Ecosystèmes La superficie des forêts de nuage tropicales en recul

uc, ats

29.4.2021 - 17:17

Les forêts de nuage tropicales, comme celles du parc national de Manusela sur l’île de Seram, en Indonésie, sont généralement enveloppées de brumes. La biodiversité y est particulièrement élevée.
Les forêts de nuage tropicales, comme celles du parc national de Manusela sur l’île de Seram, en Indonésie, sont généralement enveloppées de brumes. La biodiversité y est particulièrement élevée.
ATS

La superficie des forêts de nuage tropicales diminue dans le monde entier. C’est ce que montre une équipe internationale emmenée par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), à l’aide de données satellitaires.

Keystone-SDA, uc, ats

Les forêts de nuage comptent parmi les habitats les plus riches en espèces au monde. Cependant, la superficie de ces forêts, présentes seulement sous les tropiques à des altitudes comprises entre 1500 et 2500 mètres, diminue régulièrement. Et avec elle la diversité des plantes et des animaux qui dépendent de cet environnement unique, a indiqué jeudi le WSL dans un communiqué.

Les chercheurs du WSL à Birmensdorf (ZH), avec des confrères américains et allemands, démontrent cette détérioration dans la revue Nature Ecology and Evolution. Le déclin s’étend également aux aires protégées.

L'équipe emmenée par Dirk Karger, biologiste au WSL et premier auteur de l’étude, a combiné le jeu de données climatiques à haute résolution CHELSA, géré au WSL, avec des informations sur la couverture nuageuse mondiale. Cette approche a permis d’estimer où les forêts de nuage doivent théoriquement se situer sur la planète, car les données sur leur répartition mondiale faisaient défaut jusqu’alors.

Les scientifiques ont comparé ces occurrences avec des images satellitaires pour savoir comment la superficie des forêts avait évolué en 18 ans. Il est apparu qu’entre 2001 et 2018, environ 2,4% de la surface totale des forêts de nuage dans le monde a été perdue, voire jusqu’à 8% dans certaines régions.

«Parcs de papier»

Les forêts de nuage tropicales sont principalement menacées par les activités humaines telles que l’abattage des arbres pour la culture, l’agriculture à petite échelle ou la collecte du bois. Les aires protégées ont certes un effet, mais seulement si elles sont inaccessibles et éloignées des zones habitées. Environ 40% de la diminution continue de se produire dans ces aires.

«Souvent, c’est lorsque des zones ont été placées sous la protection de l’Etat que la déforestation a vraiment commencé, car avant cela, l’accès aux forêts sous gestion privée était généralement interdit. Contrairement aux entreprises privées, les autorités chargées de la protection de la nature dans de nombreux pays manquent souvent de moyens financiers pour suffisamment préserver ces espaces», explique Dirk Karger, cité dans le communiqué.

De tels «parcs de papier», c’est-à-dire des aires protégées qui n’existent qu’administrativement, ne sont pas rares, selon le chercheur. Néanmoins, il a été surpris que la protection soit si peu utile.

Une vie dans la brume

Les forêts de nuage tropicales se caractérisent par une forte humidité et se situent en altitude, là où les montagnes rencontrent les nuages. On estime que la plus grande diversité au monde d’épiphytes, de mousses, de fougères, de lichens et d’orchidées s’y trouve, et avec elle une multitude d’animaux qui se nourrissent de ces organismes ou dont ces forêts sont l’habitat.

«Les forêts de nuage tropicales abritent probablement la plus importante concentration d’espèces terrestres au monde. Ces régions, déjà petites et fragmentées, continuent de perdre de la superficie, ce qui a des conséquences dramatiques pour la biodiversité et ses fonctions», souligne Walter Jetz, co-auteur de l’étude et directeur du Yale Center for Biodiversity and Global Change, aux Etats-Unis.

La protection insuffisante n’est toutefois pas la seule cause de la disparition des forêts. En raison du changement climatique, la base des nuages se déplace vers le bas ou vers le haut selon la région, et les forêts peuvent ainsi perdre leur approvisionnement en eau.

S'y ajoute l'intensification des événements extrêmes tels que les incendies, les tempêtes ou les sécheresses. «Afin de préserver ces havres uniques de biodiversité que sont les forêts de nuage, nous avons donc besoin de nouvelles initiatives mondiales qui prennent en compte tous ces aspects», conclut Dirk Karger.