«Bötschi questionne» André Lüthi: «J’ai pleuré, crié, mais personne ne m’a entendu...»

De Bruno Bötschi

27.8.2019

André Lüthi à propose du tourisme de masse: «Tout comme quand nous allons voir un match de football ou un concert, il faudrait aussi limiter l’accès à des villes comme Lucerne et d’autres sites prisés à un nombre limité de touristes.»
André Lüthi à propose du tourisme de masse: «Tout comme quand nous allons voir un match de football ou un concert, il faudrait aussi limiter l’accès à des villes comme Lucerne et d’autres sites prisés à un nombre limité de touristes.»
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André Lüthi, le CEO du groupe Globetrotter, nous parle du traumatisme subi durant sa jeunesse et du changement climatique. Il explique aussi comment la ville de Lucerne pourrait être sauvée du surtourisme.

Une demi-heure au bureau du CEO de l’agence de voyages Globetrotter à Berne, voire 45 minutes: tout dépendra si André Lüthi trouve les questions passionnantes ou au contraire ennuyantes.

André Lüthi apparaît volontiers dans les médias. Il adore cela même. On a pu lire à son sujet dans un article que «la reconnaissance du public envers l'artisan boulanger-pâtissier, c’est comme la crème fouettée sur une tourte aux fraises: indissociable».

La représentation et la prospection sont les meilleurs atouts de l’homme de 59 ans. Ses nombreuses apparitions ne sont désormais pas les seules à avoir un impact sur son entreprise. L’expression de sa présence auprès du public se voit dans ses nombreux posts publiés sur Facebook et LinkedIn.

Monsieur Lüthi, je vais vous poser un maximum de questions auxquelles vous devez répondre le plus rapidement et spontanément possible au cours de la prochaine demi-heure …

… cela va dépendre de la complexité de vos demandes, je veux dire par là par rapport à mes réponses concises.

Si l’une des questions ne vous convient pas, dites simplement «Je passe».

OK.

Le Cervin ou le Kilimandjaro?

Le Kilimandjaro. C’est le sommet de mes rêves. Je viens d’y escorter un groupe d’invités il y a quelques jours à l’occasion du jubilé des 30 ans de Globotrek, notre société.

Combien de fois avez-vous déjà escaladé la plus haute montagne du continent africain?

C’était ma quatrième ascension.

Quand avez-vous vu la mer pour la première fois?

Je suis issu d’une famille aux origines très modestes si bien que je ne suis jamais parti en vacances avec mes parents. Ma première nuit passée à l’hôtel remonte à mes 16 ans à l’occasion d’un camp d'entraînement. La première fois que j’ai vu la mer? À 19 ans. J’ai voyagé jusqu’à Marseille avec un billet Interrail.

Auriez-vous un jour envie d’embarquer pour la lune?

Non. Je trouve que cela n’a plus rien à voir avec le tourisme. Les personnes qui embarquent pour la lune doivent le faire à des fins de recherche ou pour y découvrir quelque chose. Je ne suis pas favorable au tourisme lunaire.

Combien de semaines par année êtes-vous en déplacement?

Entre huit et treize. Les déplacements professionnels et voyages privés se combinent souvent dans mon cas. C’est pourquoi j’aime répéter que je n’ai pas besoin d’équilibre travail-vie personnelle mais que j’ai la chance d’avoir un bon équilibre de vie.

André Lüthi sur la richesse: «Le problème n’est pas la grande quantité d’argent mais le fait de ne pas pouvoir assumer ces milliards. C’est également pour cette raison que j’ai une haute estime du bouddhisme. Il nous encourage à prendre nos responsabilités»
André Lüthi sur la richesse: «Le problème n’est pas la grande quantité d’argent mais le fait de ne pas pouvoir assumer ces milliards. C’est également pour cette raison que j’ai une haute estime du bouddhisme. Il nous encourage à prendre nos responsabilités»
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À qui était destinée votre dernière lettre manuscrite?

J’ai écrit plusieurs lettres dernièrement dont la toute dernière a été envoyée à la femme d’un ami récemment disparu.

