Sciences & Technique Le chercheur et son sismomètre martien: une aventure de 30 ans

AFP

2.5.2018 - 14:53

Il a tenu bon en dépit des difficultés, fidèle à son rêve d'écouter un jour battre le cœur de Mars. Samedi, Philippe Lognonné sera aux premières loges pour assister au départ de son sismomètre pour la planète rouge sur la mission InSight.

Ce géophysicien français est le responsable scientifique de SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure), l'instrument principal de la sonde InSight de la Nasa, qui doit s'élancer de la base militaire de Vandenberg en Californie à 4h05 samedi matin (11h05 GMT).

Placé sous la maîtrise d’œuvre du Cnes, l'agence spatiale française, ce sismomètre est chargé de détecter les petits séismes martiens, ce qui permettra de sonder les profondeurs de la planète rouge. Objectif: "comprendre pourquoi cette planète qui a été habitable a priori il y a 4 milliards d'années a cessé de l'être peu à peu", explique à l'AFP Philippe Lognonné, à quelques jours de son départ pour les Etats-Unis.

Cheveux dans le cou et barbe grisonnante, chemise hawaïenne, ce chercheur à l'Institut physique du globe à Paris vient de fêter ses 55 ans. Dont près de trente passés à travailler notamment sur les entrailles martiennes et la mise au point de sismomètres adaptés à la planète rouge, où les séismes sont de faible intensité.

Dès 1989, sa thèse en poche, il commence à se pencher sur la sismologie martienne, dans le cadre d'une participation du Cnes à une mission russe. Au programme entre autres, deux petits sismomètres dont il conserve la maquette. Mais la mission russe Mars 96 échoue suite à un problème au lancement.

Philippe Lognonné ne se décourage pas. Avec son collègue américain Bruce Banerdt - devenu le responsable scientifique d'InSight -, il participe à la préparation d'une mission européenne NetLander qui prévoyait l'envoi de plusieurs atterrisseurs sur Mars pour mettre en réseau quatre petites stations scientifiques comprenant notamment des sismomètres. Mais la mission, onéreuse, est annulée en 2003 par l'Agence spatiale européenne et le Cnes.

Là, il y a eu "un peu de lassitude...", reconnaît le chercheur.

- "Un pire pour un bien"-

Philippe Lognonné et Bruce Banerdt, scientifique au laboratoire JPL de la Nasa à Pasadena, diversifient chacun leurs recherches dans d'autres domaines à plus court terme mais ils n'abandonnent pas leur sismomètre.

"On savait que notre objectif scientifique était unanimement reconnu, il y avait un consensus scientifique pour dire +il faut le faire+", poursuit ce professeur à l'Université Paris-Diderot.

Au fil des ans, l'expérience SEIS s'internationalise, avec l'apport de compétences suisses, britanniques et allemandes sur certains matériels.

Le tandem répond alors à un appel d'offres de la Nasa pour son programme Discovery, composé de petites missions d'exploration du système solaire relativement peu onéreuses. "Avec Bruce, nous nous étions dit que les missions chères n'étaient pas pour nous".

"Pour 2012, il y avait au départ 27 projets en compétition. Le Cnes a dit à la Nasa qu'il nous soutenait financièrement".

Et "en août 2012, la Nasa nous a annoncé qu'on était sélectionné pour un lancement en 2016! Quatre ans c'est très court".

Sous la maîtrise d'oeuvre du Cnes, les diverses équipes se mettent à travailler d'arrache-pied. Celle de Lognonné est chargée des capteurs sismiques "très large bande" d'une précision inégalée.

Mais en 2015, les Français repèrent des fuites au niveau des connecteurs de la sphère qui protège le sismomètre et le maintient sous vide.

A quelques mois du lancement prévu, le Cnes et la Nasa décident alors de reporter le vol à mai 2018 (les fenêtres de tir favorables pour Mars se présentant tous les deux ans). Le laboratoire JPL est chargé de refaire la sphère.

Ce report a été "un pire pour un bien" car "cela nous a permis de faire des tests supplémentaires, d'apporter des améliorations ici ou là. Globalement, la mission a gagné en sécurité, en robustesse et en préparation", souligne le chercheur.

Le robot InsSight doit arriver sur Mars en novembre 2018.

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