Paléontologie Dans les pas d'un mammouth laineux, il y a 17.000 ans

ATS

15.8.2021 - 05:03

Les chercheurs ont étudié l'une des défenses du mammouth pour déterminer son alimentation (archives).
Les chercheurs ont étudié l'une des défenses du mammouth pour déterminer son alimentation (archives).
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Une distance équivalente à deux fois le tour de la Terre en 28 ans de vie: c'est le chemin parcouru en Alaska par un mammouth laineux il y a 17'000 ans, que des chercheurs ont retracé. Ils prouvent pour la première fois que le pachyderme était bien un grand marcheur.

Keystone-SDA

Leur découverte, publiée jeudi dans la prestigieuse revue Science, pourrait permettre d'éclairer les hypothèses sur l'extinction de ce gigantesque mammifère, dont les dents étaient plus grandes qu'un poing humain.

Les chercheurs ont été impressionnés par leurs résultats: le mammouth étudié a parcouru une distance «énorme», environ 70'000 kilomètres et ne s'est pas cantonné à une plaine comme ils s'y attendaient. «On voit qu'il se déplace sur l'ensemble de l'Alaska, donc sur un immense territoire», souligne Clément Bataille, professeur adjoint à l'université d'Ottawa et l'un des auteurs principaux de l'étude. «C'était vraiment une surprise».

Pour leurs travaux, les chercheurs ont sélectionné un mâle ayant vécu à la fin de la dernière période glaciaire. Le spécimen est particulièrement intéressant, car il est assez récent et donc proche du moment de l'extinction de son espèce, il y a environ 13'000 ans.

Analyse d'une défense

L'une des deux défenses a été coupée en deux pour effectuer des relevés de ce que l'on appelle des «rapports isotopiques du strontium». Présent dans le sol, il est transmis à la végétation et, lorsque cette dernière est ingérée par un être vivant, il vient se placer dans les os, les dents ou les défenses.

Ces dernières grandissent de manière continue. Le bout reflète les premières années de vie et la base les dernières. Comme les rapports isotopiques sont différents en fonction de la géologie, Clément Bataille a développé une carte isotopique de la région. En la comparant avec les données des défenses, il est ainsi possible de dire de manière précise à quel moment le mammouth se trouvait à quel endroit.

De manière générale, l'animal revenait régulièrement dans certaines zones, où il pouvait rester plusieurs années. Mais ses déplacements ont fortement évolué en fonction de son âge, avant qu'il ne finisse par mourir de faim.

Immenses voyages

«Ce qui était vraiment surprenant, c'est qu'après l'âge adolescent, les variations isotopiques commencent à être beaucoup plus importantes», explique Clément Bataille. Le mammouth a, «trois ou quatre fois dans sa vie, fait un immense voyage de 500, 600, voire 700 kilomètres, en quelques mois.»

Pour expliquer de tels déplacements, les scientifiques ont deux hypothèses: comme chez les éléphants, ce mammouth mâle se déplaçait peut-être de façon solitaire, de troupeau en troupeau, pour se reproduire, ou, peut-être, était-il confronté à une sécheresse ou un hiver particulièrement dur, le forçant à se mettre en quête d'une zone où la nourriture était plus abondante.

Que ce soit pour des questions de diversité génétique ou de ressources, il est «clair que cette espèce avait besoin d'une aire extrêmement large» pour vivre, pointe Clément Bataille. Or, au moment de la transition entre la période glaciaire et interglaciaire, soit au moment de son extinction, «la zone s'est réduite, car davantage de forêts ont poussé» et «les humains ont exercé une pression assez forte sur le sud de l'Alaska, où les mammouths se déplaçaient probablement beaucoup moins», explique-t-il.