Un premier bilan intermédiaire: est-il sympathique? Oui. Rien qu’à voir comme il passe au tutoiement. On ne peut presque pas en vouloir à ce démarcheur habile, assis comme ça face à quelqu’un.

Vous êtes très actif sur Twitter. Vous avez écrit il y a quelques jours à propos du très contesté voyage en Corée du Nord de Claude Béglé, le Conseiller national vaudois de l’UDC: «Il n’a pas fermement condamné les violations des droits de l'homme. Une erreur! Toutefois, à tous ceux et celles qui le jugent désormais sur le fond, partez découvrir ce pays. Une visite est bien plus instructive que mille racontars». Que croyez-vous pouvoir atteindre grâce à vos activités sur Twitter?

J’aimerais souligner que je ne suis pas un expert de la Corée du Nord. Je m’y suis rendu à quatre reprises et me suis fait une idée du pays. Lors de mon deuxième voyage, j’ai passé trois semaines en compagnie d’une équipe de l’émission «10 vor 10» produite par la télévision suisse. Je dénonce avec la plus grande fermeté la situation relatives aux violations des droits humains là-bas. Le pays se révèle cependant aussi sous une autre facette, que j’ai voulu montrer à l’époque. La présentation de la Corée du Nord dans les médias occidentaux est souvent faite de manière assez unilatérale selon moi. J’ai souhaité à ce moment lancer le débat sur ce pays et encourager les gens à s’y intéresser de plus près. Mais pour en revenir à votre question: pour ces raisons, j’ai donc compris en partie les déclarations du Conseiller national Claude Béglé.

Est-ce une bonne chose lorsque les entreprises mêlent les affaires à la politique?

Non.

Contrairement à de nombreux PDG en Suisse, vous prenez régulièrement position publiquement sur des thèmes d’actualité. Est-ce profitable à l’image de l’entreprise?

Je l’ignore. Je me fie à mes convictions intérieures lorsque je m’exprime publiquement sur un pays par exemple. Je n’autorise d’ailleurs aucun boycott à l’égard de quelconque pays au sein de notre entreprise. Il faudrait sinon rayer de notre liste de destinations la moitié des états du monde par rapport à la question des droits de l’homme. Je considère qu’une agence de voyages doit conseiller ses clients au mieux, même s’ils décident au final de se rendre dans un tel pays ou non.

Qu'est-ce qui vous stimule?

L’envie de découvrir et la joie. J’étais déjà comme cela à six ans, quand nous étions derrière la maison et que je demandais à mon père: «J’aimerais savoir où continue le chemin derrière la forêt».

Vous avez déclaré un jour que «voyager est une bonne école de vie».

J’ai appris à mieux me connaître en voyageant, à identifier mes faiblesses, mes craintes. Dans des pays comme l’Afghanistan ou l’Inde, j’ai appris à avoir confiance, à improviser, à être patient. Et j’ai appris comment aborder les gens, même si leur façon de penser est radicalement différente de la mienne. J’en ai tiré de nombreux enseignements en tant qu’entrepreneur.

Et maintenant attaque-surprise: on change de sujet avec des questions d’ordre familial.

Vous êtes partis il y a quelques semaines en auto-stop de Berne à Londres en compagnie de votre fils de 18 ans, Levin.

C’est une histoire particulière. La rédaction de l’émission «Dok» de la télévision suisse m’avait demandé si j’étais prêt à refaire mon premier voyage à l’étranger, entrepris seul à mes 17 ans, en compagnie de mon fils.

Vous êtes-vous bien amusés?

Oui, énormément. C’était aussi en même temps une situation assez étrange dans la mesure où nous étions pratiquement toujours branchés durant 14 jours et suivis par un caméraman, ce qui a aussi parfois donné lieu à quelques situations cocasses. En Allemagne, nous avons un jour poireauté durant deux heures devant un aire d’autoroute par 35°C à l’ombre. À un certain moment, Levin a dit: «Papa, ça me fait vraiment chier. Personne ne s’arrête». Il a réalisé après une seconde qu’il était branché et m’a demandé quelque peu stupéfait: «Ça passe à la télé maintenant?»

Avez-vous sensibilisé vos deux enfants à la politique durant leur éducation?

