Pandémie L'été de tous les dangers pour le tourisme 

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22.5.2020

Nature et espace, l'Ajoie offre tout ce que les touristes devraient rechercher cet été.
Nature et espace, l'Ajoie offre tout ce que les touristes devraient rechercher cet été.
AllTheContent / Journal l'Ajoie / Jura Tourisme

Après un début de saison avorté pour les raisons que l'on connaît, les acteurs du tourisme se préparent à la reprise en Suisse. Mais de nombreuses incertitudes planent encore et compliquent la mise en route d'un été où certaines structures joueront ni plus ni moins que leur survie. Zoom sur l'Ajoie, dans le Jura.

C'est de moins en moins une question et de plus en plus une affirmation: nos vacances d'été auront très certainement la Suisse pour décor. Et par les temps qui courent, nos compatriotes pourraient bien, prédisent les spécialistes, privilégier les lieux peu fréquentés où la distance sociale est une évidence plutôt qu'une contrainte. Le Jura, par exemple. En Ajoie, les premiers frémissements de cette tendance se font sentir. «Les demandes commencent d'arriver depuis une dizaine de jours, confirme le responsable de la Maison du Tourisme à Saint-Ursanne, Frédéric Lovis. Mais ce n'est pas encore la cohue, on sent que les gens attendent d'avoir plus d'informations.»



«Les Suisses allemands ont moins peur que nous.»

«Ces quinze derniers jours, on a deux réservations par jour pour les roulottes», constate pour sa part David Protti, prestataire de tourisme équestre à Courtedoux, qui remarque aussi que la durée des séjours tend à s'allonger: «Les Suisses allemands ont moins peur que nous.»

Car cette clientèle est majoritairement alémanique, ou du moins helvétique, ce qui n'est pas nouveau dans la région. «Que les Chinois ne viennent pas en Suisse cette année ne changera rien pour nous, résume Éric Gigandet, le patron du Préhisto-Parc et des Grottes de Réclère. Environ 85% de notre clientèle est suisse de toute façon, à peu près moitié-moitié entre Suisses romands et Suisses allemands.» Pour les excursions en roulottes tziganes de David Protti, commercialisées par le voyagiste Eurotrek, très actif dans la région zurichoise, la proportion monte même à 95% de clientèle alémanique.



Tant de questions

Vu de loin, tout ceci ressemble à une bonne nouvelle. Pourtant, l'inquiétude est palpable chez les prestataires touristiques du district. «Juillet-août, c'est la période des camps de vacances à la Ferme du Bonheur, explique son responsable Gabriel Schenk, à Porrentruy. Mais pourra-t-on les maintenir? Et à quelles conditions? Ce sont ces questions qui nous préoccupent maintenant.» Au début de cette semaine, ni Éric Gigandet ni Frédéric Lovis ne savaient quand ils pourraient rouvrir leur Préhisto-Parc pour l'un et reprendre une partie de ses activités pour l'autre. «Est-ce qu'on pourra faire dormir des gens sur la paille? s'interroge de son côté David Protti, qui organise également l'hébergement de sa clientèle des roulottes. Certains prestataires me disent que oui, d'autres que non. Et est-ce qu'il faudra changer la paille après chaque départ?» En filigrane, c'est naturellement la question de la rentabilité qui se pose pour toute la filière.

Et c'est dans ce contexte d'incertitudes que les prestataires doivent également mettre au point leur concept sanitaire. «C'est très important, estime Frédéric Lovis. Il faut que les gens sentent cette sécurité sanitaire. Mais ça demande quand même un grand travail de mise en place.» «On se réjouit que les premiers clients soient passés pour être à l'aise avec cette nouvelle routine», poursuit Gabriel Schenk.

«Il faut qu'on trouve 40 000 francs d'ici la fin juin»

Aussi compliqué soit-il, ce redémarrage est crucial pour les structures ajoulotes. «À l'heure actuelle, on ne sait pas si la Ferme du Bonheur va survivre, lâche Gabriel Schenk. De mi-mars à fin juin, les pertes auront été énormes. Il faut savoir aussi que puisque nous avons un rôle social, nous ne répercutons pas la totalité de nos coûts sur les clients: chaque année, notre fondation doit faire appel à des sponsors. Mais cette année, avec la crise économique qu'on connaît, on ne sait pas si nos soutiens habituels pourront nous aider.» En clair, «il faut qu'on trouve 40 000 francs d'ici la fin juin, pour autant qu'on puisse redémarrer en juillet-août.»

À Courtedoux aussi, David Protti s'inquiète: «J'ai 17 chevaux au chômage dans mon écurie, que je dois bien nourrir même si depuis le mois de mars on n'a rien fait. En temps normal on fait aussi une centaine de sorties par an avec le char à fondue et une septantaine de promenades avec des personnes à mobilité réduite. Mais qu'est-ce qu'on aura cette année? On n'en sait rien, on vit au jour le jour.»

«On va y laisser beaucoup, beaucoup de plumes...»

«On est en sursis, estime également Frédéric Lovis. Si la météo est mauvaise cet été ou qu'on ne peut pas naviguer sur le Doubs, ça pourrait être catastrophique. Car de toute façon, ce qui est perdu est perdu.» «On va y laisser beaucoup, beaucoup de plumes, constate pour sa part Éric Gigandet. Si ça dure une année, on devrait s'en sortir en se serrant vraiment la ceinture, mais il ne faudrait pas que ce soit plus long.» Reste le scénario du pire, qu'on ose à peine envisager: celui d'une nouvelle vague de contaminations: «Dans deux mois, nous serons à la mi-juillet, observe David Protti. Si on nous bloque à nouveau à ce moment-là, ça sonnera le glas.»

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