Championne du séquençage L'Islande est armée contre les variants Covid

ATS

17.1.2021 - 16:34

Face au Covid-19, l'Islande identifie génétiquement tous ses cas positifs depuis le début de l'épidémie. Un modèle unique dont l'utilité se retrouve renforcée avec l'apparition des variants anglais et sud-africain, à l'heure où l'OMS appelle le monde à muscler en urgence ses capacités de séquençage.

L'intégralité du processus de séquençage entrepris en Islande a permis d'identifier à ce jour 463 variants distincts (image d'illustration).
L'intégralité du processus de séquençage entrepris en Islande a permis d'identifier à ce jour 463 variants distincts (image d'illustration).
KEYSTONE

C'est au premier étage du siège de l'entreprise deCODE Genetics à Reykjavík, dans un immense bâtiment gris, que tout se joue. Depuis dix mois, les scientifiques en blouse blanche du laboratoire de cette pépite biopharmaceutique islandaise travaillent sans relâche pour le compte des autorités sanitaires.

Mission: analyser chaque échantillon positif de ceux qui se font tester en Islande, tant aux frontières qu'à l'intérieur. Cela afin de tracer avec précision les cas et éviter qu'un cas particulièrement problématique ne passe entre les mailles du filet.

«Le séquençage proprement dit nous prend relativement peu de temps», explique, masqué, Ólafur Thór Magnússon, chef du laboratoire. «Environ trois heures suffisent car nous avons suffisamment de données séquencées pour pouvoir déterminer de quelle souche du virus il s'agit».

L'intégralité du processus, qui peut prendre jusqu'à une journée et demi de travail, a permis d'identifier à ce jour 463 variants distincts, appelés haplotypes dans le langage scientifique. Avant l'étape du séquençage, l'ADN de chaque échantillon est d'abord prélevé, isolé puis purifié à l'aide de billes magnétiques pour se débarrasser des excès de matière.

Importance de la technique

Puis direction une vaste salle lumineuse où trônent des dizaines d'équipements. Avec un vrombissement évoquant des photocopieurs d'entreprise, des petits appareils ressemblant à des scanners oeuvrent dans un vacarme fracassant.

Ces machines, séquenceurs de gènes, sont utilisées pour déterminer le génome du coronavirus. À l'intérieur sont disposés des boîtiers noirs appelés «flow cells», des lames de verre qui contiennent les molécules d'ADN.

La technique joue un rôle prépondérant en Islande depuis le début de l'épidémie. «Le séquençage des échantillons est important pour que nous puissions suivre l'état et l'évolution de l'épidémie», dit à l'AFP la ministre de la Santé Svandís Svavarsdóttir. Les informations obtenues constituent la base de la prise de décision quant aux mesures préventives prises, ajoute-t-elle.

Si le variant sud-africain n'a pas été importé à ce jour, 41 personnes ont été identifiées porteuses de la souche dite anglaise. Toutes ont pu être stoppées aux frontières à l'issue des tests réalisés sur les voyageurs, évitant sa propagation sur l'île.

Etablir des liens

L'identification ADN a par exemple permis d'établir un lien clair avec un pub du centre-ville de Reykjavík dans la majorité des infections à l'origine d'une nouvelle vague mi-septembre dernier, entraînant la fermeture des bars et discothèques de la capitale.

La totalité des quelque 6000 cas de Covid-19 officiellement déclarés en Islande a été séquencée, ce qui fait du pays le leader mondial en la matière.

Si quelques pays comme le Royaume-Uni, le Danemark, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande séquencent de façon significative, aucun n'atteint une telle proportion, même si les statistiques mondiales sont parcellaires.

Face à plusieurs variants problématiques, le comité d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé vendredi soir la communauté internationale à renforcer leurs capacités de séquençage et donc de détection.

Jeu d'enfant

Pourquoi la petite Islande brille-t-elle? La recherche génétique n'a aucun secret pour deCODE, déjà à l'origine de la plus vaste étude génétique jamais conduite sur une population.

Pour ces travaux sur les facteurs de risque génétique publiés en 2015, le séquençage du génome complet de 2.500 Islandais et l'étude du profil génétique d'un tiers du pays ont été nécessaires.

A côté, l'analyse du Covid-19 semble être un jeu d'enfant. «Il est très facile de séquencer ce génome viral: ce n'est que 30.000 nucléotides, ce n'est rien», s'amuse Kári Stefánsson, 71 ans, PDG et fondateur de la société.

Le génome humain ordinairement analysé en ces lieux contient 3,4 milliards de paires de ces molécules organiques, explique-t-il. S'il s'est avéré précieux pour tracer la circulation du virus, le séquençage n'a toutefois donné lieu à aucune découverte scientifique majeure pour le moment chez deCODE.

«S'il existe des différences avec les nombreuses mutations, elles ne sont pas suffisamment évidentes pour que nous puissions les saisir», reconnaît Stefánsson.

Retour à la page d'accueil

ATS