Non, mais ma femme et moi leur avons transmis une éducation cosmopolite. Quand nos enfants avaient deux et quatre ans, ils nous avaient déjà accompagnés en Inde. Nous avons souhaité leur montrer le monde très jeunes afin qu’il puissent s’en faire leur propre représentation.

Ont-ils déjà participé à une manifestation en faveur du climat?

Non.

Quand avez-vous manifesté pour la dernière fois?

J’ai manifesté à 17 ans contre la centrale nucléaire de Mühleberg.

Vos parents vous ont-ils sensibilisés à la politique?

Pas du tout.

Prenez-vous régulièrement part aux élections et votations?

Non, pas régulièrement, mais j’y vais. Mes absences sont principalement dues à mes nombreux déplacements à l’étranger. Et oui, je sais, je pourrais tout aussi voter par correspondance.

Vous deviez avoir des opinions plutôt radicales durant votre jeunesse, vous manifestiez contre le nucléaire tout en faisant votre école de recrue en tant que grenadier ...

... et je faisais du sport d’élite tout en fumant des joints (il rit). C’était vraiment une période formidable.

Aimez-vous encore chercher vos limites?

Oui.

André Lüthi: «Voyager signifie bien plus pour moi que de n’avoir qu’un joli ventre brun et se reposer. Je souhaite explorer des contrées inconnues et connaître d’autres personnes et cultures, d’autres religions et traditions culinaires.»
André Lüthi: «Voyager signifie bien plus pour moi que de n’avoir qu’un joli ventre brun et se reposer. Je souhaite explorer des contrées inconnues et connaître d’autres personnes et cultures, d’autres religions et traditions culinaires.»
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Votre première drogue?

J’ai fumé pour la première fois à 14 ans. Nous, les enfants avions récolté pas mal d’argent lors des chants du 1er mai. Nous avons ensuite dérouté un comparse plus âgé pour qu’il nous achète un paquet de cigarettes. J’ai vomi juste après avoir fumé ces clopes.

Le traumatisme de votre jeunesse?

(Il réfléchit longuement) Il y avait une colline derrière notre maison où nous allions faire du ski. Je m’y suis aussi longuement entraîné seul. Un jour, à la nuit tombante, j’ai chuté et je me suis cassé la jambe. Je suis resté étendu dans la neige, souffrant horriblement au point de penser que j’allais mourir. J’ai pleuré, crié, mais personne ne m’a entendu durant longtemps. L’horreur totale. Puis soudain ma grand-mère est passée derrière la maison. J’ai crié encore plus fort. En m’apercevant elle a dit: «Arrête de faire l’idiot et lève-toi». Il lui a fallu un certain temps avant de comprendre que je ne simulais pas.

Vous avez pratiqué la lutte plus jeune et rêviez de Jeux olympiques. Est-ce vrai que vous avez finalement arrêté à 19 ans car vous n’étiez pas suffisamment doué?

C’est exact. J’avais complètement craqué pour ce sport, mais je n’étais malheureusement pas assez bon pour réaliser mes rêves. Il y a quand même une chose que j’ai apprise quand j’étais lutteur: savoir accepter la défaite.

Votre pire souffrance psychologique?

Les défaites aux combats de lutte car elles m’ont valu de nombreuses nuits blanches durant ma jeunesse.

L’expression faciale d’André Lüthi peut osciller entre super sympa et hyper sérieuse. Maintenant place à un peu de tristesse après les questions consacrées au sport.

Quel est le plus beau bâtiment de Berne?

Le Zollhaus sur le Pont de Nydegg près de la fosse aux ours. Un édifice impressionnant.

Qu’est-ce qui rend si magique la piscine fluviale du Marzili?

La magie débute cinq kilomètres en amont …

… là où l’on saute dans l’Aar et on se laisse entraîner?

Tout à fait. C’est juste formidable de voir l’Aar si verte s’écouler, comme le chante Endo Anaconda, du groupe «Stiller Has». Tu te tournes ensuite dans l’eau et là tu aperçois l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau, et plus loin le Palais fédéral. Peut-être que l’enchantement est aussi lié à la connaissance, du fait qu’il n’y ait aucun autre endroit similaire sur Terre.

