Sciences & Technique Le météore que personne n'a vu (sauf des satellites)

AFP

19.3.2019 - 18:53

Une météore traverse le ciel de Birmanie, le 14 décembre 2018
Une météore traverse le ciel de Birmanie, le 14 décembre 2018
Source: AFP/Archives

Le 18 décembre 2018 à 11H48 du matin, 25,6 kilomètres au-dessus de la mer de Bering, un gros rocher spatial fonçant droit sur la Terre à 32 kilomètres par seconde a explosé en entrant dans l'atmosphère, se consumant dans une grosse boule de feu.

Au-dessous, seuls les poissons ont peut-être été témoins de l'événement. Mais au fil des semaines, grâce au système sophistiqué de surveillance civile et militaire de la planète, l'explosion a été reconstituée par les scientifiques, jusqu'à ce qu'on retrouve a posteriori des photographies du météore.

Un météore est le phénomène lumineux résultant de l'entrée dans l'atmosphère d'un astéroïde ou d'un autre corps céleste. C'est une étoile filante. Si tout ne se vaporise pas dans l'atmosphère et qu'un morceau atterrit, on parle de météorite.

L'un des premiers chercheurs à avoir remarqué l'événement était Peter Brown, scientifique des météores à l'université de Western Ontario. Le 8 mars, il épluchait les données remontant à décembre du système mondial de détection automatique des explosions atmosphériques de l'Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Le système est composé de détecteurs sismiques et acoustiques et, notamment, de 50 stations de micros capables de capter les infrasons (inaudibles à l'oreille humaine) à des dizaines de milliers de kilomètres de distance.

«Beaucoup d'entre elles ont détecté les ondes sonores de cette explosion», a dit Peter Brown à l'AFP. «Si vous aviez été juste en-dessous, le son aurait été assourdissant».

- Dix mètres de diamètre -

Les satellites militaires américains avaient quant à eux «vu» l'explosion immédiatement.

Mais ce n'est que le 8 mars que l'US Air Force a envoyé son rapport officiel à la Nasa, avec latitude, longitude, vitesse... L'agence spatiale l'a ajouté en dix minutes à sa base de données en ligne des «boules de feu» depuis 1988, a expliqué mardi à l'AFP Lindley Johnson, de l'unité de Défense planétaire de l'agence spatiale.

Le Centre d'étude des objets proches de la Terre de la Nasa a calculé que l'énergie dégagée par l'explosion avait été de 173 kilotonnes --dix fois plus que la bombe atomique d'Hiroshima.

Ce fut la plus puissante explosion dans le ciel depuis les 440 kt de Tcheliabinsk, en Russie en 2013, qui avait fait un millier de blessés par les vitres ayant volé en éclats.

L'événement a été décrit lundi par des scientifiques lors de la 50e conférence des sciences lunaires et planétaires au Texas.

En lisant un article de la BBC sur le sujet, Simon Proud, météorologue et spécialiste des données satellitaires à l'université d'Oxford, a eu l'idée de vérifier les archives d'images collectées par le satellite météo japonais Himawari et enregistrées par son centre en permanence.

Bingo: le satellite était passé au bon moment, au bon endroit.

Simon Proud a publié l'image lundi sur Twitter: on y distingue ce qui ressemble à une boule de feu orange au-dessus des nuages et de la mer, mais qui est en réalité le nuage de poussières du météore illuminé par un Soleil bas, selon Peter Brown.

Trois autres satellites civils, deux de la Nasa (MODIS et VIIRS) et un européen (SLSTR), ont aussi vu l'explosion mais moins nettement, selon M. Proud.

Et un astronome à Londres, Giorgo Savini, a tweeté l'image de la traînée de poussières, photographiée par le satellite MODIS.

«Cela ne m'étonne pas» qu'un météore aussi puissant se soit produit, a sobrement réagi Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS, à l'Observatoire de la Côte d'Azur, spécialiste des astéroïdes.

«Cela nous rappelle que même si c'est le risque naturel le moins probable pour nous, c'est un risque qui existe et sur le long terme il va finir par se concrétiser», a-t-il dit à l'AFP.

Ce rocher faisait environ dix mètres de diamètre. La menace la plus importante concerne les objets de plus de 150 mètres.

«Rien de très inhabituel», a aussi commenté Rüdiger Jehn, chef du bureau Défense planétaire de l'agence spatiale européenne (ESA).

Mais l'ESA avait prévu de demander à ses membres de l'argent pour créer un meilleur système de protection lors d'une réunion ministérielle en novembre.

«L'explosion du météore assure la promotion parfaite de notre programme, et c'est gratuit», s'est-il réjoui.

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