EnvironnementSupprimer les obstacles dans les rivières préserve la biodiversité
hl, ats
17.3.2021 - 20:00
La libre migration des poissons est un élément capital pour la préservation des espèces menacées et donc de la biodiversité. Au vu des risques de propagation de maladies, une telle affirmation n'allait pas de soi avant qu'elle ne soit confirmée par une étude.
Keystone-SDA, hl, ats
17.03.2021, 20:00
17.03.2021, 20:21
ATS
Les constructions avec des obstacles migratoires empêchent souvent la montée des populations de poissons indigènes dans les eaux de frai et d’hivernage. Avec pour conséquence notamment un déclin des populations de poissons indigènes dont certaines espèces se voient carrément menacées à l'échelle locale.
Mais en levant les obstacles, le risque existe que les espèces invasives et les maladies mortelles véhiculées par les poissons en migration dans des zones encore sauvages puissent mettre en péril les communautés écologiques et les populations de poissons encore indemnes mais déjà très fragilisées, écrit mercredi l'Université de Berne dans un communiqué.
Face à ce dilemme et à l'absence d’études concrètes portant sur l’influence tangible des migrations vers des milieux sauvages sur la propagation de maladies, des chercheurs et chercheuses du Centre pour la médecine des poissons et des animaux sauvages (FIWI) de l’Université de Berne ont voulu en avoir le coeur net. Ils ont étudié l'effet de l’amélioration des mouvements de poissons vers l’amont suite au retrait d'obstacles migratoires sur le déplacement d’agents pathogènes.
Site idéal
Les truites de la rivière Ehrenbach, un affluent de la Wutach qui fait office de frontière naturelle entre le canton de Schaffhouse en Suisse et l’arrondissement badois de Waldshut en Allemagne au niveau de la région de Klettgau, ont servi de base à l’étude qui vient de paraître dans la revue PLOS ONE. Ces eaux présentent en effet toutes les caractéristiques à même de servir d'exemple.
Comme beaucoup d'autres rivières à truites en Europe, la Wutach est en effet touchée par la MRP (maladie rénale proliférative ou Proliferative Kidney Disease). Causée par un parasite (Tetracapsuloides bryosalmonae), cette maladie redoutée pourrait être l’une des causes du déclin des populations de truites constaté dans différents pays européens, selon l'Université de Berne.
Séparée de la Wutach par une traverse en béton qui représentait un obstacle insurmontable pour les truites, l'Ehrenbach était en revanche exempte de cette maladie. Afin d'observer les effets d'une libre circulation, l'obstacle a été retiré en 2014.
162 truites munies d'une puce
«Chaque année, nous avons étudié la fréquence d’apparition de la maladie ainsi que des lésions organiques associées chez les truites fario atteintes de la Wutach et sur celles de l’Ehrenbach», indique Heike Schmidt-Posthaus, autrice principale de l’étude, citée dans le communiqué. Les mouvements migratoires de 162 truites fario équipées d’une puce électronique ont également été documentés pendant deux ans.
Il a été constaté que les truites fario adultes migraient principalement vers l’affluent pendant les mois d’hiver, vraisemblablement pour frayer. L’affluent n’a pourtant pas été contaminé par la maladie. «Nous n’avons à aucun moment été en mesure de détecter la MRP. Au cours des cinq années d’étude, aucune des 120 truites fario analysées n'a montré des signes de la maladie», affirme Heike Schmidt-Posthaus.
L’étude met donc en évidence que la migration des truites fario d’une section d’une rivière contaminée vers un affluent non contaminé n’a pas entraîné la propagation de la MRP pendant la période d’observation de cinq ans. C'est probablement dû au fait que ce sont principalement des truites adultes qui ont migré pendant les mois d’hiver. Or la maladie joue un rôle chez les jeunes animaux, les spores du parasite étant excrétées surtout pendant les mois d’été, ajoute Heike Schmidt-Posthaus.
Bonne nouvelle pour la biodiversité
Le fait que la suppression d’obstacles à la migration n’ait pas entraîné une propagation de la MRP pendant la période d’observation est ainsi une bonne nouvelle pour la biodiversité. Pour les truites fario qui parcourent des distances considérables afin d'atteindre les zones de frai, la connexion des systèmes fluviaux est indispensable.
Elles ne sont pas la seule espèce à bénéficier d'un niveau élevé de franchissabilité: ceci favorise également la biodiversité et facilite la migration des petites espèces de poissons et des invertébrés.
Des études comme la nôtre sont absolument nécessaires afin de mieux pouvoir évaluer les risques et les opportunités des mesures de revitalisation et de fournir des bases scientifiques à ces décisions qui s’avèrent souvent politiques, souligne Heike Schmidt-Posthaus.