Un expert répond Autoroutes limitées à 60 km/h : bonne ou mauvaise idée ?

Andreas Fischer (traduit et adapté par GG)

13.7.2022

Des limitations de vitesse à 60 km/h sur l'autoroute devraient résoudre le problème des embouteillages en Suisse. Mais ce ne sera pas aussi simple que l'imagine la Confédération, explique Kay W. Axhausen, Professeur en planification des transports à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

Limiter les autoroutes à 60 km/h : une bonne idée ?

Andreas Fischer (traduit et adapté par GG)

13.7.2022

Une vitesse limitée à 60 km/h sur l’autoroute : est-ce une bonne idée de la part de la ministre des Transports Simonetta Sommaruga ?

«Il s'agit plutôt d'une avancée surprenante, car il est bien connu que la capacité maximale d'une autoroute est de 80 à 85 km/h. À moins qu'il n'y ait de nouveaux résultats, que je ne connais pas encore.»

L'Office fédéral des routes (OFROU) veut essayer de diminuer la problématique des bouchons avec la limitation de vitesse. L'année dernière, les embouteillages se sont tout de même élevés à près de 32 500 heures sur les routes helvétiques...

«Tout d'abord, les autoroutes et les routes urbaines sont deux choses différentes. Elles sont évidemment liées l'une à l'autre parce que le trafic veut passer de l'autoroute aux routes urbaines et l’inverse. Mais la limitation de vitesse à 60 km/h sur les autoroutes ne permet pas de réduire les heures d'embouteillage sur les autres routes. Je crains qu'elle entraîne finalement de nouvelles pertes de temps sur d’autres tronçons.»

Limiter la vitesse sur les autoroutes à 60 km/h afin de fluidifier le trafic est donc un voeu pieux ?

«L'OFROU peut tout à fait mener des études à ce sujet, mais cela ne change rien au fait que la capacité idéale se situe justement, d'après ce que je sais, entre 80 et 85 km/h, parce que cette vitesse maximise le débit.»

Quelles solutions voyez-vous pour diminuer les embouteillages ?

«Nous pourrions construire de nouvelles routes, ce qui ne suscite généralement pas un grand enthousiasme. Nous pourrions aussi introduire des taxes d'utilisation des routes qui augmenteraient en cas d’une grande utilisation d’un tronçon. Sinon, il ne reste plus qu'à rouler moins. Ou se déplacer aux heures lorsque les autres utilisateurs ne veulent pas rouler.»

Il est peut-être possible de gérer ce dernier point pour les trajets pour partir en vacances, mais cela devient difficile aux heures de pointe...

«Il existe presque toujours des alternatives. De nos jours, de nombreuses personnes peuvent se demander si elles veulent vraiment aller au bureau ou si elles préfèrent travailler à domicile. Les horaires de travail sont flexibles : vous pouvez donc vous rendre au travail plus tard ou plus tôt. Les travailleurs peuvent également prendre les transports en commun ou se rendre au boulot en vélo. Bien sûr, il y a des situations où la voiture est la seule solution. Néanmoins, il faut toujours se demander : que pourrais-je faire moi-même pour désengorger le trafic routier?»

La responsabilité individuelle est donc un moyen pour réduire les embouteillages ?

«Malheureusement, il y a toujours le problème de l'action collective. Chaque individu a le sentiment que sa propre petite contribution n'aide pas le système global, car il pense que les autres ne font rien. C'est pourquoi je vois un avantage aux péages routiers. Ils signaleraient à tous la nécessité de changer de comportement. Ces frais inciteraient un nombre suffisamment important de personnes à changer leurs habitudes.»

Si des péages sont mis en place, les gens se tourneraient-ils pas plutôt vers les routes gratuites ?

«Ces individus peuvent le faire. Mais alors, ils roulent plus longtemps. Ou alors, ils réfléchissent à des alternatives. La logique du concept de tarification de la mobilité est la suivante : nous tarifons les routes en fonction de leur utilisation et pouvons ainsi lisser les pics de trafic. Ce concept pourrait être étendu, par exemple aux places de parking dans les centres-villes ou aux trains bondés durant les heures de pointe. Les recettes pourraient par exemple être investies dans le développement de l'offre de transports publics.»