Sciences & Technique Des scientifiques israéliens reconstituent l'apparence d'un lointain cousin de l'Homme

AFP

19.9.2019 - 17:23

Le professeur Liran Carmel montre à Jérusalem, le 19 septembre 2019, une sculpture en 3D du visage supposé d'un Homme de Denisova, créé grâce à un ADN
Le professeur Liran Carmel montre à Jérusalem, le 19 septembre 2019, une sculpture en 3D du visage supposé d'un Homme de Denisova, créé grâce à un ADN
Source: afp/AFP

On sait à quoi ressemblait l'Homme de Néandertal. Mais grâce à l'ADN, des scientifiques israéliens ont réussi à donner corps et visage à un autre de nos anciens cousins, le Dénisovien, disparu il y a 50.000 ans.

Des Hommes de Denisova, dont les premiers restes ont été découverts en 2008, les scientifiques ne connaissaient que peu de choses: des dents, des bouts d'os et une mâchoire inférieure retrouvés. Trop peu pour savoir à quoi ils ressemblaient.

Les scientifiques israéliens de l'Université hébraïque de Jérusalem, sous la direction du professeur Liran Carmel, ont utilisé les évolutions des blocs de l'ADN retrouvé sur ces fragments afin de deviner quels gènes étaient activés et reconstruire ainsi l'apparence physique de ces lointains cousins.

«Il est très difficile de partir des séquences de l'ADN pour dessiner l'anatomie» de son propriétaire, explique jeudi le professeur Carmel, en présentant les résultats de leurs recherches à Jérusalem. «La police, partout dans le monde, rêverait de prélever de l'ADN d'une scène de crime et pouvoir identifier (physiquement) un suspect».

Les scientifiques ont développé une nouvelle méthode, «fiable à 85%«, ajoute-t-il. Ainsi, ils ont pu reconstituer, pour la première fois et après trois ans de travail, l'aspect général des Dénisoviens, poursuit-il.

Ils ont ainsi pu mettre en lumière 56 différences entre le Dénisovien et l'Homme moderne, ainsi qu'avec l'Homme de Néandertal. Le Dénisovien avait par exemple un petit front, contrairement à l'Homme moderne, mais similaire à celui des Néandertaliens.

«Les Dénisoviens sont plus proches de l'Homme de Néandertal que de nous, car ils sont plus proches sur l'échelle de l'évolution», fait remarquer le professeur Carmel.

Le scientifique espère que cette reconstitution permettra d'authentifier des crânes découverts en Chine il y a quelques années et qui semblent, par leur largeur, appartenir aux Dénisoviens.

- Métissage -

Ces conclusions ont été possibles grâce à la découverte d'un os rose dans une grotte en Sibérie, près de la Mongolie, a raconté Erella Hovers, professeure d'archéologie préhistorique à l'université hébraïque de Jérusalem. Des chercheurs, majoritairement russes, y mènent des fouilles depuis une quarantaine d'années.

L'os appartient à «une fille Dénisovienne de 13 ans, qui est morte dans la grotte de Denisova en Sibérie, il y a environ 70.000 ans, et elle nous a laissé son tout petit os rose», commente le professeur Carmel.

«Cet os rose a ouvert un tout nouveau chapitre dans l'évolution de l'homme», souligne-t-il.

Les Dénisoviens et les Néandertaliens se sont séparés il y a 400.000/500.000 ans, devenant deux espèces distinctes du genre Homo (les Homo sapiens en formant une autre). En quittant l'Afrique, les Néandertaliens se sont dispersés en Europe et dans l'ouest de l'Asie, tandis que les Dénisoviens se sont dirigés vers l'Asie de l'Est.

Les Hommes de Dénisova se sont éteints il y a 50.000 ans, mais les scientifiques ignorent pourquoi.

Ces lointains cousins ont laissé une partie de leur génome à certains Homo sapiens: moins de 1% chez les populations asiatiques et amérindiennes, et jusqu'à 5% pour les aborigènes d'Australie ou les Papous de Nouvelle-Guinée.

Ils auraient également transmis un gène aux Tibétains qui leur permet de respirer à haute altitude.

Des Néandertaliens ont émigré dans les régions où se trouvaient des Hommes de Dénisova, rappelle Mme Hovers. Les scientifiques ont même trouvé un fragment d'os d'une fille née d'un père dénisovien et d'une femme néandertalienne, dit-elle.

«Quelle était leur relation culturelle et comment interagissaient-ils?«, s'interroge la professeure, avant de préciser: c'est maintenant aux «archéologues» de le déterminer.

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