Voisinage Quand l’APEA est contactée à cause d’enfants trop bruyants

De Jennifer Furer

21.3.2020

En Suisse, les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte ne cessent d’être appelées à intervenir en raison de litiges de voisinage, ce qui peut se retourner contre la personne à l’origine du signalement.

«J’ai des voisins incroyablement bruyants», écrit dans une publication sur Facebook une utilisatrice d’un forum de conseil juridique suisse. Selon elle, les enfants bruyants n’ont parfois pas le droit de sortir le week-end. L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) a été informée, explique-t-elle. Et pourtant: «Il ne s’est rien passé. Que puis-je faire d’autre?»

Les réactions de la communauté Internet n’ont pas tardé à affluer: «Les enfants ont le droit d’être des enfants et d’être parfois bruyants», écrit par exemple une mère de quatre enfants. Elle ne comprend guère la démarche de l’auteure de la question, qui a fait appel à l’APEA. «Savez-vous ce que vous faites à cette famille?»

Un autre utilisateur se montre plus dur: «Interpeller l’APEA? Comment peut-on être aussi stupide?»

D’autres utilisateurs accusent également l’auteure de la question d’avoir «abusé» de l’autorité.

Pas de procédure

Interrogé par «Bluewin», Stefan Armenti, président de l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de la région de Soleure, explique qu’il arrive effectivement que le l’APEA reçoive des signalements en lien avec de mauvaises relations de voisinage.

«Régulièrement, un premier examen du signalement montre déjà qu’il est principalement question d’un litige de voisinage plutôt que d’un éventuel besoin de protection d’une personne affectée», affirme Stefan Armenti. Dans ce genre de cas, précise-t-il, l’APEA n’engage pas de procédure.

Une maltraitance physique ou psychologique

«Le bruit que font les enfants dans les familles les plus ordinaires n’est certainement pas une raison pour effectuer un signalement auprès de l’APEA», poursuit Stefan Armenti. Le signalement n’est opportun que si la personne qui l’effectue craint que le bien-être d’un enfant ne soit menacé, indique-t-il.

«C’est le cas par exemple lorsque le bruit semble indiquer que l’enfant fait l’objet d’une maltraitance physique ou psychologique.»

Par nature, la réception de signalements liés à des litiges de voisinage ne peut être empêchée, explique-t-il. «Dans de tels cas, nous renvoyons les auteurs de signalements vers les recours prévus par le droit du bail conformément au Code suisse des obligations», précise Stefan Armenti. On y trouve par exemple des dispositions relatives aux réductions de loyer.

Thomas Büchler, président de l’APEA de Thoune, confirme également l’existence de cas qui, observés de plus près, ne concernaient pas des questions de protection de l’enfant et de l’adulte, mais des litiges relevant du droit du bail ou du voisinage. Il concède cependant qu’il n’est pas toujours possible de conclure que des auteurs de signalements abusent de l’APEA.

«Ces signalements sont plutôt fondés sur des attentes erronées de leur auteur vis-à-vis de l’APEA. «Certains auteurs de signalements supposent à tort que l’APEA a également pour mission de les protéger contre les voisins "dérangeants".»

Un travail de relations publiques actif

Outre les signalements émis en raison d’enfants bruyants, il se peut également que des personnes interpellent l’APEA parce que leur voisin a tenu des propos injurieux à leur encontre et qu’elles se sentent menacées par ce voisin. «Elles attendent alors de l’APEA qu’elle intervienne», explique Thomas Büchler.

Afin de sensibiliser et d’éduquer la population sur les missions, les compétences mais aussi les limites de l’APEA, le canton de Berne ainsi que d’autres régions misent sur un travail de relations publiques actif, des conférences, l’information à bas seuil ou la mise en réseau avec des associations spécialisées.

Des signalements qui peuvent être facturés

Selon Yvo Biderbost, chef du service juridique de l’APEA de la ville de Zurich, on ne peut tirer des conclusions trop hâtives en attribuant des intentions malveillantes à tous les auteurs de signalements pour un bruit excessif.

«Un signalement adressé à l’APEA en raison de préoccupations au sujet d’un enfant est pertinent et la population doit faire preuve de ce courage civique dans l’intérêt des enfants en danger.» Même s’il peut s’avérer plus tard que les enfants sont entre de très bonnes mains, indique-t-il.

«Les signalements liés à une vengeance ou un litige de voisinage sont très rares chez nous. Il existe également des moyens plus simples et surtout plus efficaces pour cela», affirme Yvo Biderbost. Cependant, «si le rapport est pour ainsi dire malveillant ou abusif, dans des cas extrêmes, l’auteur du signalement peut recevoir une facture».

Une délimitation difficile

Dario Colangelo, vice-président de l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de la ville de Lucerne, estime également que les cas de signalements relatifs à des enfants bruyants ne sont pas toujours faciles à classer, à la fois pour les auteurs des signalements et pour l’APEA.

Il est important de savoir si une partie est «juste» dérangée ou si le «bruit» incessant émis par la famille prend par exemple la forme de pleurs pendant plusieurs heures après une dispute bruyante parfois accompagnée de violence, poursuit-il.

«Il y aurait alors lieu de s’inquiéter pour le bien-être des enfants, ce qui justifierait une intervention de l’APEA. Cette délimitation peut être difficile en pratique», affirme Dario Colangelo.

Patrick Fassbind, président et chef de service de l’APEA de Bâle-Ville, connaît une situation similaire. Les signalements reçus par l’APEA de Bâle-Ville sont généralement émis par des personnes qui s’inquiètent pour d’autres personnes, explique-t-il.

«Les inquiétudes ne sont peut-être pas toujours justifiées, mais les signalements sont effectués par compassion et non par méchanceté, à des fins de dénonciation ou en vue d’obtenir des avantages personnels.»

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