Comment est votre maillot de bain?

Long et noir.

Pourquoi est-il si compliqué pour nous, les humains, de simplement rester à la maison?

Ce n’est pas le cas de tout le monde. Ma coiffeuse n’est partie que deux fois à l’étranger. Elle affirme qu’il n’existe aucun endroit plus beau que chez elle.

«Been there, done that» – que pensez-vous de la campagne publicitaire actuelle d’une compagnie aérienne suisse?

Une ânerie.

Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte?

Aucun, je ne lis pas.

Un brave type, cet André Lüthi. Il soigne encore davantage son capital sympathie.

Êtes-vous courageux?

Dès que j’ai peur de quelque chose, je renonce à le faire. La peur est mauvaise conseillère. Mais j’ai tout de même accompli certaines choses que d’autres personnes ont jugé très courageuses. J’ai déjà gravi deux sommets à 8000 mètres, fait aussi du canoë en Alaska. Ou faut-il du courage pour sauter en parachute d’un avion? Chacun a sa propre opinion. Mes expéditions sont toujours préparées de manière respectueuse et minutieuse, qu’il s’agisse de l’entraînement, de l’équipement jusqu’au plan d’urgence.

Lors de la Patrouille des glaciers à Zermatt il y a neuf ans, vous avez été emporté par une plaque de neige, mais vous avez pu vous en sortir seul.

J’ai eu peur à l’instant où j’ai été emporté. Je n’arrive plus à dire, avec le recul, si j’ai craint pour ma vie. J’ai immédiatement réalisé qu’il s’agissait de neige mouillée et était conscient du grand danger potentiel. J’ai quand même eu de la chance dans mon malheur, et en sortant la tête de la neige après l’arrêt de la coulée, je n’ai constaté aucune blessure. Et puisqu’il s’agissait d’une course, les secours sont aussi arrivés rapidement sur place me porter assistance.

Et est-ce vraiment exact que vous avez ensuite terminé la course?

Oui, c’est vrai. La première question que j’ai posée aux sauveteurs était: «Où sont mes skis? Retrouvez-les s’il vous plaît, je veux terminer l’épreuve».

André Lüthi à propos de l'aviation: «Il est clair que les transports aériens contribuent en partie au changement climatique. Mais seulement en partie. Pourquoi ne pas avouer que nous avons un problème global avec la mobilité, le commerce mondial et notre comportement en tant que consommateur? Cela ne me dérange pas.»
André Lüthi à propos de l'aviation: «Il est clair que les transports aériens contribuent en partie au changement climatique. Mais seulement en partie. Pourquoi ne pas avouer que nous avons un problème global avec la mobilité, le commerce mondial et notre comportement en tant que consommateur? Cela ne me dérange pas.»
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Vos voyages n’ont pas l’air sans danger. Prenez-vous moins de risques depuis que vous êtes devenu papa?

Non. Je n’ai jamais pris de risques démesurés à mon avis. Je n’ai effectué qu’une seule expédition où j’estime aujourd’hui avoir fait preuve d’un certain égoïsme: je suis allé gravir un sommet à 8000 mètres alors que notre fille était âgée de six mois.

Bien joué. Mais trêve de plaisanteries, passons maintenant aux choses sérieuses avec les questions sur le changement climatique.

Le débat sur le changement climatique est en pleine effervescence. Êtes-vous plus attentif aux questions environnementales, prenez-vous moins l’avion désormais?

Non, je vole même davantage qu’il y a dix ans.

Et la clientèle de Globetrotter: prend-elle moins l’avion pour se rendre en vacances?

Non, mais le nombre de clients est en recul. Non pas parce qu’ils volent moins, mais parce qu’ils achètent leur billet en ligne directement auprès des compagnies aériennes.

Le trafic aérien mondial est à l’origine d’environ 5% des effets climatiques générés par les humains, en Suisse, on parle même de plus de 18%. Vous avez récemment déclaré dans une interview qu’«actuellement, l’aviation est la cible de bashing, d’attaques répétées». À quoi attribuez-vous ce phénomène?

Il est clair que les transports aériens contribuent en partie au changement climatique. Mais seulement en partie. Pourquoi ne pas avouer que nous avons un problème global avec la mobilité, le commerce mondial et notre comportement en tant que consommateur? Cela ne me dérange pas.

