Sciences & TechniqueDans un champ de l'Illinois, à la recherche d'OGM super-productifs
AFP
3.1.2019 - 21:52
Depuis des années, les chercheurs de l'Institut de biologie génomique de l'Université de l'Illinois tentent de répondre à la question suivante: peut-on modifier génétiquement une culture afin qu'elle produise plus?
Dans des résultats publiés jeudi dans la revue Science, ils affirment avoir réussi à augmenter de jusqu'à 40% le rendement de plants de tabac dans un champ expérimental, grâce à ce qu'ils appellent un court-circuit ou un piratage génétique.
Le but final n'est pas de produire plus de tabac, mais d'appliquer un jour la manipulation génétique à du blé ou du soja, afin de répondre à l'appétit croissant de l'humanité. Leurs travaux, dans le cadre d'un projet international, sont d'ailleurs financés, entre autres, par la fondation philanthropique de Bill et Melinda Gates et le gouvernement britannique.
Les agriculteurs sont à peu près arrivés au bout des avantages procurés par les engrais, les pesticides ou les techniques agricoles, pour maximiser le rendement d'une culture.
Les chercheurs de l'Illinois font partie de ceux qui veulent rendre les plantes intrinsèquement plus efficaces, et s'intéressent pour cela au processus de la photosynthèse.
La photosynthèse permet aux plantes de produire des glucides à partir de l'eau et du gaz carbonique (CO2) de l'air, sous l'action de la lumière solaire. Une enzyme baptisée Rubisco agit pour "fixer" le carbone dans la plante. C'est ce qui la fait pousser.
Mais cette même enzyme fixe aussi dans une moindre mesure l'oxygène... ce qui produit des molécules toxiques, que la plante dépense une énergie considérable à éliminer. Autant d'énergie qui ne sert pas à croître. Ce processus concurrent de la photosynthèse s'appelle la photorespiration.
- Court-circuiter les plantes -
Les chercheurs de l'Illinois ont eu l'idée d'implanter une portion d'ADN d'algue verte dans les cellules de tabac pour créer une sorte de raccourci biologique... permettant à la plante de réaliser la photorespiration plus vite.
"C'est comme un raccourci en voiture, vous réduisez la distance et consommez moins d'essence", explique à l'AFP Donald Ort, l'auteur principal de l'expérience. "La plante peut consacrer cette énergie à sa croissance, au lieu de l'utiliser pour métaboliser ces molécules toxiques".
L'étude est importante car c'est la première fois que cette technique, débattue depuis des années, produit une telle hausse du rendement, dans un champ ouvert et non simplement en laboratoire.
D'autres techniques avaient tenté de limiter la photorespiration, mais cela s'était toujours fait au détriment d'autres fonctions de la plante.
"Leur technique est ingénieuse car elle ne produit pas d'effets secondaires", dit à l'AFP David Stern, président de l'Institut Boyce Thompson, qui n'a pas participé à cette étude.
Mais on est encore loin d'une exploitation à échelle industrielle. Les mêmes chercheurs vont tenter de reproduire leurs résultats avec du soja, une sorte de pois et la pomme de terre. Il faut aussi que la technique fonctionne dans divers climats, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est.
D'autres chercheurs doutent qu'ils y parviennent.
Le professeur Arnold Bloom, de l'Université de Californie Davis, rappelle que des quantités d'essais similaires ont été réalisées depuis cinq ou six ans, sans jamais aboutir. Il a lui-même publié dans Nature une étude montrant que la photorespiration n'était pas une fonction inutile des plantes.
"Pouvons-nous réinventer la photosynthèse? Je n'y crois pas", dit-il à l'AFP.
Les futures expériences des champs de l'Illinois permettront de le vérifier.
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