Afghanistan Sous les talibans, la loi islamique s'applique sans scrupule

ATS

2.1.2023 - 08:01

Agenouillé face à un juge enrubanné dans une pièce minuscule de la cour d'appel de Ghazni dans l'est de l'Afghanistan, un vieil homme condamné à mort pour meurtre implore la clémence. Mais sous les talibans, la loi islamique doit s'appliquer, sans états d'âme.

Depuis seize mois à la tête de l'Afghanistan après vingt ans de guerre contre les Américains et l'OTAN, les talibans ont imposé une interprétation ultra-rigoriste de l'islam. 
Depuis seize mois à la tête de l'Afghanistan après vingt ans de guerre contre les Américains et l'OTAN, les talibans ont imposé une interprétation ultra-rigoriste de l'islam. 
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Depuis seize mois à la tête de l'Afghanistan après vingt ans de guerre contre les Américains et l'OTAN, les talibans ont imposé une interprétation ultra-rigoriste de l'islam.

En vertu de la loi du talion, inscrite dans la charia (loi islamique), les islamistes ont repris les flagellations devant la foule et mis à exécution il y a quelques jours la première condamnation à mort en public d'un meurtrier.

C'est à la même sentence que tente d'échapper, à 150 kilomètres au sud de Kaboul, un vieil homme convoqué devant la cour d'appel de Ghazni à laquelle l'AFP a eu un rare accès.

Menottes au poignet, le détenu à la barbe blanche, vêtu du pyjama bleu rayé des prisonniers, espère obtenir la mansuétude du jeune juge au regard impassible assis par terre près d'un vieux poêle à bois, dans une chambre faisant office de salle d'audience.

Kalachnikov et livres religieux

Dans la pièce exiguë, où trône un lit superposé sur lequel ont été abandonnés une Kalachnikov et des livres religieux, le prisonnier de 75 ans au visage creusé de rides ne conteste pas les faits. Il reconnaît avoir abattu la victime en raison de rumeurs de relations sexuelles entre celle-ci et la femme de son fils.

«Cela fait plus de huit mois que je suis en prison. Nous avons fait la paix entre les familles. J'ai des témoins qui peuvent prouver que nous nous sommes accordés sur une indemnisation. Ils sont d'accord pour m'épargner», explique le détenu en triturant un chapelet.

«Le tribunal n'aurait pas dû me condamner à mort», insiste le septuagénaire, sans avocat et dont l'entrevue ne durera pas plus de 15 minutes. Le juge, Mohammad Mobin, accompagné d'un mufti (interprète de la loi musulmane) pose peu de questions.

Il lui donne simplement rendez-vous dans plusieurs semaines avec ses témoins, afin qu'ils attestent qu'un accord a été conclu entre les deux familles, grâce auquel il peut espérer échapper à la peine capitale.

Loi du talion

«S'il prouve ses dires, alors le jugement pourra être révisé.» Mais dans le cas contraire, «il est certain que la Qisas [loi du talion, ndlr] inscrite dans la charia s'appliquera», explique le juge, entouré de maigres dossiers compilant quelques pages manuscrites reliées par un bout de ficelle.

Les centaines de millions de dollars dépensés à la chute du premier règne des talibans (1996-2001) pour mettre en place un nouveau système judiciaire combinant droits islamique et laïque, avec des procureurs, des avocats de la défense et des juges qualifiés, ne sont plus qu'un lointain souvenir, tout comme les femmes alors recrutées en nombre pour assurer un meilleur équilibre entre les sexes dans les affaires familiales.

Les condamnations et les punitions sont désormais supervisées par des religieux et reposent entièrement sur la loi islamique.

Appelé à diriger les affaires pénales du tribunal au retour au pouvoir des islamistes en août 2021, Mohammad Mobin affirme qu'une «douzaine de condamnations à mort» ont été prononcées dans la province de Ghazni sous l'ère des talibans, mais qu'aucune n'a encore été exécutée, notamment en raison de recours.

«Dieu nous guide»

«Il est très difficile de prendre une telle décision [...] mais si nous avons des preuves certaines, alors Dieu nous guide et nous dit ne pas avoir de sympathie pour ces gens», commente le taliban de 34 ans.

A la mi-novembre, le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, qui doit valider le verdict après un dernier avis de la cour suprême, avait sommé les juges d'appliquer scrupuleusement la charia sans omettre les châtiments corporels – de l'amputation d'un membre à la lapidation – avant l'exécution.

La première a eu lieu quelques semaines plus tard à Farah (ouest): un meurtrier a été abattu devant la foule de trois balles tirées par le père de sa victime. «Odieuse» et «rétrograde», l'exécution a été vivement commentée notamment par les Etats-Unis, l'ONU et la France, même si les voix osant la critiquer sont extrêmement rares en Afghanistan.