Voler, est-ce une nécessité?

Non, il faut majoritairement le considérer comme un luxe.

Les prix des voyages en avion devraient-ils augmenter à nouveau selon vous?

Oui, nous volons aujourd’hui à un prix excessivement bas. La hausse du nombre de vols a été stimulée par le dumping des prix, particulièrement sur les courtes distances. Une rumeur circule actuellement concernant la prochaine offre de vol aller-retour à destination de Singapour pour 299 francs suisses qu’une compagnie européenne va proposer prochainement.

Que se passerait-il si Globetrotter ne pouvait plus vendre de voyages en avion?

Nous devrions fermer.

Pouvez-vous s’il vous plaît commenter brièvement les deux déclarations suivantes du manager en tourisme Thomas Hodes: «Il ne nous reste guère que dix ans avant d’avoir transformé nos villes les plus attractives en des Parcs Disneyland».

Il y a de fortes chances que cela se produise, et je pense que le danger ne concerne pas uniquement les villes. Des menaces pèsent également sur des sites comme le Machu Picchu, le Taj Mahal ou Angkor Wat. Je ne vois pourtant qu’une solution à ces problèmes: tout comme quand nous allons voir un match de football ou un concert, il faudrait aussi limiter l’accès à des villes comme Lucerne et d’autres sites prisés à un nombre limité de touristes. Je sais que Martin Nydegger, le chef de Suisse Tourisme, n’est pas du tout emballé par cette idée. Il affirme que j’ai tort, que la Suisse n’est pas en situation de surtourisme. Une discussion passionante ... (il rit)

«Nous devons restreindre les entrées de visiteurs dans nos villes. Nous devons nous limiter en effet à un tourisme de qualité».

Limiter, oui. Mais je trouverais arrogant d’effectuer cela sur la base de quelconques critères de qualité. On trouve de jeunes gens qui voyagent en sac à dos à Lucerne et qui se sont très bien informés sur la ville préalablement. Et d’autres visiteurs qui descendent dans les hôtels cinq étoiles de Lucerne et ne connaissent rien de la région. Je pense que la mixité des touristes est le meilleure solution.

Quelles pourraient être les mesures concrètes de restriction d’accès à Lucerne?

Ce n’est pas simple. Les autorités à Venise souhaitent installer des tourniquets pour veiller au maintien de l’ordre. Je ne verrais pas cela à Lucerne. Une possible alternative consisterait à limiter les places de stationnement des bus. On pourrait par exemple décider de limiter à 30 au maximum le nombre de bus touristiques entrants dans le centre de Lucerne.

André Lüthi à propos d'une nouvelle tendance en matière de voyages: «Il est de plus en plus courant que des amis ou des connaissances me fassent part de leur ras-le-bol de prendre l’avion ou de faire la queue des heures durant pour accéder à certains sites touristiques. Et plus c’est long, plus elles sont prêtes à renoncer à des destinations vers l’étranger et savourer toujours davantage le bon temps passé à la maison.»
André Lüthi à propos d'une nouvelle tendance en matière de voyages: «Il est de plus en plus courant que des amis ou des connaissances me fassent part de leur ras-le-bol de prendre l’avion ou de faire la queue des heures durant pour accéder à certains sites touristiques. Et plus c’est long, plus elles sont prêtes à renoncer à des destinations vers l’étranger et savourer toujours davantage le bon temps passé à la maison.»
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Et une autre déclaration que je vous demanderais également de commenter: «Voyager s’apparente toujours plus à un bien de consommation normal».

Cette phrase consciemment provocante émane de moi. J’ai voulu dire par là que ce n’est pas une bonne chose si les voyages deviennent une certaine forme de compensation. Pour de nombreuses personnes, ils deviennent de plus en plus comme un motif d’évasion. Ils embarquent pour Majorque mais souhaitent parler leur langue, consommer leurs bières et saucisses et rencontrer des comparses, c’est-à-dire avoir le tout comme s’ils étaient à la maison. Voyager signifie bien plus pour moi que de n’avoir qu’un joli ventre brun et se reposer. Je souhaite explorer des contrées inconnues et connaître d’autres personnes et cultures, d’autres religions et traditions culinaires.

