Sciences & Technique A Palavas, un lieu de recherche unique en France sur la pisciculture

AFP

27.8.2018 - 11:42

Quelque 200 bassins, 300 aquariums, 600 bars vivants et 30.000 échantillons de spermes congelés: derrière une discrète palissade à Palavas-les-flots (Hérault), la plus grande infrastructure française dédiée à la recherche sur la pisciculture marine se déploie sur 6.000 m2, entre mer et lagune.

"C'est la plus vieille et la plus grande structure de ce type en France, toutes les techniques d'élevage de poissons marins ont été mises au point ici", souligne Béatrice Chatain, qui dirige depuis 2013 la plateforme expérimentale d'aquaculture de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

Existant depuis 1974, la structure, accueille en permanence une quarantaine de chercheurs (Ifremer, Inra, IRD, Cirad) qui travaillent de manière pluridisciplinaire - génétique, génomique, physiologie, éthologie, ingénierie des systèmes et sciences du développement - afin "d'améliorer les rendements et diminuer l'impact environnemental des unités de production" en pisciculture, explique Mme Chatain.

"Nous travaillons sur l’amélioration génétique des poissons", précise la responsable. "On décortique l'architecture génétique et génomique du poisson pour les caractères d'intérêt économique, l'efficience alimentaire, la résistance aux maladies...".

Dans un des cinq halls couverts, séparés d'un immense camping par une étroite route et une palissade verte, François Allal (Ifremer) et Marc Vandeputte de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) disposent d'un impressionnant cheptel de géniteurs de bars composés de différentes lignées expérimentales. Ce qui permet des recherches sur tous les stades de développement (larves, juvéniles, adultes).

"On est connu et reconnu pour notre capacité à faire de gros croisements contrôlés au même moment avec des lignées différentes", explique M. Allal.

Ainsi les chercheurs ont déterminé que le bar présent en Atlantique était beaucoup plus vulnérable au nodavirus, principale maladie affectant les bars produits en aquaculture, que son cousin le loup de Méditerranée. Ils veulent désormais établir les facteurs de résistance à la maladie.

- l'aquaculture reste contestée -

Une salle est également dédiée aux Tilapias, second groupe d'espèces de poissons produits dans le monde après les carpes, et dont la production devrait presque doubler d'ici 2030. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) poursuit des travaux sur la possibilité de remplacer pour leur alimentation les tourteaux de soja par des algues afin de réduire l'impact environnemental de l'aquaculture.

Car la plateforme expérimentale cherche non seulement à agir sur l'animal mais également sur le système de production - nourriture du poisson, déchets de l'aquaculture, coût en énergie, réutilisation de l'eau, etc..

Sur ce volet, des start-up comme de grands groupes comme Total et Véolia louent les installations ou participent directement aux projets de recherche de la plateforme qui accueillait ce week-end des visiteurs internationaux dans le cadre d'un salon mondial de l'aquaculture organisé à Montpellier.

A l'extérieur, 2.000 m2 sont dévolus à la production d'algues qui sont testées pour la bioremédiation (processus de décontamination au moyen d'organismes vivants) des effluents d'élevage ou le stockage du CO2.

Dans le cadre d'un projet auquel participent Arcelor Mittal et Total, sont étudiées entre autres les pistes de valorisation du CO2 généré par l'activité industrielle de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Une "première voie prometteuse" serait l'absorption par photosynthèse du CO2 via une culture de micro algues", résume l'un des chercheurs, Cyrille Przybyla.

L'aquaculture -peu développée en France et en Europe, l'Asie fournissant plus de 90% de la production mondiale en tonnes (plus de 60% par la Chine seule)- reste contestée par des pêcheurs, des défenseurs de l'environnement et des consommateurs en raison de la pollution qu'elle engendre mais aussi de la sélection génétique et de l'alimentation des poissons d'élevage.

"Pendant des années, l'aquaculture a été en compétition avec les pêcheurs - mais même si "la méfiance" est toujours de mise, "le dialogue est aujourd'hui facilité par la nécessité car les stocks de poissons naturels sont en régression", assure Béatrice Chatain.

"Le tout c'est que l'on arrive à une acceptabilité sociale et environnementale qui permette d'installer ces productions-là dans les meilleures conditions", estime-t-elle.

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