Canada Trudeau veut lever un barrage autochtone

ATS

25.2.2020 - 01:46

Des centaines de personnes sont descendues dans la rue à Ottawa pour soutenir la nation Wet'suwet'en.
Des centaines de personnes sont descendues dans la rue à Ottawa pour soutenir la nation Wet'suwet'en.
Source: KEYSTONE/AP/Justin Tang

Justin Trudeau a défendu lundi le démantèlement par la police canadienne d'un barrage autochtone qui paralysait depuis des semaines un axe ferroviaire crucial. Il espère mettre fin rapidement à une crise provoquée par la protestation contre un projet de gazoduc.

Ce barrage avait été érigé début février en soutien à la nation Wet'suwet'en de Colombie-Britannique, opposée à la construction d'un gazoduc sur son territoire ancestral.

«Il est important de continuer à travailler sur la réconciliation, même dans les situations difficiles, et c'est ce que nous avons fait jusqu'à ce que nous disions trop c'est trop, les barrages doivent être levés», a déclaré le Premier ministre canadien lors de la séance des questions au Parlement.

Il a rappelé que son gouvernement avait cherché, pendant dix jours, le dialogue avec les autochtones. «Mais lorsqu'il est devenu clair que les communautés autochtones n'étaient pas prêtes à négocier de bonne foi avec nous, nous avons changé notre position», a-t-il dit.

Plusieurs dizaines de policiers sont intervenus lundi matin sur l'un des principaux barrages du pays: celui situé sur la réserve mohawk de Tyendinaga, près de Belleville (Ontario), à environ 200 km au nord-est de la métropole Toronto. Le barrage de Tyendinaga est situé sur un axe stratégique pour le trafic ferroviaire entre l'est et l'ouest du Canada, ainsi qu'avec le nord des Etats-Unis.

Dix personnes arrêtées

Après une brève échauffourée avec quelques manifestants, filmée par l'un d'eux et diffusée sur les réseaux sociaux, la police de l'Ontario a procédé à l'arrestation de dix personnes, qui font face à de multiples accusations. Elles ont été remises en liberté sous cautionnement, a précisé la police sur Twitter.

A l'inverse de Justin Trudeau, le chef national de l'Assemblée des Premières nations autochtones, Perry Bellagarde, a estimé dans un communiqué que ces arrestations «montrent encore une fois qu'il n'y aura jamais de réconciliation par la force».

Quelques heures après l'intervention policière, le trafic ferroviaire de fret a repris à Tyendinaga pour la première fois depuis le 6 février, selon les images des télévisions canadiennes. Les chefs héréditaires de la nation Wet'suwet'en à l'origine du mouvement devaient se réunir dans la journée en Colombie-Britannique pour décider de la suite à lui donner.

Réunion d'urgence

Samedi, alors qu'ils visitaient un autre barrage en territoire mohawk, à Kahnawake, près de Montréal, plusieurs d'entre eux avaient réitéré leurs demandes, préalables à toute négociation avec le gouvernement: le retrait complet de la police fédérale de leur territoire ancestral en Colombie-Britannique et la suspension des travaux du gazoduc Coastal GasLink.

Lundi matin, quelques heures après l'intervention policière à Tyendinaga, des membres de la communauté mohawk de Kahnawake ont brièvement perturbé la circulation sur un pont menant à Montréal, tandis qu'une manifestation spontanée réunissait plusieurs centaines de personnes à Ottawa.

«Il est absolument essentiel que ces barricades soient levées», a réaffirmé lundi le ministre de la Sécurité publique Bill Blair, en marge d'une réunion d'urgence convoquée par Justin Trudeau à Ottawa.

Spectre d'Oka

Un Justin Trudeau à bout de patience avait durci le ton vendredi face aux manifestants. Il avait exigé la levée immédiate de tous ces barrages qui affectent l'économie canadienne, tout en appelant à une reprise du dialogue et à une issue «pacifique» à cette crise.

M. Trudeau, qui a fait de la réconciliation avec les autochtones l'une des priorités de son deuxième mandat, marche sur des oeufs. Pressé d'agir vite par l'opposition conservatrice, le dirigeant libéral veut éviter que la crise ne dégénère en cas d'incident lors d'une intervention policière, comme ce fut le cas à plusieurs reprises ces dernières décennies.

Il y a trente ans, la crise d'Oka au Québec, qui avait mobilisé les Mohawks en raison de l'agrandissement controversé d'un terrain de golf, avait fait un mort du côté des forces de l'ordre. Lundi, des Mohawks ont dressé un nouveau barrage routier à Oka en solidarité avec la nation Wet'suwet'en.

Cinq ans plus tard, c'est un militant autochtone qui avait été tué par balle par la police lors d'une intervention dans le parc provincial d'Ipperwash en Ontario.

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