Ruinons-nous le monde?

Je crois que nous n’y arriverons pas. Et de toute manière, j’espère de nouvelles choses.

Lesquelles?

Il est de plus en plus courant que des amis ou des connaissances me fassent part de leur ras-le-bol de prendre l’avion ou de faire la queue des heures durant pour accéder à certains sites touristiques. Et plus c’est long, plus elles sont prêtes à renoncer à des destinations vers l’étranger et savourer toujours davantage le bon temps passé à la maison.

Êtes-vous cynique?

Non.

Optimiste alors?

Oui.

Êtes-vous intéressé par le temps qu’il fera demain?

Oui, si je me trouve en montagne. Ou également quand je roule en scooter en Inde. La technologie ne fonctionne cependant pas correctement là-bas pour avoir un véritable aperçu de la situation.

Où trouve-t-on André Lüthi pleinement détendu?

Il y a deux choses que je ne supporte pas de faire: lire un livre et «fainéanter». Pour cela, je séjournais déjà dans des monastères au cœur de l’Himalaya. Mais en Suisse, je n’arrive pratiquement jamais à m’allonger et rester sans rien faire. En revanche, j’aime souvent partir seul de bon matin effectuer un tour à ski, à vélo ou courir le long de l’Aar. C’est excellent pour se ressourcer.

Combien d’argent dépensez-vous par année?

En comptant le logement et toutes les dépenses? Attendez, je dois vite calculer. Je dirais entre 60 000 et 120 000 francs.

L'argent corrompt-il le caractère?

Il est clair qu’une certaine base financière contribue à être heureux mais davantage d’argent ne rend pas plus heureux. Durant notre voyage en Angleterre avec mon fils, je me suis sans cesse souvenu de mon premier voyage en auto-stop il y a 37 ans. Je n’avais presque pas d’argent à l’époque mais j’étais heureux malgré tout. Je peux aujourd’hui dormir à l’hôtel et m’offrir encore d’autres choses, mais je ne suis pas plus heureux pour autant.

Les héritiers de la marque BMW, Susanne Klatten et Stefan Quandt, se sont récemment plaints dans une interview des difficultés de la vie de milliardaires et ont demandé: «Qui souhaiterait échanger sa vie avec la nôtre?».

Je ne connais pas cette interview, mais cette déclaration est un affront, et est déplacée. Le problème n’est pas la grande quantité d’argent mais le fait de ne pas pouvoir assumer ces milliards. C’est également pour cette raison que j’ai une haute estime du bouddhisme. Il nous encourage à prendre nos responsabilités face à la vie et à continuer de se développer spirituellement par ses propres efforts. Un peu comme Hansjörg Wyss le fait. L’entrepreneur et mécène suisse a su rester modeste malgré sa fortune évaluée en milliards. C’est un modèle à suivre pour les milliardaires.

La porte du bureau s’ouvre, une femme jette un coup d'œil et déclare: «André, ta prochaine visite est arrivée». Il lui indique de la faire patienter encore un petit instant.

Où le monde est-il le plus beau?

Dans chacun de nous.

Où souhaiteriez-vous obligatoirement voyager encore une fois?

Pas dans l’absolu, mais pour autant que je le puisse et le veuille, encore toujours au Népal.

À un endroit précis?

Je me suis rendu 49 fois au Népal jusqu’à présent. Et j’ai pratiquement toujours été à Bodnath, c’est un stoupa à Katmandou. Des Tibétains ayant fui en 1959 y vivent. C’est un lieu sacré pour les Bouddhistes. Ils tournent dans le sens des aiguilles d’une montre autour du stoupa et doivent se recentrer sur eux-mêmes en l’effectuant. Quand je suis là, je me sens toujours vraiment bien et suis détendu.

Voilà, nous avons terminé.

Eh bien, il y en avait des questions!

Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Depuis de nombreuses années, il écrit pour le magazine «Schweizer Familie» la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve). Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.
Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Depuis de nombreuses années, il écrit pour le magazine «Schweizer Familie» la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve). Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.
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