelles du protocole» sur l'Irlande du Nord qui pourrait selon lui de fait mener à une frontière entre la province britannique et le reste du Royaume-Uni.
Après une réunion de crise avec le vice-président de la Commission européenne Marcos Sefcovic convoquée en urgence jeudi, le ministre britannique d'Etat Michael Gove a annoncé que le gouvernement maintiendrait ce texte.
Il a ainsi rejeté l'ultimatum de l'UE, qui somme le Royaume-Uni de retirer au plus tard à la fin du mois ce texte qui sape «gravement» la confiance entre Londres et Bruxelles, qui tentent laborieusement de s'accorder sur les termes de leur relation future. «Les traités doivent être respectés», a déclaré vendredi le ministre allemand des Finances Olaf Scholz.
«La question n'est pas de savoir si nous mettons en oeuvre l'accord de retrait et le protocole sur l'Irlande du Nord, mais comment nous le mettrons en oeuvre», a assuré le secrétaire d'Etat aux Entreprises Nadim Zahawi vendredi sur la BBC.
Verrou parlementaire
Adopté après d'intenses négociations l'année dernière, ce protocole permet d'éviter le retour d'une frontière physique sur l'île d'Irlande, marquée par les trois décennies sanglantes des «Troubles».
«Ce protocole sur l'île d'Irlande existe et l'une des parties ne peut pas faire comme s'il n'existait pas», a déclaré sur les ondes de la BBC le ministre irlandais des Affaires européennes, Thomas Byrne. «C'est un acte relevant de la provocation, unilatéral et qui est absolument sans précédent».
Déterminé à aller vite, le gouvernement de Boris Johnson entend entamer dès lundi le processus de son projet de loi à la Chambre des communes, où il dispose d'une majorité de 80 sièges.
Néanmoins, la riposte couve, y compris au sein de son propre camp. Des députés conservateurs préparent un amendement qui limiterait les pouvoirs du gouvernement en imposant un «verrou parlementaire» avant tout changement relatif à l'accord de retrait.
Des Brexiters s'interrogent
Même parmi les plus fervents Brexiters, la démarche du gouvernement interroge. Selon Bernard Jenkin, l'un des responsables de l'European research group (ERG), le pouvoir «devrait être plus attentif à l'atteinte à la réputation que représente un tel comportement».
Selon son porte-parole, Boris Johnson doit tenir vendredi une réunion par visio-conférence avec les députés de sa majorité au sujet de ce texte.
Le projet de loi devra aussi franchir l'obstacle de la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique, où le conservateur Michael Howard, pourtant Brexiter convaincu, a fait jeudi une sortie tonitruante: «Comment reprocher à la Russie, à la Chine ou à l'Iran un comportement qui ne respecte pas les normes internationalement reconnues, alors que nous faisons preuve d'un si faible respect de nos obligations ?«.
Accord de libre-échange
A l'issue d'une semaine de crise, le gouvernement a pu s'enorgueillir vendredi d'être parvenu à un accord de libre-échange avec le Japon, qui permettra aux entreprises britanniques d'échapper aux droits de douane sur 99% de leurs exportations.
Outre les négociations en cours avec l'UE, qui doivent reprendre la semaine prochaine, il espère signer un accord avec les Etats-Unis avant la fin de l'année.