Sciences & Technique Ses mosaïques restaurées, la Basilique de la Nativité recouvre sa splendeur

AFP

16.12.2018 - 09:55

Couvertes des siècles durant par la suie des cierges puis pendant des années par les échafaudages des restaurateurs, les mosaïques de la Basilique de la Nativité à Bethléem apparaissent à nouveau dans leur splendeur originelle de l’époque des Croisades, à temps pour Noël.

Durant 15 mois, 125 m² des 2.000 m² des mosaïques originales, dessinées à l'époque des Croisades entre 1154 et 1169, ont été minutieusement nettoyés et réparés. Le reste a disparu, rongé par le temps, le manque d'entretien, l'humidité, les secousses sismiques et les guerres.

Les fragments restaurés brillent désormais sur les murs blancs, au-dessus de la tête des visiteurs, transfigurant ce haut lieu du christianisme bâti sur la grotte où, selon les chrétiens, Marie mit Jésus au monde.

Sur le mur gauche de la nef, sept anges entourés d'or semblent s'être posés à l'instant sur un tapis d'herbe vert vif pour veiller sur les pèlerins. Chacun est placé entre deux fenêtres, symboles de la lumière divine. L'un d'entre eux, haut de plus de deux mètres, a été découvert sous une couche de plâtre lors de la restauration.

Au-dessous des anges et en face, d'autres mosaïques représentent les différents synodes, ainsi que les ancêtres de Jésus.

"Ces mosaïques sont constituées de feuilles d'or placées entre deux plaques de verre", explique à l'AFP Marcello Piacenti, qui supervise les travaux pour le compte de la société privée italienne Piacenti. "Seuls les visages et les membres sont dessinés avec des petites pièces de pierre".

"Quand vous pénétriez dans l'église avant (la restauration), vous ne pouviez même pas distinguer que c'étaient des mosaïques tellement tout était noir", remarque Ibrahim Abedrabbo, ingénieur supervisant les travaux côté palestinien.

- Exaltation -

Initialement, les mosaïques couvraient l'intégralité des murs. Fait rare, la signature du maître d'oeuvre et de l'artiste sont encore visibles.

Dans le choeur, Saint Thomas, incrédule, enfonce son doigt dans la plaie du Christ après la crucifixion, dans le même style chatoyant.

A l'opposé, l'or et les couleurs se mêlent pour reconstituer l'arrivée du Christ à Jérusalem: les habitants pavent sa route de palmes et de leurs manteaux, l'entrée de la Ville sainte se détachant à l'horizon.

"On a l'impression que ça vient d'être fait", s'étonne Patricia Lieby, une Française de 44 ans qui visite l'église pour la première fois. "Je n'avais encore jamais vu de mosaïque comme celle-ci, en dehors de Jérusalem. C'est sublime!"

"Quand je les ai découvertes après la restauration, je suis resté stupéfait", abonde le Père Asbed Balian, supérieur de l'église arménienne de la Nativité, l'une des trois églises qui gèrent l'édifice. "Spirituellement, on se sent davantage exalté".

Sous les mosaïques de la nef, les restaurateurs ont fait resurgir des peintures datant de la même époque, sur les colonnes. Entre 1127 et la fin du XIIe siècle, de riches pèlerins payaient des artistes pour qu'ils représentent les saints de leur famille ou de leur région dans l'église.

"Ces portraits étaient à peine distincts", raconte Marcello Piacenti. A présent, les silhouettes se détachent parfaitement sur les colonnes rosées. Seuls manquent les visages, effacés par les musulmans après la conquête islamique, leur religion interdisant les représentations humaines.

La restauration aidera à retracer l'histoire de ce lieu insigne, dit M. Piacenti.

Les historiens pensaient que la première église, édifiée au IVe siècle par l'empereur Constantin et sa mère Hélène, avait été détruite par un incendie. Or "aucune trace de brûlé n'a été retrouvée pendant la restauration", note Marcello Piacenti, pour qui l'hypothèse d'un tremblement de terre semble plus probable.

- Ancrage pour les chrétiens -

Les Byzantins ont reconstruit l'édifice au VIe siècle, puis les Croisés l'ont enrichi.

Faute d'accord entre les trois églises - catholique, grecque orthodoxe et arménienne - gérant l'édifice, le bâtiment n'avait pas été restauré depuis le milieu du XIXe siècle.

"Quand les travaux ont débuté en 2013, la basilique était en danger", se souvient Afif Tweme, consultant pour le comité présidentiel palestinien pour la restauration de l'église.

Selon lui, l'Autorité palestinienne a impulsé le début des travaux et reste le plus gros contributeur financier. Les donations sont arrivées au compte-gouttes, mais la restauration devrait être achevée fin 2019. L'église, lieu de culte et destination touristique majeure, est restée ouverte pendant tous les travaux.

Des échafaudages entourent encore quelques parties du choeur. Des restaurateurs continuent à nettoyer la mosaïque au sol, centimètre par centimètre, abrités du regard des visiteurs par de grands panneaux en contreplaqué. "Parfois je dois les forcer à quitter le chantier!", plaisante Marcello Piacenti.

Pour Afif Tweme, après des années assombries par la persistance du conflit israélo-palestinien, la restauration "va influencer le tourisme, c'est sûr". Il espère que les retombées économiques convaincront les chrétiens de la région de Bethléem de rester sur leur terre.

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